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Ennio Morricone, le génie giallorosso

Par Eric Carpentier
Ennio Morricone, le génie giallorosso

Il Maestro s'est éteint ce lundi à 91 ans, à Rome, sa ville de toujours, celle qui lui a notamment permis de devenir un immense fan de la Roma.

C’est un son qui est passé inaperçu pour la majorité d’entre nous. Trop occupés à trouver une place bien en face, à remplir le bac à légumes ou à prier, personne n’a vraiment remarqué la présence d’Ennio Morricone à Moscou, le 15 juillet 2018. Ou plus exactement, de sa musique. Quelques minutes avant le coup d’envoi, une ambiance Far West emplit le stade Loujniki : Ecstasy of Gold résonne dans le ciel russe. Deux heures plus tard, les Français auront l’extase et l’or, les Croates les larmes de l’argent. Quant à Morricone, il aura une nouvelle fois été la bande-son d’une étoile, 40 ans après le Mundial argentin. Deux aventures estivales qui ne lui feront toutefois jamais oublier le grand amour de sa vie, une louve appelée AS Roma.

Royal Canin versus Mundial argentin

Sur Google, Royal Canin dispute à la Roma l’honneur de voir son nom accolé à celui du Maestro dans les propositions de recherche. Un truc propre à rendre malade le Romain. « Depuis la pub Royal Canin, il gère tout lui-même, raconte ainsi Jean-François Tifiou, auteur d’une biographie à venir sur Ennio Morricone. Parce que si ça lui a rapporté beaucoup de blé, ça a aussi donné une image de sa musique qui ne lui a pas plu du tout. » Vrai qu’entre le Chi Mai original et la version au poil long, il y a autant de différences qu’entre Totti et Benatia dans le cœur des Romains. Encore que sur le sujet, difficile de connaître la position du metteur en sons de la trilogie du dollar : « Il est très secret sur ses deux passions, le foot et les échecs. Il ne se livre quasiment que sur son travail. La seule chose qui est certaine, c’est qu’il est absolument impossible de prévoir une interview à l’heure d’un match de la Roma ! »

Une fois seulement, Morricone a accepté de tremper son art dans sa passion pour le ballon. C’était pour composer l’hymne du Mundial 1978 en Argentine et cela ne lui a pas laissé un souvenir impérissable, ainsi qu’il le confessait à l’Irish Independent en juillet 2017 : « Ce n’était pas mon idée. Le label avec lequel je travaillais m’a demandé de composer un morceau avec un chœur dedans. C’était une décision purement commerciale. » À la suite de ça, le fils du président de l’époque, Dino Viola, lui demandera de composer un nouvel hymne pour la Roma : « J’ai refusé en leur disant que l’existant était très bien comme cela. » Si le monde est divisé en deux catégories, Ennio Morricone tient à les garder bien séparées.

Vidéo

La Roma, Maria et Candela

Quant à savoir lequel du foot ou de la musique est entré en premier dans la vie du compositeur, la question reste ouverte. Certes, celui qui a vécu ses dernières semaines dans l’Eur, le quartier construit par Mussolini au sud de Rome, est né en 1928 dans une famille de musiciens. Mais il a aussi frayé avec la Lazio avant que son père ne le remette dans son droit chemin, fréquenté le Campo Testaccio jusqu’à ses 12 ans et connu ses premiers émois de jeunesse en observant Guido Masetti, légende des bois romains. Et si plus tard, Maria a pris le cœur du Maestro, cela ne s’est pas fait au détriment de la Louve : sa femme depuis 1951 est elle aussi une giallorossa éperdue. Peut-être Ennio Morricone pensait-il à sa douce en déclamant ces mots pleins de poésie pour son club : « La Roma a toujours été une équipe à caractère international enfermée dans une atmosphère sentimentale. C’est une équipe ouverte aux personnes et cela laisse beaucoup de place à l’imagination : une samba ou une belle bossa nova me plaisent, je les trouve adaptées à une équipe brillante. Le tango, lui, est plus sensuel… »

La métaphore date de 2012 quand, interrogé par le site officiel de la Roma, il déroulait sa relation au club après avoir donné son XI de légende. Car malgré sa discrétion, Morricone n’est pas forcément avare d’une opinion sur un Rudi Garcia apprécié ou un Radja Nainggolan jugé indispensable. Aucun des deux n’était du premier Hall of Fame décerné par le club en 2012, pour lequel Morricone faisait partie du jury. L’auteur de la bande originale d’Et pour quelques dollars de plus choisira Tancredi, Cafu, Vierchowod (Losi sera élu), Brunella ( « le meilleur de tous » – mais Aldair lui sera préféré) –, Rocca, Bernardini, Di Bartolomei, Falcao, Ghiggia (finalement doublé par Conti), Pruzzo et Amadei. La vidéo de ce premier onze de légende s’ouvrira évidemment avec Estasi dell’Oro. Mais sans Vincent Candela, au grand regret d’Ennio Morricone. Le latéral intégrera le Hall of Fame della Società en 2014, en (bonne) compagnie de Ghiggia, Ancelotti et Völler.

De Sergio Leone à Daniele de Rossi

Si Morricone aime les joueurs, ceux-ci savent lui rendre la pareille. Ainsi un autre latéral français, Jonathan Zebina : « Je suis né avec Cinema Paradiso, (…) la musique de ce film, la musique… Je ne savais pas que c’était Ennio Morricone qui l’avait composée, raconte au Télégramme l’homme aux 126 matchs avec la Roma. Au fil du temps, j’ai découvert son œuvre(…), je me suis passionné pour ce personnage. C’est un compositeur de génie. Par sa musique, il arrive à transporter les gens dans un autre monde. Ça m’apaise. » Zebina a ainsi pu discuter du Maestro avec Daniele de Rossi, à qui Morricone a offert une bouteille de vin en lui promettant de la boire ensemble lorsque la Roma emportera le Scudetto. Cette bouteille risque de rester longtemps dans la cave de De Rossi. Mais s’il n’aura jamais la joie de trinquer au titre romain avec De Rossi, celui qui « jouait au tennis, mais mal » et qui « aurait probablement aimé être Bobby Fischer (Oscar des échecs en 1970, 1971 et 1972, N.D.L.R.) » selon Jean-François Tifiou, secrétaire général adjoint de l’Union des compositeurs de musique de films dont Morricone est un membre d’honneur, aura au moins eu le plaisir de se voir honorer par le club qu’il supporte. À l’occasion de ses 90 ans, justement, avec la BO d’Il buono, il brutto, il cattivo pour envelopper un coup franc historique de Kolarov dans le derby. Mais aussi pour marquer l’Oscar reçu pour la bande originale des Huits Salopards de Tarantino. Un prix obtenu en 2016, 52 ans après sa première collaboration avec Sergio Leone dans Pour une poignée de dollars. Une patience récompensée par un titre après une longue période d’accessit : finalement, Ennio Morricone est giallorosso jusque dans son art.

Par Eric Carpentier

Le cinéma de Morricone, Jean-François Tifiou, sortie prévue en 2019

Article initialement publié le 23 novembre 2018 à l'occasion de son ultime représentation en France.

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