- C1
- Real Madrid/OL (3-0)
On était à Bernabeu
Il y avait bien longtemps que Madrid n'avait pas été aussi heureux après un huitième de finale à domicile. Le Real se qualifie et le Bernabeu a fait son match. Ambiance.
En 1947, Santiago Bernabeu n’était encore qu’un président. Charmatin était le nom du faubourg où il venait de construire un stade ultra moderne censé faire oublier aux Madrilènes les privations du franquisme. Soixante ans plus tard, Madrid s’est construite, l’Espagne est démocratique et le développement économique de la ville a avalé l’ancien stade Charmatin. Autour de lui, tout a changé. Planté entre les immeubles de bureaux des quartiers nord de la ville, Santiago-Bernabeu c’est maintenant une station de métro, une boutique, une discothèque, un musée, deux restaurants, un centre commercial, un stade et le mètre carré le plus cher de la ville.
Hier soir, les alentours de l’arène madridiste avait des airs du temps d’avant toutes ces coupes d’Europe. « Le public de Champions League n’a rien à voir avec celui de la Liga. C’est un public de bocadillo (sandwich, ndlr) » prévient au micro Manolo Lama, sorte d’Eugène Sacomano espagnol. Écharpes enroulées autour des anoraks, sandwich au jamon iberico dans le sac à dos et tifo sous le manteau, les socios se préparaient à une de ces soirées d’autrefois. Toute la semaine, la presse madrilène, les joueurs et le Mou s’étaient chargés de chauffer les sièges. Une heure avant le match, l’avenue Concha Espina et la rue Padre Damian étaient remplies de drapeaux et d’appareils photo. C’est peut-être un détail, mais pour un Madrilène, ça cache quelque chose.
Un génie
La porte 55 passée, l’ascenseur jusqu’au cinquième étage gravi et les compos attrapées, la tribune de presse se remplit à ras bord. Entre les écrans plasmas individuels, le chauffage au plafond du stade et le kit catering rempli de choses étranges, il y a des ordinateurs, des casques et des cabines de commentaires remplies de cris. Trois cents journalistes couvrent l’événement – soit le double que lors d’un mauvais Madrid-Herculés. Quand les deux onze s’échauffent, les Ultra Sur sont là, portraits de Mourinho bien en évidence. Les Lyonnais, à l’extrême opposé, se chauffent la voix. Avant le match, le coach portugais avait mis à l’épreuve un public réputé froid et exigeant. Ce soir ils sont 80.000 et se piquent même de siffler le retour aux vestiaires de l’équipe de Puel. Quand Abidal apparaît sur les écrans avec un maillot du Barça, on applaudit car il faut bien. Au coup d’envoi les Madrilènes exhibent un tifo incompréhensible qui a n’a qu’un seul mérite : exister. Quelque chose a changé à Madrid.
A la radio Tomas Roncero, l’homme le plus madridiste du monde, a décidé de faire plaisir à ses auditeurs et s’en prend donc à l’arbitre. Skomina n’ayant pas sifflé un tacle appuyé de Lovren sur Di Maria, c’est clair. Skomina est anti-madridiste : « Autrefois quand le Real jouait en Europe, les arbitres le respectaient. Maintenant c’est fini. Y a plus de respect » . Comprenne qui pourra. A ses côtés Guti n’a pas changé et tente de faire son trou dans le milieu. Depuis quelques semaines, il donne son avis sur la chose footballistique en direct à la radio. Il n’y aura jamais de grand philosophe qui s’appellera Guti. Mais à Madrid Guti, c’est le nom d’un génie. Derrière le micro il est comme sur un terrain : un coup de génie : « Le problème de Pepe, c’est qu’il ne réfléchit pas assez » et puis plus rien jusqu’à la fin du match. Guti quoi.
Un accident
Les trois buts madrilènes enfilés, il faut faire le trajet dans l’autre sens. Couloir, ascenseur, niveau 1, tourniquet, accréditation, code barre, sourire. En salle de presse, Puel est frustré : « Nous n’avons pas joué libérés » . Le regard dans le vide et la mine abasourdie, il tente d’oublier : « Ce match est un accident » . Les journalistes locaux poussent la cruauté jusqu’à demander au Mister français si le Real pourrait gagner cette C1 : « Oui, s’ils restent vigilants en défense » . Et puis ensuite, Mourinho se fait attendre. Quand la star de la soirée arrive, la première question est pour lui et la deuxième question est pour ses fans. Alors, il a bien joué le public ? « Bernabeu est comme un de ces joueurs qui jouent cinq minutes, se fatiguent, se cachent et puis réapparaissent de temps en temps. Le Bernabeu n’a pas mal joué mais il peut mieux faire » . Le Bernabeu, c’est Guti.
Thibaud Leplat, à Bernabeu
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