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Cluedo géant
De jour en jour, l'affaire des paris clandestins prend des fausses allures de chasse à l'homme. Des nouveaux noms sortent après chaque interrogatoire, de Vieri à Totti, et personne ne réussit vraiment à comprendre l'ampleur de cette affaire. Même pas les juges.
Des clubs de Serie B et de Serie C1 sont concernés. C’est Beppe Signori le cerveau. Non, Signori n’est qu’un pion, le cerveau, c’est Doni. En fait, des matches de Serie A sont truqués aussi. Combien ? Un seul, Inter-Lecce. Non, la Roma, le Genoa et Lecce sont impliqués aussi. Ah bon ? Et De Rossi ? Coupable aussi. Non, c’était une erreur. Par contre, Vieri est dans le coup. Faux. Ou peut-être pas. Quoi ? Trente matches truqués ? Mais dans quelles divisions ?
Voilà, à peu près, ce qui ressort des sept derniers jours qui viennent de s’écouler. Mercredi dernier, on apprenait l’arrestation de Beppe Signori. L’affaire des paris clandestins éclatait alors au grand jour. Depuis, c’est le bordel le plus total. Les interrogatoires se multiplient au Palais de Justice de Cremona, la ville où l’enquête a débuté, et les informations divergent au même rythme qu’elles tombent. Les Unes des quotidiens s’affolent, essaient de faire dans le dramatique, accusent à tort et à travers dès que le nom d’un joueur sort du chapeau. Au final, la seule chose que l’on sait vraiment, c’est que personne n’y comprend rien.
Pirani fait trembler la Serie A
Retour en arrière. La semaine dernière, la nouvelle glace le football italien : Beppe Signori, l’ancien meilleur buteur de la Serie A, a été arrêté à la suite d’une enquête sur des paris louches. Très louches même. Ceux-ci concerneraient des matches de Serie B et de Serie C1, qui auraient été truqués à l’avance pour permettre aux parieurs d’amasser une grosse somme d’argent en misant sur le bon résultat. On apprend alors que le match Inter-Lecce, du mois de mars dernier, aurait eu un flux anormalement élevé de paris. Puis tout s’emballe. Le nom de Bologne, Brescia et même de la Roma viennent tenir compagnie à ceux de l’Inter et de Lecce. Rosella Sensi, présidente sortante des Giallorossi, s’offusque. « Je suis très énervée contre ceux qui ont parlé de la Roma. La Roma est un club sérieux et propre, je suis prête à le prouver. Je laisse les enquêteurs faire leur devoir, mais je prie les organes d’informations de ne pas raconter n’importe quoi. Cela me contrarie beaucoup lorsque l’on raconte des bêtises sur la Roma » affirme-t-elle. Le nom de Daniele De Rossi émerge alors d’un interrogatoire. Le joueur se rebelle et passe un coup de gueule dans la presse. Le procureur, Roberto Di Marino, le rassure : « Le nom de De Rossi n’a jamais été évoqué dans notre enquête, du moins pas à ma connaissance » . Preuve que l’on entend (et que l’on dit) tout et n’importe quoi pour faire monter la mayonnaise. Bizarre, d’ordinaire, en Italie, on n’est pas très mayo.
Passé le week-end, des témoins clefs se présentent devant le juge. Parmi eux, Marco Pirani, un dentiste de la ville de Cremona qui serait au centre du groupe de petites frappes qui auraient, par le biais d’accords verbaux et de pots-de-vin, réussi à influencer l’issue de certaines rencontres. L’ennemi des caries lâche alors une bombe. Plus de trente matches auraient été truqués, et pas seulement aux étages inférieurs. Pirani affirme qu’il avait « reçu des certitudes sur l’issue de certaines confrontations » , notamment Fiorentina-Roma (2-2), Lecce-Cagliari (3-3) et Genoa-Lecce (4-2). Un autre témoin, tenu secret par les enquêteurs, assure pour sa part que « 300 000 euros étaient nécessaires pour conditionner le score de chaque match » . On imagine bien que ces sommes ont été tranquillement remboursées par les énormes mises faites sur les divers sites de paris. C’est sûr que lorsque l’on connaît le résultat à l’avance, c’est plus simple.
Totti et Vieri dans la combine ?
Ce matin, à quelques heures de l’interrogatoire de Beppe Signori, qui risque évidemment de provoquer un nouveau cataclysme si l’ancien goleador se décide à parler, d’autres révélations sortent. Une écoute téléphonique entre Marco Pirani et Massimo Erodiani, lui aussi désigné comme un « gros poisson » de l’affaire, est révélée. Les deux hommes y discutent du match entre la Fiorentina et la Roma. Erodiani commente celui de l’Inter contre Lecce, et affirme que l’attaquant de Lecce, Daniele Corvia, lui avait dit de pronostiquer quatre buts lors de Fiorentina-Roma, l’ayant lui-même « su par le capitaine des Giallorossi » . Francesco Totti dans la magouille ? L’homme aux 206 buts en Serie A s’en défend. « Je suis totalement étranger à cette affaire » se contente-t-il de rétorquer. Daniele Corvia, lui, n’a pas encore été entendu. D’autres commentent à sa place. « Je ne suis ni un moralisateur, ni un justicier, mais je ne suis pas du tout surpris par ce qui se passe en ce moment. Je sais dans quel monde nous vivons » lâche Delio Rossi, ex-entraîneur de Palerme. Les langues commencent à se délier.
Celle de Christian Vieri va-t-elle en faire de même ? Alors que hier soir, l’ancien buteur de la Squadra a cassé la gueule d’un présentateur télé en pleine soirée d’anniversaire, il va être convoqué par le tribunal de Cremona. De fait, l’un des autres cerveaux des paris, Ivan Tisci, aurait raconté à un ami qu’il a rencontré Vieri à Milan, au lendemain du match Inter-Lecce. Bobo lui aurait dit qu’il « n’avait pas gagné beaucoup d’argent sur ce match » , car on lui avait « promis beaucoup de buts des Nerazzurri » . Or, la rencontre s’est terminée sur le score de 1-0. Pourtant, aujourd’hui, en tout début d’après-midi, l’avocat d’Erodiani prend à contre-pied tout le monde en affirmant que son client « n’est concerné par aucun match de Serie A » . Alors quoi ? Alors on ne sait pas. Ce que l’on sait, c’est que le procureur de Naples a, à son tour, ouvert une enquête, qui se déroulerait en parallèle de celle menée par les policiers de Cremona. Histoire d’avoir deux fois plus de rumeurs, deux fois plus de conneries, et, inévitablement, deux fois plus de révélations. Encore. Et encore. Mais tout ça, cela ne dit toujours pas si le colonel Moutarde a tué ce foutu Docteur Lenoir.
Eric Maggiori
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