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Middlesbrough, taillé pour monter
Finaliste malheureux des play-offs de Championship l'an passé, Middlesbrough n'a pas perdu de vue l'objectif affiché. Au contraire, Boro revient le couteau entre les dents, bien déterminé à ne pas laisser passer le train une deuxième fois.
On les avait quittés sur l’immense pelouse de Wembley, le 25 mai dernier. Là, les larmes avaient remplacé les sourires confiants aperçus dans le couloir menant au temple du football. En un quart d’heure, le rêve affiché depuis le début de saison s’était écroulé sous les coups de boutoir de Cameron Jerome et Nathan Redmond. Impuissants, les joueurs de Boro devaient se résigner à laisser le dernier strapontin vers l’élite, synonyme de jackpot, à Norwich. Véritable révélation de la saison de Boro avec 17 buts en Championship, Patrick Bamford, muet cet après-midi-là, pouvait afficher sa tristesse. Si lui, prêté par Chelsea, allait sûrement retrouver l’élite – il est aujourd’hui prêté à Crystal Palace – ce ne sera pas le cas de ses coéquipiers devenus amis et de l’entraîneur qui l’a transformé en machine à marquer, Aitor Karanka.
La dignité du Mou
Le Basque, jusque-là, était plus célèbre pour sa belle carrière à l’Athlétic Bilbao et au Real Madrid, puis pour son passage sur le banc de la Casa Blanca en qualité d’assistant de José Mourinho, un mentor qu’il n’a aucun mal à assumer. En effet, dans son bureau de Rockliffe Park, un calendrier à l’effigie du Portugais est affiché au mur. Il date de 2011 et à la page du mois d’avril, en dessous d’une photo du Mou souriant, est inscrit, en italien : « Un entraîneur peut perdre beaucoup de matchs, mais ne doit jamais perdre sa dignité » , comme l’explique Karanka au Daily Mail. « Il me l’a donné lors du premier mois de notre collaboration au Real Madrid. Il m’a juste montré cette page un jour. Voilà, n’oublie jamais cela. Je le garde avec moi tout le temps. »
Et autant dire que l’Espagnol a retenu la leçon. Évidemment, cette défaite face à Norwich sonne comme un échec personnel. Car lorsqu’il est nommé à la tête de l’équipe en novembre 2013 après un début de saison très compliqué – trois victoires en quinze journées – sous la houlette de Tony Mowbray, puis Mark Venus, qui assure l’intérim, l’objectif est clair comme de l’eau de roche : il s’agit alors de sauver ce qu’il y a à sauver de cette saison déjà galvaudée, avant de lutter, dès l’année suivante, pour la montée. En cela, le deal est simple : Steve Gibson, l’actionnaire majoritaire, est prêt à investir massivement pour parvenir à ses fins, et en échange, Karanka doit faire profiter le club de son aura et de son réseau tentaculaire.
Prêts réussis, et défense de fer
Ainsi, la première année, Karanka s’active et obtient, au mercato d’hiver, le prêt de deux pépites de Chelsea, Omeruo et Chalobah, celui de Tomas Mejías, alors troisième gardien du Real Madrid, mais aussi de Shay Given et Danny Graham, une valeur sûre au poste d’attaquant. La saison passée, rebelote. En plus des transferts définitifs de Mejías et d’Emilio Nsue, Karanka vient piocher dans les réserves de Chelsea et de Tottenham, mais dégote aussi Jelle Vossen, l’international belge, en prêt. Mais voilà, s’il n’est pas commun de pouvoir piocher dans les académies de quelques-uns des clubs les plus prestigieux du Royaume, voire du continent, la méthode a évidemment ses défauts. Ainsi, le club, en fonction des fins de prêts et des nombreux transferts, doit régulièrement remodeler pratiquement entièrement son secteur offensif.
Cet été, c’est ainsi Patrick Bamford, Jelle Vossen, mais aussi Lee Tomlin qui ont quitté le navire, soit 38 buts inscrits par Boro l’an dernier. Alors, en bon disciple de Mourinho, avec qui il converse toujours chaque semaine, comme il le confiait récemment au Daily Star, Karanka sait que son salut passe d’abord par une assise défensive imperturbable. Meilleure défense de Championship l’an passée avec 37 buts encaissés en 46 journées, la troupe de Karanka est repartie sur les mêmes bases cette saison avec 5 buts encaissés en huit journées. Surtout, à cette solidité défensive s’est ajoutée cette année une puissance de feu peu commune, puisque Middlesbrough est aussi meilleure attaque de Championship. Costaud.
Downing, le retour de l’enfant prodigue
Car, au moment d’intervenir sur le marché des transferts cet été pour remodeler leur secteur offensif, Steve Gibson et Karanka ont choisi de frapper fort, très fort. En plus de l’international uruguayen Christian Stuani et du prêt de l’Italien Fabbrini, Boro s’est ainsi offert des recrues de choix, pour enfin concrétiser ses rêves de grandeur. Ainsi, David Nugent, solide attaquant de Leicester, est venu garnir les rangs de Boro, mais c’est surtout le retour de l’ex-prodige Stewart Downing, finaliste de la Coupe de l’UEFA avec le club en 2006, et auteur de sa meilleure saison depuis longtemps l’an passé avec West Ham, qui a rendu fou les supporters.
Lorsque la presse locale lui a demandé si la promotion était pour cette année, Downing a ainsi livré le sentiment de toute la ville : « Clairement, je pense que c’est possible. C’est la raison pour laquelle je suis revenu. Si vous regardez l’équipe, c’est probablement la meilleure de Championship. Je suis très confiant quant à la promotion. » Alors, au moment d’affronter Leeds ce dimanche, Karanka pourra se remémorer le chemin déjà parcouru en un peu moins de deux ans. Mais aussi se rappeler que, pour son premier match en tant que manager, il s’était justement incliné 2-1 à Elland Road. Peu importe, sa dignité est toujours intacte.
Par Paul Piquard