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Bruno Bellone, Lucky Loser

Par Théo Denmat
Bruno Bellone, Lucky Loser

Trente-cinq minutes après Platini, il y a eu Bellone. Un piqué au bout du temps additionnel en finale de l'Euro 1984 et un surnom de « Lucky Luke » qui lui collait si bien, juste histoire de bien débuter sa carrière. Pourtant, Bellone connaîtra la blessure, puis la ruine, le divorce, la mort… et même la résurrection. Tout cela pour quoi ? Une femme en blanc venu dans ses songes lui annoncer qu'il serait footballeur.

Bruno Bellone a onze ans et il serre sa peluche. Dans sa chambre de petit garçon, rideaux fermés et lumières éteintes, il tente de s’endormir. A priori, pas de problème pour lui, c’est un rapide. Il est d’ailleurs connu pour ça à l’école, à tout faire très vite : surtout à la récréation, lorsqu’il file en collant la ligne de craie pendant les matchs de foot. Seulement, ce soir-là, il y a quelqu’un dans sa chambre. Quelqu’un qui flotte. « Une femme en blanc dont on ne voit que les yeux » , la décrira-t-il en 1999 à L’Humanité. « Tu seras footballeur, mon gars ! » , lui lance l’apparition. Bruno respire lentement, la situation est inédite, mais sa mère, très croyante, l’a habitué à ce genre d’histoires. Ça tombe bien, son père, plombier de métier, est un ancien footballeur amateur. Viendrait-elle donc de là, cette force mentale de patron ? Ce cortex capable de digérer un but en finale de l’Euro, une cheville plâtrée pendant plus d’un an, une agonie financière et une fausse annonce de mort à la radio ? Oui, sûrement. Comme quoi, le football n’est parfois qu’une profession de foi.

Platini : « Le seul but que j’aurais aimé marquer, c’est celui de Bruno »

Bellone, c’est un style qui ne se fait plus, ou presque : un ailier gauche exclusif, Jesús Navas ancienne génération pour qui le crochet intérieur était aussi proscrit que les vacances au ski. Grand fan du Téléfoot de Pierre Cangioni et Didier Roustan où il est invité pour son premier plateau, c’est là qu’il est surnommé pour la première fois Lucky Luke après une boutade de son futur « vrai pote » Roustan. Prompt à dégainer sa patte gauche et habile de la semelle, il se place rapidement comme le meilleur homme de côté de sa génération, celle de Platini, Tigana, Giresse ou Amoros. Celle de Séville 82 bien sûr – « terrible ! » -, mais aussi celle de France 84, où il inscrit le deuxième but de la finale. De ce piqué glissé par-dessus Luis Arconada, Michel Platini dira plus tard : « J’ai marqué neuf buts pendant le championnat d’Europe, mais le seul que j’aurais aimé marquer, c’est celui de Bruno. » Un hommage à l’évocation duquel s’élargit toujours le sourire félin de l’enfant du quartier de Ranchito de Cannes qui, tout jeune alors, n’est pas préparé aux traversées du désert propres à la vie de cow-boy.

Monégasque pour la première fois en 1976, celui qui n’est encore que Billy the Kid s’entraîne aux tirs pendant onze ans, réglant sa mire et ajustant son holster : « J’étais cadet à l’Entente sportive de Cannet Rocheville quand les recruteurs de Monaco, Muro et Banide (Gérard, père de Laurent, ndlr), sont venus chez moi. Mon père m’a dit « Vas-y Bruno, c’est la chance de ta vie ! » Je l’en remercie encore aujourd’hui. (…) C’est Banide qui m’a fait travailler comme un fou et qui m’a orienté vers le métier d’ailier gauche, une spécialité toujours très recherchée. » Bellone quitte le Rocher onze ans plus tard, en 1988, pour retourner auprès des siens, à l’AS Cannes. Dans les vestiaires du stade Pierre de Coubertin, il croise un certain… Zinedine Zidane : « Il jouait libéro avec nous, confie-t-il à L’Huma, très au-dessus mais pas rapide. Franchement, personne ne pouvait dire alors qu’il deviendrait ce joueur phénoménal. » Il décolle à nouveau un an plus tard pour rejoindre le Montpellier la Paillade Sport Club Littoral (MPSCL), où sa carrière s’apprête à prendre un sévère coup d’éperon : « J’ai eu trop, trop vite et presque trop facilement. »

France Info annonce son suicide, puis non

En 1988, c’était attendu, Lucky Luke s’adapte très vite au jeu héraultais. Après trois buts et une passe décisive en cinq matchs – « C’est ce que j’aimais par-dessus tout, faire marquer des buts » -, il reçoit contre Bordeaux un coup derrière la cheville gauche qui lui brise un os. Touché. Huit mois plus tard, il accélère la reprise pour revenir en équipe de France et se rompt le tendon d’Achille. Re-touché. Après six mois de convalescence, il signe gratuitement à Cannes « alors que j’étais dans le plâtre » et se recasse la cheville. Coulé, à 28 ans : « Le chirurgien qui venait de m’opérer m’a dit : « Bruno, le foot pro, c’est fini ! » Après ma blessure, j’ai tout perdu, ma femme, mon métier, et tout ce que j’avais mis de côté pour mes enfants. On m’a tout pris. Moi qui n’avais cessé d’avoir de la chance et qui transformais en or tout ce que je touchais, je n’ai pas bien compris ce qui m’arrivait. » Devenu chômeur et accidenté du travail, il encaisse chaque mois 27 000 francs de la Sécu et en reverse aussitôt 21 000 à son ex-compagne, qui vient de le quitter avec ses trois enfants : « Heureusement que mes parents étaient là pour me nourrir. Le plus dur fût de m’apercevoir que je n’avais jamais eu de vrais amis, que ma femme ne me soutenait pas, que l’on me fuyait parce que j’avais des dettes. »

Pour le plaisir de contredire le dicton, le garçon se révèle aussi malheureux en amour qu’en affaire : l’homme qui gérait sa carrière depuis ses 14 ans quitte la ville sans arrêter une hémorragie qui lui fait perdre cinq millions de francs, en vrai Dalton. Alors que devient Bellone ? L’homme du piqué, l’homme de 84, l’homme envié par Michel Platini, alors sélectionneur des Bleus ? Il se suicide. Enfin, pour France Info, qui le ressuscite une heure plus tard. Le vendredi 10 avril 1998, en bonne vanne retardée, la radio annonce en boucle son décès suite à une information donnée par Robert Budzinski, directeur sportif nantais de l’époque. Furax, UnLucky enrhume le bureau de l’AFP de Nice, alors que sa nouvelle compagne est en larmes sur Europe 1. L’histoire raconte même que l’auteur de la brève tomba dans les pommes à Radio France quand il apprit son erreur. Aujourd’hui en règle avec lui-même et, accessoirement, le fisc, Bruno Bellone est conseiller technique à la mairie du Cannet, où il dégaine les projets sportifs avec toujours autant de célérité. Il boitille de la jambe gauche. Souffre de la cheville, mais avale des cachets d’aspirine pour masquer la douleur. Il est heureux, Bruno. Peut-être pas comme un gosse, non, mais lui s’en fout. Il a lâché son doudou depuis bien longtemps, de toute façon. Et puis, au pire, il a sa dame blanche à qui parler.

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