EdF : un premier déclic ?
Malgré le 1-1 d'hier soir l'Équipe de France est toujours bien en course pour le Mondial sud-africain. Les Bleus se dirigent a priori vers les barrages... Avec un ballottage favorable, au vu de la qualité de certaines séquences de jeu pratiquées contre la Roumanie. Le vrai déclic mercredi soir contre la Serbie ?
L’Argentine galérait dans la zone Amsud des éliminatoires du Mondial 2010. La solution géniale ? Appeler Maradona ! Il fera le binôme avec Bilardo. Le charisme et la gnac de Diego associées à l’expertise tactique de Bilardo et le tour est joué !… Sauf que non : l’Albiceleste est aujourd’hui en grand danger. Elle joue moyennement, perd souvent et se taille même un superbe costard de barragiste. Maradona, Bilardo, une flopée de super joueurs et à l’arrivée une taule humiliante face aux Brazileiros 3-1 à dom’. Tout ça pour ça… Voilà qui devrait faire réfléchir ceux qui pensent que virer Domenech conduirait tout droit les Bleus au top du foot mondial. Parce qu’évidemment Blanc ou Deschamps, les deux successeurs potentiels, sublimeraient automatiquement l’Équipe de France : il suffirait juste de les laisser faire. Au nom de quoi, toutes ces certitudes ? On se le demande. Le Président et la Dèche ont un charisme indéniable et une approche du foot assez experte. Mais est-ce que ça suffit à faire un très bon sélectionneur ?
Qu’on se fasse bien comprendre : on ne récite pas ici un plaidoyer pro-Raymond, pas plus qu’on ne plébiscite son génie. Domenech aurait dû jarreter tout de suite après le désastreux Euro 2008, voire après la défaite en Autriche (3-1) et le nul en Roumanie (2-2). Voilà, c’est dit. Or il a été maintenu et il a globalement poursuivi sa gestion toujours un peu chaotique des Bleus, à commencer par son coaching d’hier soir. Reste que l’Équipe de France a très bien joué contre les Roumains, et peu importe les deux milieux récupérateurs tant honnis : l’EdF n’a pas été capable de marquer, et puis c’est tout ! Tout ça à cause de cette putain de culture de l’avant-centre que la France ignore superbement au point d’en faire son exception culturelle à la con. La France ne se refait pas…
Mais en fait, le point le plus marquant du match, côté français, ça a surtout été la décompression quasi-totale après l’égalisation-gag roumaine : le vide, l’absence, le trou noir. Alors qu’il restait encore 35 minutes de jeu, les Bleus sont restés comme groggy, au point de se ressaisir ensuite de façon brouillonne, à la desperado. Les Bleus de Jacquet et Lemerre savaient toujours forcer le cours des matchs bloqués à 1-1, voire à 0-1 pour l’emporter finalement 2-1, pas les Bleus de Raymond. Question de vécu, d’expérience et de maturité. Quelques trentenaires, Henry, Evra, Gallas, Anelka, voire Escudé (tout juste 30 ans mais peu de sélections), le reste c’est de la bleusaille pas encore aguerrie. Ray Domenech, qui ne raconte pas que des conneries, avait regretté de devoir jouer le dernier match des éliminatoires de l’Euro 2008 en Ukraine en position de “déjà qualifié” : lui aurait souhaité un match-couperet avec obligation absolue de gagner pour aller en Suissautriche. Le genre d’expérience ultime qui soude un groupe dans l’adversité totale, comme les Bleus de Jacquet en Roumanie, à l’automne 1995 (victoire 3-1). Raymond n’a pas eu cette “chance”…
Les deux meneurs de jeu Ribéry et Gourcuff n’ont pas encore la carrure tactique et le leadership nécessaires pour transcender parfaitement l’équipe, mais ça commence à venir. On l’a bien vu hier soir. Le groupe France est beaucoup plus soudé qu’on ne le croit et jusqu’à preuve du contraire soutient Domenech. C’est essentiel et c’est sa garantie a priori qu’il aille au bout de la phase des qualifs. Ce soutien des joueurs, c’est ce qui fait à la fois la force des Bleus mais aussi leur faiblesse. Un soutien un peu trop passif d’un groupe jeune où nul n’est réellement contradicteur du “chef”, où aucun vrai leader de vestiaire ne se dégage et qui manque de vrai relais entre Ray et des joueurs trop “disciplinés”. Henry est trop individualiste, Gallas n’a pas le charisme d’un Thuram et Ribéry se surestime. Francky ne peut pas être un vrai leader après avoir passé un été de conflit avec son club, qu’il a foiré sa préparation d’avant-saison et qu’il débarque chez les Bleus blessé et vexé de ne pas être allé au Real. Jacquet disposait de Blanc et Deschamps…
On récapitule : manque de vécu, manque de leaders et obligation de gérer le fatal trou générationnel de l’après période faste 1998-2006. Ray Domenech a dû se coltiner ces trois défis majeurs. Un autre aurait-il fait mieux ? Oui, sans doute. Mais on ne peut pas le savoir et de toute façon la machine est lancée. En attendant, c’est Raymond qui garde la main jusqu’aux barrages, si barrages il y a. Ce sera enfin l’épreuve du feu qu’il attendait pour « faire grandir » son groupe. Une qualif, même dans la douleur, mais avec un même degré qualitatif que celui observé au Stade de France hier soir pourrait alors le mener très loin. Rendez-vous mercredi, à Belgrade. Pour bien voir et que se confirme ce qu’on a cru entr’apercevoir samedi soir…
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