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Motta, entre rêve et réalité

Par Charles Alf Lafon
Motta, entre rêve et réalité

Avant, la victoire du PSG passait nécessairement par Thiago Motta, clef de voûte de l'édifice parisien. Mais elle s'est cassée dans la serrure de la Ligue 1, et le jeu est devenu terrible. Parce que Motta n'est peut-être qu'un fantasme.

L’amour pour Thiago Motta est quelque chose de difficilement explicable. C’est déjà un passeport, italo-brésilien, un C.V. – le Barça batave, puis celui brésilo-espagnol, l’Inter de Mancini et Mourinho, le PSG d’Ancelotti – et le palmarès qui va avec : deux Liga, une Serie A, deux Ligue 1, deux Ligue des champions. Mais comme Clarence Seedorf n’est pas le plus grand joueur de l’histoire, il y a autre chose. Ce numéro 8, double, rond, plein, éternel, l’infini, l’infini redressé même, à l’image de cette verticalité qu’il a toujours à cœur d’imprimer. Ses sempiternelles Mizuno, vestiges du passé, madeleine de Proust d’un temps révolu, pied de nez aux géants bariolés inutilement avancés, qu’il pose sans vergogne sur les tibias des légions impies, pour tuer une action dans l’œuf. Avant de vous lancer un regard noir, profond, insondable.

Motta ne tacle pas en rigolant comme Verratti et ses yeux azur, Motta tacle parce qu’il le doit, pour en finir. Sur un terrain, il n’est ami avec personne, et ce n’est pas un hasard s’il s’est battu avec Douglas dans les couloirs de Glasgow, ou si Brandão lui a brisé le nez. Sa première réaction, instinctive, n’a-t-elle d’ailleurs pas été de lui courir après pour répliquer ? Motta est un homme fier, orgueilleux. Un buste droit, un port altier, cette marque des grands, de ceux qui regardent loin devant, vers l’horizon, vers l’avenir, du haut de son mètre 87. Transversale, un côté, l’autre, pied gauche évidemment, ou passe simple, juste, précise, toujours vers l’avant. Peu de course, beaucoup de placement. De la sérénité, l’impression de savoir quoi faire, de ne jamais être surpris. Et des buts, parfois, quand il le faut vraiment.

L’envers du Paradis

Thiago Motta n’a pas l’insolence enfantine d’un Marco Verratti, d’un Javier Pastore, ou complètement mégalo d’un Zlatan Ibrahimović, celles qui font tout pardonner. Il a simplement conscience de ses qualités, et de ce qu’il estime lui revenir de droit. Sauf qu’en ce moment, ce n’est plus grand-chose. L’homme de l’ombre, à la base de toutes les victoires, s’est perdu dans le brouillard. Motta est devenu quelconque, presque inutile. Maintenant, il marche vraiment. Celui qui offrait la lumière aux autres les oblige maintenant à se débrouiller. Marco Verratti, aussi brillant soit-il, ne peut – encore – tout éclairer de bleu, et Matuidi, obligé de vraiment défendre, a logiquement perdu de sa superbe avec la fin de son dépassement de fonction. Tout simplement parce que Motta n’est pas celui qu’il croit être, et que l’on voudrait qu’il soit.

Au Barça, s’il a bien connu un exercice 2002-2003 en tant que titulaire devant la défense, le club a fini 6e cette année-là. Après, son genou a lâché, tout le monde lui est passé devant (Deco, Edmilson, Xavi, Yaya Touré), ses titres ont été glanés du banc. Il a tenté de se refaire à l’Atlético Madrid : six matchs en une saison, et un essai non-concluant à Portsmouth. À Portsmouth !… C’est finalement sur la terre de ses ancêtres qu’il se sauvera, au Genoa puis à l’Inter, sans pour autant devenir un furioclasse. De ce fameux Inter du Mou, ne se rappelle-t-on pas de lui comme celui expulsé contre le Barça, base d’une victoire homérique ? De toute façon, qu’est-ce qu’était cette équipe, sinon un assemblage de revanchards, réunis pour le casse du siècle sous l’égide d’un cerveau supérieur. Lúcio s’était fait virer du Bayern pour ses montées de chien fou, Cambiasso, Samuel et Sneijder du Real pour des raisons diverses, Eto’o du Barça, la carrière de Pandev était un foutoir, Milito n’était jamais qu’un grand buteur de petit club, Chivu portait un casque. Et Thiago Motta était un type pas assez fort pour le Barça, suffisamment pour le Genoa.

Tendre est la nuit

Finalement, Thiago Motta va très bien à Paris. Lorsqu’il signe en janvier 2012, il ne coûte que dix millions d’euros. C’est une recrue intelligente, logique, cohérente, qui va amener de l’expérience, de la stabilité. Mais ce n’est pas un achat définitif, impérieux, comme Thiago Silva ou Ibrahimović, considérés comme parmi les meilleurs à leur poste. Motta n’est pas l’un des meilleurs milieux du monde. Pour preuve, avec la Nazionale, il ne compte que 23 sélections, souvent en tant que remplaçant. Une sélection qu’il a en plus choisi par défaut, ayant déjà porté à deux reprises le maillot du Brésil en 2003. S’il est sans nul doute l’un des meilleurs milieux de France, c’est à l’image du PSG, qui n’est pas – encore – un grand club, absence de Ligue des champions oblige. Un PSG qui souffre en ce moment, comme Motta, coupables tous deux d’avoir voulu rêver trop grand.

Si beaucoup rêvent ainsi d’un Paris pastorien ou verrattien, il n’est jamais que mottien pour l’instant. Le PSG a suffisamment d’argent pour s’acheter du temps. Pas Motta, qui aura l’âge du Christ cet été. Deux choix s’offrent maintenant à lui : mourir, tranquillement, paisiblement, être remplacé par Busquets, et laisser l’image, forcément altérée par le temps, d’un joueur presque grand. Ou relever la tête, remettre en action ses jambes, prouver que tout est la faute de son genou. Pour être à la hauteur de sa légende.

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