Can ’08 : Bilans en/et perspectives

C comme…

Contexte : Si l’on oublie les pelouses bosselées, l’inorganisation généralisée (mais peut-il en être autrement sur un continent qui a d’autres priorités à régler), les multiples atermoiements de la Confédération africaine et que le Ghana compte dans ses rangs les meilleurs pickpockets du monde (enfin parmi les meilleurs au grand dam des occidentaux, repérables de loin et a priori plus fortunés que la moyenne), la vingt-sixième coupe d’Afrique des nations fut sans conteste un long fleuve tranquille, voire un océan de félicité.

Coulisses : Rappelons-nous. En 1998, Issa Hayatou se présente à la présidence de la Fifa contre ‘Jo’ Blatter, le porte-flingue de Don Havelange pour succéder au parrain brésilien. Le dirigeant camerounais se présente comme l’emblème du tiers-monde footballistique. Résultat ? Une majorité de ses collègues africains lui tournent le dos et le président de la CAF prend une sévère casquette. Depuis, il multiplie les galéjades au profit de son continent comme cet improbable déclassement de Drogba au classement du meilleur joueur africain 2007 au motif qu’il n’était pas à la cérémonie. Si les Cesar avaient le même règlement, qu’est-ce qu’on rigolerait….

Can : Ghana 2008 aura finalement été l’édition de tous les records : plus grand nombre de victoires (six pour l’Egypte), plus grand nombre de buts en phase finale (16 pour Eto’o), plus grand nombre de matchs disputés (33…en intégralité pour le Roi Rigobert, quelque peu déchu sur la fin) et enfin plus grand nombre de buts dans une phase finale à seize depuis 1998 (99 buts en 32 matchs, presque trois buts par rencontre).

Constellation : Le jeu collectif égyptien et ses innombrables étoiles (Hosni, Abou Troïka, Zidan, Zaky, Saïd, El-Hadary) aura définitivement fait de l’ombre à toutes les stars ivoiriennes et ghanéennes.

Confirmations : Tous les cadors évoluant en Europe ne seront pas nécessairement passés au travers. Le duo nigérian Uche-Yakubu pourrait faire de gros dégâts dans les années à venir. Essien et Muntari ont brillamment tenu l’officine ghanéenne durant l’absence d’Appiah. Saber Ben Frej (28 ans), le Tunisien, a démontré que la cellule de recrutement mancelle se trompe rarement et Gérémi Njitap que les brontosaures camerounais ont aussi de beaux restes.

Chute libre : Si le niveau médian des équipes africaines ne cesse de monter, la Tunisie (championne en 2004) et le Sénégal (finaliste en 2002) sont « over the hill » comme disent les anglophones et bientôt « into the river » serions-nous tentés d’ajouter. Les jeunes Sud-Africains et les arrogants Lions de l’Atlas ne sont guère mieux lotis.

Classe internationale : Relégué dans les arrières cantines de l’Emirates Stadium pour cause de concurrence frontale, Alexandre Song Billong, demi-défensif des Lions et meilleur jeune du tournoi, aura éclaboussé l’épreuve de toute sa classe. Un futur candidat au départ façon Diarra ? Dans un registre analogue, le Ghanéen Anthony Annan pourrait bientôt faire ses valises pour Chelsea. La grosse sensation demeurera, à notre sens, tout de même, l’Angolais Alberto Gonçalves Manucho, le goleador des Palencas Negras, que sofoot.com se plaisait à annoncer avant l’épreuve comme l’un des joueurs majeurs à suivre avec ce qu’il faut de mauvaise foi. Signé par Manchester, il commencera à faire ses preuves ces jours-ci au Pana. A suivre…

Can 2010 : Angola 2010 sera l’occasion de revoir les Antilopes Noires chez elles pour la première Can lusophone de l’histoire. On sera à quatre mois du premier mondial africain et on saura.

Coupe du monde 2010 : A bien y regarder, ils seront quatorze ou quinze candidats à la teuf. Trois équipes du groupe A (Ghana, Guinée, Maroc), trois de la poule B (Nigeria, Côte d’Ivoire et Mali), les deux finalistes de la Can (Egypte et Cameroun) plus peut-être le troisième larron zambien ainsi que les trois sociétaires « éligibles » puisque l’Af-Sud est qualifiée d’office, et enfin trois du groupe D (Sénégal, Angola et Tunisie). On peut éventuellement y ajouter le Togo d’Abebayor (qualifié lors du dernier Mondial), la RDC de Nonda et l’Algérie (tous absents au Ghana). Tous rêvent d’en être. Tous songent à cette première coupe du monde africaine. Deux postulants sur trois resteront à la maison : les éliminatoires de la zone Afrique n’auront jamais été aussi rudes. Tant mieux, c’est comme ça qu’on progresse.

Conclusion : Il y a une quinzaine d’années, Claude Le Roy, célèbre oracle franco-ghanéen, prévoyait qu’un pays du continent noir raflerait le titre mondial d’ici deux décennies. On approche de l’échéance et Frère Claude ne voit toujours rien venir. Le devin d’Avignon avait même un nom sur les lèvres : les Super Eagles nigérians et leur extraordinaire génération 94/98 piteusement privée de deux Can (boycott puis suspension) qui fit honneur au sport national de son pays, le chaos ultime à tous les étages. Depuis, si le niveau moyen augmente considérablement, aucune équipe ne peut raisonnablement accéder au titre avant longtemps. On rêve d’une formation qui disposerait du jeu collectif et de la discipline tactique des Egyptiens, du brio technique des Ivoiriens, de la folie incandescente des Nigérians, de la dimension physique des Camerounais et de l’allant de bison des Ghanéens. Un fantasme d’équipe killeuse…

Par Bandele N’Tchouk