Mati Fernandez : Chili incarné
Quand on était petits, il y avait ce dessin animé : Lucille, amour et Rock'n'roll. A dire vrai, sans doute l'une des meilleures exportations nippones de l'époque. A travers un scénario habile, Lucille devait choisir entre deux stars du Rock'n'roll, Tristan, un grand type aux cheveux longs violets, et Matias, un mec cool avec une banane blonde couplée à du rose du plus bel effet. Cocu dès les premiers épisodes, Matias sombrera dans une vraie crise existentielle, à la recherche de nouvelles inspirations. C'est la dernière fois que le prénom Matias sera associé à une certaine idée de la classe, avant l'arrivée de Fernandez.
« Quand je marque, je fais semblant d’appeler au téléphone, parce que j’ai beaucoup d’amis. Tout le monde m’adore et je trouve ça bien » . Signé Matias Fernandez, milieu de terrain offensif et lumineux dépositaire du jeu du Villarreal CF, ça vous pose un joueur. Avec ce qu’il faut d’arrogance et de crochets extérieurs, Matias a déjà fait oublier Juan Roman Riquelme aux spectateurs du Madrigal.
Outre la position qu’il occupe sur le terrain, Fernandez possède un autre point commun avec l’ancien joueur du Barça : l’Argentine. Bien que Chilien de nationalité, le petit meneur est né le 15 mai 1986 dans la banlieue de Caballito, à Buenos Aires, d’une mère argentine et d’un père chilien. Alors âgé de 5 ans, ses parents font le choix de Santiago. La famille s’installe au Chili avec ses deux frères. L’enfance n’a rien de transcendante, commune à toutes les petites stars du foot, précoce, doué puis remarqué puis blablabla, puis Colo-Colo puis la seizième année.
Il fait ses débuts dans l’équipe officielle le 1er août 2004 contre l’Universidad de Chile mais ne marque pas. Second match, l’adversaire, Cobresal, Matias claque le doublé, assez classe pour un début de carrière. Sa régularité et sa précision dans l’art de passer le ballon derrière le gardien de but lui valent un surnom : Matigol. Un surnom qu’il entretient avec une nonchalance et un dilettantisme relativement rares chez un Chilien.
Il marque 20 buts pour une trentaine de matches joués, même pas 18 piges et déjà leader de son équipe, il envoie Colo-Colo en finale de la Copa Sudamericana inscrivant 9 buts en 6 matchs, mieux il permet à son club de remporter le championnat Apertura 2006 (le 24e du club). Cette même année, il se paye le luxe de doubler Fernando Gago (pourtant grand favori) pour le titre de meilleur joueur sud-américain. Bien sûr, l’Europe a les yeux rivés sur lui, mais ses quelques problèmes de dos ont effrayé les plus grands clubs. Et c’est un Chilien, un autre, qui va faire la différence.
Manuel Pellegrini est le coach de Villarreal, il vient de réaliser un mini exploit en qualifiant son équipe pour les demi-finales de la Ligue des Champions 2006 avec un Riquelme étincelant. Pourtant, de façon assez incompréhensible, il a décidé de faire la saison qui suit sans le meneur argentin, et jette son dévolu sur Matias Fernandez.
8,7 millions d’euros plus tard, et par une froide journée d’octobre 2006, Matias débarque dans la banlieue de Valence. Le maillot jaune dégueu lui va à merveille, il s’efforce de montrer ses talents sur coups de pieds arrêtés et permet à Bob Pires de vivre une seconde jeunesse. Cette saison, Matias Fernandez est devenu le leader d’une équipe qui peine à se stabiliser en zone Champion’s League. Le derby de ce soir face à Valence s’avère donc déjà décisif. Il est loin le temps des Salas et des gros patauds. Désormais le Chili joue au foot avec des talents estampillés Alexis Sanchez ou Matias Fernandez. L’avenir semble radieux, un peu comme dans Lucille, amour et Rock’n’Roll, quand Matias chantait :
« Ouuuuh viens je t’emmène, on va faire un tour sur l’autoroute
Ouuuuh rien que le vent et toi serrée contre moi sous le soleil
Ouuh la plage est là, on va profiter des jours de l’été
Plus tard nous aurons des souvenirs à chanter, yesterday, yesterday
Freeway, freeway, ma moto va t’emporter
Freeway, freeway, va-t-en, sans s’arrêter » .
Sheraton Nemec
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