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Mais qui es-tu, le directeur sportif ?

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Mais qui es-tu, le directeur sportif ?

Arrivé cet été pour mettre le PSG en costard et refaire le nœud de cravate de la L1, Leonardo a réussi à recruter cher et chic tout en éliminant Leproux comme un vulgaire Villeneuve. Un permis de tuer qui tient en deux mots : directeur sportif.

Ils s’appellent Marco Branca à l’Inter Milan, Christian Nerlinger au Bayern Munich, Andoni Zubizarreta au FC Barcelone voire Zinédine Zidane au Real Madrid. Et ils ont un titre en commun, celui de directeur sportif. Si la fonction est longtemps restée floue aux yeux du public français, elle semble en voie de démocratisation depuis ce bel après-midi de juillet, où Leonardo a posé un mocassin sur le tarmac du Bourget. A l’instar de grandes écuries européennes, le PSG se dotait d’un directeur sportif qui tiendrait un rôle prépondérant au sein du club et médiatiquement exposé. Une sorte de révolution dans l’Hexagone, à quelques exceptions près (Anigo à l’OM). D’ailleurs, même la LFP concède un wagon de retard à ce sujet : « Il n’y a pas de définition du poste de directeur sportif sur un plan juridique » . Du côté de l’UCPF (Union des Clubs professionnels de Football), on ne souhaite pas non plus se perdre en explications : « L’affaire est interne aux clubs » .

Le job de directeur sportif n’étant pas réglementé, aucun diplôme n’est nécessaire pour superviser un staff technique, gérer le recrutement, l’intendance et faire le tampon entre l’équipe et sa direction. Du coup, c’est un peu au bon vouloir des présidents, selon leurs désirs, de s’attacher les services d’un directeur sportif dans leur organigramme. Ceci étant, une alternative existe et consiste à laisser le coach remplir les deux fonctions tel un Christian Gourcuff à Lorient. Mais comme le fait remarquer Jean-Claude Plessis, « il n’y en a pas beaucoup des Gourcuff en France. J’ai souvent pensé à ce garçon, mais je ne suis pas sûr qu’il soit exportable. (…) A Lyon ils ont essayé avec Puel et on voit bien que ça n’a pas fonctionné » . Pour l’ancien président du FC Sochaux Montbéliard (1999-2008), qui s’appuyait à l’époque sur Bernard Genghini en plus de son entraîneur, deux têtes valent assurément mieux qu’une. C’est la méthode allemande. En Bundesliga, la quasi-totalité des clubs possèdent en effet leur Sportlicher Leiter. Le contraire de l’Angleterre, où l’ « hyper-coach » est toujours à la mode.

Les pleins pouvoirs ?

Moins bien rangée que sa voisine d’outre-Rhin, la Ligue 1 hésite encore entre les deux organisations. Pour Bernard Caïazzo, co-président de l’AS Saint-Etienne, le système de l’entraîneur-manager à l’anglaise reste le meilleur, bien qu’il ne l’ait pas lui-même adopté. Jurisprudence Comolli ? Pas du tout, à en croire le compère de Romeyer à la tête des verts : « il y a le système idéal et il y a le système qu’on trouve » . Les choix de Christophe Galtier sur le banc et Dominique Rocheteau au directoire s’expliqueraient par une trop petite offre, sur le marché français, de techniciens capables de supporter cette double charge : « si l’entraîneur de l’AS Saint-Etienne était Jeannot Fernandez, à la place de Galtier, la question ne poserait même pas ! Il embrasserait une plus grande part de la fonction et serait entraîneur et manager général et sportif du club » . Un problème de compétences ? Plutôt une histoire d’expérience, nuance Caïazzo : « tout le monde n’est pas capable d’être entraîneur de l’équipe première, de gérer le recrutement et de superviser la formation en même temps. Cela demande des capacités de management. Après peut-être que Galtier les aura un jour… » . En attendant que Galtier se transforme en Wenger, les verts préfèrent donc faire comme tout le monde et répartir les tâches.

Car si le système fait fantasmer Geoffroy-Guichard et fonctionne à Lorient ou Nancy, la majorité des clubs de Ligue 1 tend de plus en plus vers une organisation bicéphale. Leonardo/Kombouaré au PSG, Bruno Carotti/René Girard à Montpellier et Alain Caveglia/Franck Dumas à Caen sont récemment venus rejoindre la bande des Corentin Martins/Alex Dupont au Stade Brestois, Bernard Genghini/Mehmed Baždarević à Sochaux ou encore Pierre Dréossi/Frédéric Antonetti à Rennes. « Jusqu’à maintenant on faisait avec les moyens du bord et c’est ce qu’il nous manquait. On a besoin d’une personne qui offre une réflexion continuelle » explique Jean-François Fortin, président du Stade Malherbe de Caen et patron du néophyte Cavéglia. Grand défenseur du système allemand, l’entrepreneur juge nécessaire la présence d’un technicien dont le travail échapperait à l’urgent, pour se concentrer sur l’important : « l’entraîneur est souvent préoccupé par du court terme, par son match du samedi. Il faut avoir quelqu’un qui n’ait plus ce stress et puisse prendre de la hauteur » . Le directeur sportif serait donc le chaînon manquant entre le coach et son président, celui qui voit plus loin. Une vision grand angle.

Les Hommes du Président

Mais, plus encore que l’intendance, la coordination ou même le recrutement, le directeur sportif débarque souvent dans un club pour prêter son image à son anonyme de président. Car si les techniciens sont presque toujours d’anciens joueurs, leurs patrons viennent en général de sphères très éloignées du football. Ancien de chez Peugeot, Jean-Claude Plessis avait bien connu une expérience à l’AS Brestoise avant de prendre les commandes de Sochaux, mais ne souhaitait pas travailler seul. En cause, un gros manque de crédibilité publique : « Quand vous avez Bernard Genghini comme directeur sportif et que vous voulez appeler le directeur sportif de l’Inter Milan – c’était Fachetti à l’époque – bon bah « Plessis » ça ne lui dit pas grand-chose à Fachetti. Mais si c’est Bernard Genghini qui l’appelle et bien on prend contact, on déjeune et ensuite Fachetti, il se souvient de Plessis. Mais ça c’est grâce à Genghini ! » explique-t-il.

Si les présidents ont ainsi besoin d’une caution morale, c’est que lorsqu’ils entrent en fonction, leur attention se concentre vite sur le terrain, le mercato, le recrutement et tout ce qui brille. Les directeurs sportifs sont donc rarement sacrés rois du monde comme Léonardo, libre de ses mouvements au PSG. Dans bien des clubs hexagonaux la fiche de poste va en effet comme un gant…à celui qui l’écrit. Comprendre : le chef, le big boss. « Tout ce qui est négociations ça passe par le président » confirme Bruno Carotti. Le duo qu’il forme avec Girard à Montpellier, identifie les besoins, recherche et propose de nouveaux joueurs, mais n’a pas le dernier mot sur les dossiers de recrutement en cours. Pour Jean-Pierre Karaquillo, directeur la formation « Manager » au CDES (Centre de Droit et d’Economie du Sport, école de Raymond Domenech, Pierre Dréossi, Laurent Blanc et beaucoup d’autres), on touche là au plus gros problème structurel du football de club en France : « Tant qu’il y aura autant de présidents qui voudront se mêler du sportif on n’y arrivera pas (…) Moi, par exemple, je suis très choqué par tous ces journalistes qui pensent que parce qu’ils ont réussi dans leur profession, ils vont pouvoir gérer un club. C’est d’une prétention inouïe ça ! » .

Les présidents n’y connaîtraient donc rien et dirigeraient des clubs comme on achète une garçonnière, en privilégiant la décoration à l’entretien des fondations. Pire encore d’après Karaquillo, les anciens footeux, ne seraient pas assez écoutés par des patrons terrifiés à l’idée qu’un « spécialiste » leur fasse de l’ombre : « c’est très difficile de faire comprendre aux dirigeants qu’ils ont besoin de quelqu’un qui vient du monde du sport. Ils vont penser d’un footeux qu’il est con et qu’il ne sait que taper dans un ballon (…). Comment voulez-vous imposer à des dirigeants autocrates de recruter ces gens qui leur font peur » . Une problématique qui, au PSG, ne semble – pour l’instant – pas s’imposer au cheikh Tamim bin Hamad Al Thani. Faut dire que, question allure, Leonardo porterait presque mieux le costume que le short.

Raphaël Cosimano

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