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« Je voulais faire “Les Yeux dans les Bleus” dans une équipe de filles »

Propos reccueillis par Jérémie Baron

Sur une demi-saison l'année dernière, Stéphanie Gillard et sa caméra ont suivi à la trace les filles de l'OL, lors d'une fin d'exercice 2018-2019 évidemment couronnée de succès. Ça donne le touchant documentaire Les Joueuses, produit par Julie Gayet et qui déboule en salles ce mercredi, neuf jours après une cinquième C1 consécutive raflée par les Fenottes. La réalisatrice raconte cette expérience, rend hommage à cette équipe hors normes et dévoile ses inspirations : Les Yeux dans les Bleus forcément, mais aussi Zidane, un portrait du XXIe siècle.

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Comment est née l’idée de ce documentaire ?Lorsque la France a gagné la Coupe du monde en 2018 et que j’ai vu le film de TF1 (Les Bleus 2018 : Au cœur de l’épopée russe), je n’étais pas super emballée, même si je sais que les conditions étaient très compliquées, il y a une telle trouille au niveau de l’institution. Ça devenait de la communication, il n’y avait plus rien : on avait tous vu les stories Instagram des joueurs pendant la CDM, et on s’attendait à retrouver cette énergie dans le film. Les réalisateurs avaient pris le parti de ne pas utiliser ces images-là, j’avais trouvé ça dommage. C’est pour ça que j’ai voulu utiliser les stories Instagram des joueuses, à un moment. Je me suis dit qu’on ne pouvait plus faire Les Yeux dans les Bleus aujourd’hui et qu’il fallait peut-être le faire dans une équipe de filles. Il y avait la Coupe du monde féminine qui arrivait, j’étais sûre que ça allait prendre. On est allés voir la Fédé pour faire un truc avec l’équipe de France, elle nous a dit que ça allait être très compliqué, ce que je voulais faire ne leur convenait pas. En parallèle, on est allés voir Jean-Michel Aulas, qui nous a ouvert ses portes. Julie Gayet : «  J’étais la Wendie Renard de mon équipe  » Vous vous étiez déjà intéressée au foot avant cela.Oui, pour mon premier film (Une histoire de ballon, N.D.L.R.), j’avais suivi le Mondial 2002 au Cameroun, parce que j’avais décidé d’aller là où il n’était pas facile de voir cette Coupe du monde. Dans un pays comme celui-ci où il n’y a pas la télé partout, surtout en 2002, l’équipe nationale est complètement un mythe, dans le sens antique du terme : c’est celui qui défend l’honneur du pays, mais que l’on ne voit pas. J’ai fait le tour du Cameroun en allant dans des bars, en suivant les matchs dans des taxis, dans la brousse avec des gens qui ont un poste de radio pour 150 personnes… C’était un moyen de leur faire parler de football et de raconter de vielles histoires de matchs non filmés que tout le monde se raconte et transforme. Par exemple, la Coupe du monde 1990 avec Roger Milla que nous avons vue, eux ne l’ont vue que six mois après.

Je voulais faire un film sur une équipe de femmes comme j’aurais fait un film sur une équipe de mecs

Vos dernières réalisations portaient sur des cavaliers sioux dans le Dakota et l’escrime antillaise. Qu’est-ce que vous vouliez raconter dans celle-ci ? Au départ, je souhaitais raconter comment fonctionne une équipe, son quotidien, etc., dans la même veine que Les Yeux dans les Bleus, que j’adore. Je ne me suis jamais posé de questions de genre, donc je voulais faire un film sur une équipe de femmes comme j’aurais fait un film sur une équipe de mecs. Cela a très vite été mon parti pris, de me dire : « Je vais leur poser des questions comme si je faisais un film sur une équipe de mecs, et naturellement les questions de genre vont venir. » Je n’ai pas cherché à appuyer cela, c’était important que le film commence sur la citation « Je me suis toujours considérée comme un footballeur, pas comme une femme qui joue au foot. » L’autre chose qui était vraiment intéressante dans cette équipe, c’est l’idée qu’il y a deux générations de joueuses : celles qui ont connu le foot non professionnel et celles, comme Selma [Bacha] qui arrivent dans un monde où on peut avoir le Ballon d’or, un contrat à seize ans… Pas beaucoup de différences avec le foot masculin. J’ai souvent fait des films sur la transmission et ça m’a rattrapé.

Cela a été compliqué de pénétrer l’intimité de ce vestiaire ?Très. Une fois que j’ai pu me présenter à elles, elles étaient super enthousiastes parce qu’on leur a dit que c’était du cinéma. Au début, j’étais avec elles, mais je n’amenais pas de caméra, elles trouvaient ça bizarre. Petit à petit, j’ai commencé à l’amener et à discuter avec elles. C’était la période avant la Coupe du monde, alors elles étaient sur-sollicitées. Le week-end du match contre le PSG en quarts de finale, Wendie [Renard], qui est impressionnante et un peu intimidante quand on ne la connaît pas, a accepté qu’on vienne avec elle en voiture un matin, alors que l’ambiance était un peu tendue à ce moment-là avec le coach. À ce moment-là, j’ai senti que c’était parti. Je suis à l’opposé d’un journaliste de foot, j’ai posé très peu de questions. On a tourné sur une demi-saison, de début février au 18 mai.

Dans le film, on les voit remporter la Ligue des champions pour la quatrième fois de suite. On imagine que les voir triompher de nouveau un an plus tard, juste avant la sortie au cinéma, ça a dû vous faire quelque chose. J’étais très contente, très fière. Je suis une supportrice un peu bizarre, on regarde les matchs différemment quand on connaît les joueuses. On ne vibre pas de la même manière, c’est un peu plus fort, il y a quelque chose de plus personnel. On a vraiment l’impression qu’elles sont concentrées sur leur objectif de gagner, que ce qui compte, c’est ce qu’elles font. Wendie le dit : l’important, c’est son palmarès, et ça, ça ne partira pas. À la suite de leur victoire, il a beaucoup été question de la place qu’on leur accordait dans l’espace médiatique.C’est compliqué de répondre à ça, c’est beaucoup plus complexe que ce que l’on croit. Finalement, c’est Martin Fourcade qui a le mieux résumé ça : il y a des sports qui sont moins médiatiques que d’autres malgré l’exploit. Quand les Français ont gagné un septième titre mondial ou olympique consécutif en épée homme par équipe à Paris au Grand Palais (en 2010), la couverture le lendemain (dans L’Équipe), c’était Gaël Monfils qui passait en quarts à Bercy, eux avaient le droit à la petite manchette en haut, exactement comme les filles. L’année suivante, ils ont fait le huitième titre et ils n’ont même plus eu la manchette.

Pensez-vous que tout cela touche les joueuses ?Sarah (Bouhaddi) a réagi sur Twitter, ça l’amusait beaucoup de faire ça. Je ne sais pas si ça les a blessées, parce qu’elles ne le montrent pas, exactement comme dans le film si je leur demande si les garçons les ont félicitées, on n’a pas l’impression qu’elles s’arrêtent là-dessus. On a vraiment l’impression qu’elles sont vraiment concentrées sur leur objectif de gagner, que ce qui compte, c’est ce qu’elles font. Wendie le dit : l’important, c’est son palmarès, et ça, ça ne partira pas. OL : ne banalisons pas l’incroyable Le Mondial en France, qui a eu lieu juste après le tournage, avait offert une certaine vitrine à ces joueuses.Elles sont contentes d’avoir une reconnaissance sociale, de leur travail, mais certaines n’ont pas envie que ce soit plus, ça les angoisse. Il y a notamment une séquence où elles vont faire du shopping, on en a reparlé après. Là, elles se disent que c’est super, qu’elles ont de la chance, mais elles ne voudraient pas que ce soit plus, le côté célébrité. Et en même temps, elles ont envie qu’il y ait du monde dans les stades. Elles ont un regard très lucide sur ça. Ada et Wendie parlaient d’un match retour de Ligue des champions, elles avaient encaissé un but à l’aller et elles avaient une telle sérénité, elles se disaient toutes les deux « j’ai confiance en ma team », elles n’avaient absolument aucun doute. J’ai trouvé ça fou. Est-ce qu’une scène à laquelle vous avez assisté vous a marquée ?J’adore la séquence entre Wendie et Selma quand elles parlent à la fin, je trouve Selma super attachante. La manière dont elles se parlent et dont Wendie s’occupe des ces jeunes, c’est super fort. Il y a une autre scène que je n’ai finalement pas gardé au montage, entre Wendie et Ada [Hegerberg]. Pendant leurs étirements, elles parlaient d’un match retour de Ligue des champions, Wolfsburg je crois, elles avaient encaissé un but à l’aller et elles avaient une telle sérénité, elles se disaient toutes les deux « j’ai confiance en ma team », elles n’avaient absolument aucun doute. J’ai trouvé ça fou. Charles Devineau, qui était adjoint, m’a dit un jour : « J’ai fait beaucoup d’équipes, et il y a un plaisir de jouer et un sentiment d’équipe que je n’ai jamais vus ailleurs. » Et ça se voit à la cantine : à table, alors que souvent chacun est toujours au même endroit, elles ne s’assoient jamais à la même place, même s’il y a des groupes de copines. Elles arrivent à dépasser cela, elles se mélangent. «  On trouve partout des filles qui sont passionnées  » Ça fait quoi de se dire qu’on filme la meilleure équipe du monde ?Je n’avais jamais rencontré de gens comme ça, ou très peu. J’avais le trac, j’étais comme une gamine ! D’habitude, je filme des « nobody », j’étais hyper impressionnée.

Le sous-titre Pas là pour danser est une référence à l’affaire Ada Hegerbeg-Martin Solveig. Le titre auquel je pensais à la base était Not Here to dance, littéralement le hashtag du post Instagram d’Ada. Toutes les archives sur l’histoire du foot féminin que je cherchais faisaient référence à des danseuses. J’ai finalement enlevé les archives parce que tout ça avait déjà été traité dans plein d’autres films. Je ferais bien « Delphine Cascarino, un portrait du XXIe siècle ». Dans les rushs, on avait de très beaux trucs avec elle, des fois on s’arrêtait de bosser et on regardait. C’est assez rare de voir ce genre de documentaire au cinéma.L’année dernière, il y a eu Beau joueur de Delphine Gleize, elle a suivi l’Aviron bayonnais toute une saison. En général, les films sur le foot au cinéma, ça ne marche pas. Mais Julie [Gayet] voulait absolument le faire pour le ciné, j’espère que ce sera l’exception. (Rires.) Quand ils ont sorti Zidane, un portrait du XXIe siècle en 2006, aucun journaliste n’a fait le parallèle entre ce film et la finale de la Coupe du monde, ça veut dire qu’ils ne l’avaient pas vu ! C’est la même histoire. Beaucoup n’ont pas aimé parce qu’ils s’attendaient à apprendre des choses, moi j’en apprends beaucoup sur Zidane quand je vois ce film. Il est chiant, mais magnifique, c’est une expérience. La séquence d’ouverture lors du match contre le PSG, elle est complètement en hommage à ce film, dans le traitement du son, ce que les filles racontent… Une grosse partie de notre film parle de la même chose. J’ai toujours rêvé de faire un film comme ça, je ferais bien Delphine Cascarino, un portrait du XXIe siècle. (Rires.) Dans les rushs, on avait de très beaux trucs avec elle, des fois on s’arrêtait de bosser et on regardait.

Propos reccueillis par Jérémie Baron

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