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L’aventure Évian Thonon Gaillard en 10 dates

Par Alexandre Doskov
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L’aventure Évian Thonon Gaillard en 10 dates

« Ci-gît l'ETG », annonce la pierre tombale que la justice vient d'offrir au club de Haute-Savoie. Ancien OVNI de la Ligue 1 abonné aux maillots burlesques, à la lutte pour le maintien et aux coups d'éclat imprévisibles, Évian est désormais mort et enterré.

1er juillet 2007 : Le premier cri

Les conservateurs sont au porte du pouvoir en France, et jurent qu’une naissance est plus belle quand elle est issue d’un mariage. Dans le cas de l’ETG, c’est vrai. Car le club d’Évian n’a pas surgi d’un chapeau de magicien d’un coup d’un seul, et a attendu la fusion entre deux clubs du coin, le FC Croix-de-Savoie 74 et l’Olympique Thonon-Chablais, pour sortir de terre. Et s’il dispute ses deux premières saisons en amateur sous le nom d’Olympique Croix-de-Savoie 74, le club change de blase en 2009 pour devenir l’Évian Thonon Gaillard. Un maillot rose, un sponsoring agressif pour les produits Danone, mais surtout un titre en National dès 2010 pour grimper en Ligue 2.


27 mai 2011 : La cour des grands

Lors de cette dernière journée de Ligue 2, Évian va chercher son titre au bout du suspense avec une victoire en forme de feu d’artifice 4-3 contre Metz. Le deuxième titre en deux ans après celui gratté en National l’année d’avant, et qui propulse les Haut-Savoyards en Ligue 1. Leader du classement dès la première journée, l’ETG avait connu un moment de flottement en septembre avec une série noire d’une seule victoire en neuf matchs, avant de taper du pied contre le fond de la piscine pour remonter vite fait bien fait au sommet. Toujours avide d’aventures, le football français tenait sa nouvelle belle histoire, celle d’un club qui doit aller jouer ses matchs à domicile à Annecy, car il n’a pas de stade homologué à Évian.


12 mai 2013 : Sniper Khalifa

Le match contre Nice est déjà plié depuis longtemps, Évian mène 3-0, et Khalifa s’est fendu d’un but et d’une passe décisive. Assez pour terminer la partie dans un hamac, et sans chercher à se fatiguer plus que de raison. Mais Khalifa a encore du jus, et récupère rageusement un ballon dans son propre camp. La suite, c’est un missile téléguidé sous la barre d’Ospina. Les géomètres sont formels, le Tunisien a shooté de 64 mètres, et le héros du jour ne cachait pas sa joie après son bonbon : « C’est un rêve de tout joueur de foot. En début de match, j’ai vu que le gardien de Nice était souvent loin de sa ligne, c’est pour ça que j’ai tenté ce geste. » Un tir élu « but de la saison » aux trophées UNFP, évidemment.


31 mai 2013 : Un petit tour au stade de France

Être la sensation du championnat de France, sortir de nulle part pour se qualifier en Ligue 1 sans prévenir, avoir l’audace d’y rester en terminant sa première saison 9e, tout ça ne suffisait pas à l’ETG. Car ce dont tout Petit Poucet a réellement besoin, c’est d’une bonne épopée en Coupe de France. En 2013, Évian grimpe peu à peu dans le tableau, puis gifle tout le monde d’un coup en s’offrant le PSG en quarts de finale aux tirs au but. Ibra, Pastore, Silva, et même Beckham qui était titulaire ce jour-là sont repartis du Parc des Sports d’Annecy la queue entre les jambes. En finale, les hommes de Dupraz croient en l’exploit jusqu’au bout contre Bordeaux, mais rendent les armes à la dernière minute à cause du deuxième but de Cheick Diabaté. Car seuls les grands hommes peuvent mettre fin aux grandes aventures.


4 décembre 2013 : Paris encore au tapis

Six mois après avoir battu Paris en Coupe de France, Évian remet le couvert en championnat, toujours au Parc des Sports d’Annecy. Pourtant, le PSG de fin 2013 était une sacrée machine de guerre et, quand elles foulent la froide pelouse de l’ETG ce 4 décembre, les stars de Laurent Blanc sont sur une série de trente-six matchs consécutifs sans défaite toute compétition confondue. À la fin du match, les statistiques parlent évidemment pour le PSG, 67% de possession, dix-sept tirs contre onze. Mais au tableau d’affichage, on lit bien un 2-0 pour Évian, grâce à deux contres solidement joués. Mais le grognon Pascal Dupraz avait encore trouvé une raison pour râler : « Je suis partagé. Parce que nous n’avons que dix-neuf points et que ces garçons m’emmerdent. J’aimerais qu’ils aient la même qualité et la même concentration sur trente-huit journées. On se ferait moins de cheveux blancs. »


17 mai 2014 : Sochaux est mort ce soir

Ultime journée de Ligue 1, avec un calendrier qui offre tout simplement une confrontation directe pour le maintien entre Sochaux (18e avant le match) et Évian (17e). D’un point de vue purement mathématique, l’ETG peut se contenter d’un match nul, mais autant assurer, surtout à l’extérieur. Alors les hommes en rose prennent le match en main d’entrée de jeu, et marquent en huit minutes grâce un trésor de ciseau de Daniel Wass. Derrière, Évian déroule et condamne Sochaux avec une victoire 3-0. Pascal Dupraz peut danser sur le bord du terrain, lui qui s’était embrouillé dans les médias avec le coach de Sochaux Hervé Renard, et qui ne sait pas encore qu’il vivra un autre sauvetage à la dernière journée avec Toulouse deux ans plus tard.


10 juin 2014 : Kévin Bérig au revoir

Un club est plus beau quand il s’incarne en un homme, quand il a une figure de proue, un symbole. À Évian, au-delà de la ganache de Pascal Dupraz, ce rôle revenait naturellement à Kévin Bérigaud. Natif de Thonon-les-Bains, l’attaquant jouait au Croix-de-Savoie 74 depuis 2005 et n’a pas quitté le navire au moment de la fusion et du passage à l’ETG. Pendant plus de deux cents matchs, il a porté le maillot d’Évian avec lequel il a été de toutes les aventures. Large meilleur buteur de l’histoire du club – soixante et un buts –, il termine la saison 2013-2014 à dix pions en Ligue 1 et peu légitimement viser plus haut. Va pour Montpellier, où il n’a pas réellement réussi à s’imposer depuis.


16 mai 2015 : Ciao l’élite

Cette fois-ci, pas de sauvetage miracle au tout dernier moment. La descente en Ligue 2 pendait au nez de l’ETG depuis longtemps, et est définitivement validée à l’avant-dernière journée, lors d’une défaite à domicile contre Saint-Étienne. Après quelques embrouilles politiques entre les dirigeants du club, Évian pensait pourtant avoir bâti des bases solides, et s’était permis un mercato ambitieux. Mais malgré un ou deux coups d’éclat sur la saison – un match nul contre le PSG par exemple, équipe contre laquelle l’ETG aura écrit de belles pages de son histoire –, Pascal Dupraz et les siens ne peuvent éviter la relégation. Après quatre saisons passées à squatter en Ligue 1, le film est terminé. Dans la foulée, Dupraz est mis à pied pour faute grave, puis licencié. Le début d’une guerre entre le club et lui.


8 mai 2016 : Dupraz mitraille

Devenu entraîneur de Toulouse, Dupraz garde tout de même une affection particulière pour l’ETG, club que son père, aujourd’hui décédé, avait aidé à naître. Furieux de voir le président Bakhtiar et son conseiller Luis Fernandez conduire le club en National, il profite d’une conférence de presse pas du tout destinée à parler de ce sujet pour balancer : « On a bafoué l’honneur de mon papa qui est décédé en septembre dernier,. Quand on est des imposteurs… Ils sont deux au moins, aidés par un pseudo-recruteur, un pseudo-conseiller du président, illettré… Ils vont faire tomber un club dans les oubliettes du football français. » Le club publie immédiatement un communiqué pour tacler son ancien coach, et Dupraz et Fernandez continueront de s’engueuler par déclarations interposées comme si de rien n’était.


7 décembre 2016 : la fin du bal

Depuis cet été, ça sentait le sapin. En août, le club est placé en redressement judiciaire et doit redémarrer au niveau régional. Les coups foireux et les clashs successifs entre dirigeants passés et présents ont fini par avoir la peau de l’ETG, qui est dans une spirale négative d’une rare puissance – du point de vue sportif, administratif et financier – depuis sa descente en Ligue 2. Et alors que le corps d’Évian ne bougeait déjà presque plus, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a définitivement débranché la machine en prononçant la liquidation judiciaire hier. Endetté de dix-sept millions d’euros et sans liquidités pour rembourser, il ne reste plus rien au club, qui a encore le droit de se battre s’il veut sauver son centre de formation. Un bien maigre lot de consolation.

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