- Supercoupe
- Barcelone/Real Madrid
Method Mou
Pourquoi tant de victoires ? C'est le nom d'un ouvrage écrit par quatre universitaires portugais qui détaille les méthodes d'entraînement de José Mourinho et sa philosophie de jeu. Une lecture qui conduit à battre en brèche quelques clichés sur le coach le plus polémique de la planète.
A part, Mourinho l’est indéniablement. Par son palmarès, son caractère, et… ses méthodes d’entraînement, à suivre l’analyse de l’ouvrage “Mourinho, pourquoi tant de victoires?”. Ne pas faire comme les autres, l’ex-adjoint de Bobby Robson le revendiquait dès ses premiers pas d’entraîneur : en termes de préparation physique, tactique, mentale, technique. Des éléments qu’il refuse de séparer, pour les travailler simultanément. Ainsi, pas de pré-saison à bosser le foncier avec le “Mou”. Dès le premier jour, le ballon s’agite dans les pieds, pour le plus grand bonheur de ses joueurs. Le Special One refuse d’ailleurs de qualifier son inséparable, Rui Farias, de préparateur physique, préférant le considérer comme un adjoint comme un autre qui « exécute et coordonne une grande partie de notre méthodologie d’entraînement » (Record, 2004). La fraîcheur comme la puissance physique des équipes du “Mou” ne trouvent donc pas leur source dans d’éreintantes semaines à soulever des poids et à courir dans les montagnes, des méthodes qu’il juge archaïques. « Un joueur est adapté à un système ou non, (…) mais la forme n’est pas physique » envoyait le “Mou” à la presse portugaise lors de son mandat à la tête du FC Porto. Le Portugais assure ne pas croire aux pics de forme, à l’intérêt des tests physiques et du travail au gymnase, sauf pour se rééduquer.
Mécanisation des esprits
Plus encore que les jambes, c’est le cerveau de ses ouailles que sollicite le Special One. L’un de ses principes majeurs : « Ne pas croire au volume de travail mais à l’intensité » . Ainsi, une seule séance est programmée au quotidien, et elle n’excède jamais plus de 90 minutes. L’entraînement se compose d’une série d’exercices courts mais sollicitant une concentration maximum. Le but ? Que le joueur soit entraîné à penser vite. Un match, au niveau individuel, n’étant qu’une succession de décisions à prendre dans l’instant. « On parle beaucoup de fatigue physique ou de récupération physique, déclarait le Portugais à la revue Dragoes en 2002, moi je parle plutôt de fatigue du système nerveux central » . Pour éviter l’accident cérébral, les séances les plus complexes sont programmées en milieu de semaine, le plus loin possible du match précédent et de celui qui est préparé, ce, quand le mardi ou mercredi n’est pas occupé par une rencontre de Ligue des champions ou… une finale retour de Supercoupe d’Espagne. Les lendemains de compétition, Mourinho a pour règle de ne jamais convoquer d’entraînement, lui-même avouant avoir du mal à se concentrer. Qualité plutôt que quantité. Pas une invention mourinhesque, mais un autre principe auquel il ne déroge pas.
Considéré par ses admirateurs et même par certains de ses détracteurs comme un stratège hors-pair, Mourinho préfère insister sur la clef de voûte de son édifice : « La tactique, grande coordinatrice du processus » . Selon les auteurs de “Pourquoi tant de victoires ?”, le coach merengue peaufine sans relâche deux systèmes : le 4-4-2, et le 4-3-3, avec pour objectif que tous ses joueurs finissent par penser comme un seul homme. Tous les exercices, même les plus anodins en apparence, visent à mécaniser ces systèmes. Aux joueurs de se fondre dans ces organisations, quel que soit leur pédigrée. « Contrairement à ce que l’on dit, mes joueurs ne m’adorent pas, ils adorent travailler avec moi » synthétise modestement le “Mou”.
Le camion Pirelli
Vite catalogué comme un entraîneur défensif, le Portugais se dit obsédé par la possession du ballon, vitale dans le football moderne, selon lui. S’il exige des lignes serrées à la perte du ballon, c’est pour mieux le récupérer par un pressing haut. Volontaire ou contrainte, la tactique du camion Pirelli employée lors de la fameuse demi-finale de Ligue des champions 2010 doit alors être perçue comme l’exception plutôt que comme la règle du système “Mou”. Il n’empêche, Mourinho et son staff se distinguent aussi par leur étude approfondie de chaque opposant, une tâche dont s’acquittait en partie André Villas-Boas quand il était encore son adjoint. « Mourinho et son équipe travaillent de manière incroyable, déclarait Tiago à A Bola en 2005, à tel point que les joueurs savent absolument tout sur leurs adversaires » . “Pourquoi tant de victoires ?” révèle l’un des rapports de Villas-Boas afférent à la préparation de la finale de Ligue des champions 2004 face à Monaco, où Ibarra est clairement désigné comme le maillon faible de l’équipe, et Rothen comme « le plus dangereux, non seulement par sa qualité technique mais aussi par son intelligence tactique » . Mourinho se défend cependant de s’adapter à l’adversaire, assurant ne jamais renier ses principes de jeu, mais ne faire qu’ajuster des détails de positionnement selon les caractéristiques de l’opposant.
Publié en 2007, “Pourquoi tant de victoires ?” n’a toujours pas été traduit en français. Voilà ce que José, lui-même, anticipait à propos de l’ouvrage : « Ça va être un livre fantastique, mais peu d’entraîneurs de formation traditionnelle vont réussir à en extraire des éléments productifs, même après cinquante lectures » . Melon et trash talking, d’autres piliers de la méthode “Mou”.
Thomas Goubin
Lire : « Mourinho, por qué tantas victorias ? », de Bruno Oliveira, Nuno Resende, Nuno Amieiro, Ricardo Barreto, Editorial Deportiva Futbol, 2007.
Par