- Ligue Europa
- 16es de finale retour
- Dynamo Kiev/Guingamp
L’En Avant Gourvennec
Guingamp ne serait qu'une nouvelle incarnation du village gaulois qui résiste à l'envahisseur ? C'est, hélas, faux.
Derrière le mythe guingampais, qui actualise un récit convenu, celui de la victoire rafraîchissante du petit sur le grand, se cache un homme qui a d’autres aspirations que de réactiver des fantasmes populaires. Jocelyn Gourvennec, 42 ans, revendique des héritages bretonnants : « Gourcuff, Suaudeau et Denoueix » , une ambition claire : « Mettre l’équipe en phase avec le public guingampais qui est exceptionnel » . Et une histoire : celle d’un coach ex-joueur de première division qui a fait ses classes en DH, puis en National plutôt que de « réclamer une L1 de suite » . En 2006, le soir de la finale de la Coupe du monde, Jocelyn Gourvennec met un terme à sa carrière sur une deuxième descente consécutive en National avec Clermont Foot après le SCO Angers l’année précédente. Deux ans plus tard, le voilà entraîneur de la Roche-Sur-Yon, en Division Honneur : « Je voulais avoir une expérience d’entraîneur général chez les amateurs, où tu touches à tout, plutôt que d’être un entraîneur spécialisé d’une équipe U15, U17. Tu rencontres les sponsors, tu gères un budget, des joueurs qui sont payés, une politique technique, des équipes de mômes jusqu’aux plus grands » , justifie-t-il.
Joueur, Jocelyn Gouvennec a tout vécu : le statut d’espoir du foot français (Rennes, Nantes, Marseille), celui de paria (Rennes, Bastia), le chômage, le Nantes des nineties, Coco Suaudeau, l’OM des nineties, Rolland Courbis, la Ligue des champions, la finale de la Coupe de l’UEFA, quelques sélections chez les Espoirs avec les futurs champions du monde comme coéquipiers, mais aussi la Ligue 2 et deux descentes en National. « Je m’aperçois lorsque je regarde tout ce que j’ai vécu pendant mes 18 ans de carrière que j’ai tout connu. Je dis pas« J’ai tout connu, je suis blasé », hein ! J’ai tout connu : le très haut, le très bas. » Il laissera un goût d’inachevé, l’image d’un joueur élégant et racé, d’un numéro 10 qui aurait pu, mais s’est arrêté en cours de route. « Je pense qu’il m’a manqué les cannes à un moment donné pour être plus fort physiquement, pour aller plus loin. Parce que le reste, je l’avais. Mais avec le recul, toutes ces expériences m’ont nourri pour donner le meilleur de ce que je n’ai jamais donné. Si je n’avais connu que le succès, je crois que j’aurais été moins bien armé pour faire ce métier d’entraîneur. »
« Dès le début de ma carrière, je savais que je voulais être entraîneur »
L’envie de coacher ? « Dès le début de ma carrière, je savais que je voulais être entraîneur, j’avais mon projet en tête » , professe-t-il. Jeune étudiant à Rennes, Jocelyn Gourvennec écrit son mémoire de fin d’études sur les mouvements de Majid Musisi, Pierre-Yves André, Nicolas Ouédec et Patrice Loko, alors joueurs au Stade Rennais et au FC Nantes. « Ça m’a fait avancer sur ma vision du foot, j’ai pu structurer un langage très tôt » , explique-t-il. À l’époque, il joue en parallèle au Stade rennais en deuxième division, écoute du rock, confie lire la presse spécialisée et devient vite un objet de fantasme pour la presse de gauche. Un statut qu’il n’a jamais revendiqué. « Dès que j’ai obtenu ma maîtrise, je me suis dit :« J’arrête tout, je suis footballeur à 300 % et on ne viendra plus m’emmerder pour ces histoires-là, d’atypique » et j’ai rompu avec tout ça quand j’ai signé à Nantes » détaille-t-il. Aujourd’hui, les étiquettes sont tombées, et Jocelyn Gourvennec avance, libre, avec l’humilité et l’ambition de celui qui a démarré en bas : « Je veux pouvoir connaître en tant qu’entraîneur le niveau que j’ai connu quand j’étais joueur. Mais en étant mieux armé et en voulant gagner. J’espère qu’un jour, je pourrai coacher en Ligue des champions, ouais, j’aimerais bien » . Ce soir, il a l’occasion avec Guingamp de se qualifier pour un huitième de finale de Ligue Europa. Au sortir d’une douloureuse défaite 7-2 contre Nice en octobre, pour faire taire les critiques qui laissaient entendre que jouer deux compétitions pour Guingamp était impensable, il avait déclaré : « Je crois qu’à moyen terme, on sera gagnants » . Maintenant que tout lui a donné raison et que la France du foot se prosterne devant la performance, – qui en creux rappelle que Lille et Sainté ne sont pas passés, eux -, Jocelyn Gourvennec, doit se dire que la vie est drôlement bien faite. Qui parle encore de petit poucet ?
Retrouvez l’intégralité de l’entretien de Jocelyn Gourvennec dans le So Foot #123.
- Par Antoine Mestres, propos recueillis par Antoine Mestres et Chérif Ghemmour, à Guingamp.