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Don’t take them home

Par Joachim Barbier, à Lyon
5 minutes
Don’t take them home

Les Irlandais, désormais éliminés, vont rentrer avec leur supporters qui avaient jusque-là ambiancé toutes les villes par lesquelles ils étaient passés. Comme l’a rappelé Martin O’Neill après le match, ils n’étaient pas seulement drôles, joyeux, gentiment dragueurs ou attentionnés, ils sont aussi à l’origine de la relation forte qui a uni l’équipe et ses fans pendant cette compétition. Ils n’étaient que 5000 dans les tribunes du Stade des Lumières, mais ont, encore une fois, donné une petite leçon de ferveur et de respect de l’adversaire.

Et les joueurs irlandais sont restés sur la pelouse pour écouter une dernière fois leur merveilleux public, même si à force de le dire et l’écrire, il va falloir trouver un autre adjectif. Les joueurs de l’équipe de France étaient rentrés dans les vestiaires depuis longtemps et la sono du stade crachait sa liste de morceaux choisis estampillés « stade » . Une play-list de chansons devenue caricaturale et obsolète qui devient vite inutile voire vulgaire quand elle couvre les vrais chants de supporters irlandais et sert de cache-misère quand les supporters des Bleus sont renvoyés à leur manque de classe et de justesse. Il n’était pas franchement utile de se servir du stade de Lyon pour se demander « mais ils sont où les Irlandais » et de lancer des « olé » alors que sur la pelouse, les Français faisaient tourner les aiguilles dans les dernières minutes en jouant à la baballe, devant une opposition réduite à dix dans la majeure partie de la seconde mi-temps.

Martin O’Neill : « Un comportement impeccable »

À ce moment de la rencontre, cela sonnait comme une petite vengeance mesquine. L’équipe de France avait montré du cœur pour remettre à l’endroit un match mal embarqué depuis la première minute, mais cela ne signifiait pas que les Irlandais en étaient soudain dépourvus et qu’ils ne méritaient pas un brin de respect de la part du pays de Thierry Henry. Parce que, dans le sillage d’un soutien sans faille à 5000 au Parc OL, d’un squat en règle des réseaux sociaux tendance feel good depuis le début de l’Euro, ils sont peut-être aussi un peu responsables du bon parcours de leur sélection. Après le match, Martin O’Neill a d’ailleurs tenu à leur rendre hommage. « Ce que je remarque, c’est que peu importe ce que pensent les fans de l’équipe, la relation est forte et réciproque entre eux et les joueurs. Cela a été un tournoi splendide, ils ont été merveilleux pendant les quatre matchs. S’il est possible de donner de l’énergie supplémentaire aux joueurs, eux l’ont fait à chaque fois. J’en ai déjà parlé, mais je me souviens encore du moment où les joueurs sont sortis pour l’échauffement avant le match contre la Suède, de l’accueil des fans qu’ils ont eu. Et ça n’était que l’échauffement. Ils ont continué jusqu’à la fin. Je ne pourrais pas être plus fier de nos fans. Ils se sont aussi comportés de manière impeccable. Ils ont donné une très belle image du pays. »

Rappel du sens du mot « supporter »

À partir de ce lundi matin, il va falloir faire sans, dans un Euro qui a pour l’instant surtout valu par la ferveur des supporters plus que le spectacle observé sur la pelouse. Le meilleur public de la compétition rentre donc à la maison. Pour la majorité. Pas sûr que certains ne restent pas en France. Pas seulement parce que, comme leurs cousins anglais et gallois, ils chantent « Please dont take me home » , mais aussi par simple amour du football, comme ces supporters écossais croisés à Saint-Étienne, venus participer à la fête sans autre ambition que de profiter de l’ambiance et du jeu, alors que leur sélection rate toutes les phases finales avec une belle constance. Par effet de miroir, les supporters irlandais ont rappelé le sens du mot « supporter » dans et autour des stades, quand il s’agit de chanter autre chose que des « oh oh oh » , ne pas siffler les changements adverses et dédommager de quelques billets le propriétaire d’un voiture qu’ils viennent de défoncer accidentellement. Dommage que les supporters français n’aient pas profité de l’occasion pour apprendre un peu de l’Irlande et se mettre à la hauteur en chantant, au hasard, un « stand up for the irish fans » qui aurait constitué une belle haie d’honneur à leur retour au pays et une façon un peu plus glorieuse de simplement les remercier d’exister. Parce qu’on risque de s’ennuyer sans eux, même si leur réputation de supporters rêvés relève peut-être aussi de leur don à faire de l’image sans le savoir. À ce jour, aucune vidéo partagée ne les a montrés en train de soigner leur gueule de bois dans un Airbnb jonché de bouteilles de rosé à 5 euros et de canettes de 8.6 qu’ils appellent entre eux the « Homeless beer » .

Les improbables Marseillaise en phonétique des Irlandais

La veille du match et les jours précédents, ils avaient mis le feu au Vieux Lyon, comme partout où ils étaient passés depuis le 10 juin. Ils ne sont pas les seuls à boire sans se battre et chanter sans insulter, mais ils possèdent aussi le talent d’entraîner dans leur grand et touchant n’importe quoi la France des grèves et de la morosité ambiante. Devant les faux pubs irlandais et devant l’église réformée de Saint-Jean, ils ont bu et chanté toute la nuit avec des supporters français venus les rejoindre pour l’occasion. Comme s’il fallait désormais se mesurer à la référence mondiale de l’international du supporter pacifique. Cela s’est terminé par d’improbables Marseillaise reprises en phonétique pour les Irlandais. Ils n’ont pas compris ou laissés de côté les chants des Lyonnais qui renvoient les voisins stéphanois à leurs misérables conditions d’ex-mineurs. Aujourd’hui, à la sortie du parc OL, les Français avaient l’air de ne pas savoir quoi faire de cette victoire et de la manière de la célébrer. Un I Will survive vintage est sorti d’une voiture klaxonnante. En 1998, il paraît que la France n’a basculé dans la ferveur qu’à partir des quarts de finale. Ils arrivent.

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