L’Italie cherche son Guardiola
Ciro Ferrara, 42 ans. Leonardo, 39 ans. Et Gianluca Atzori, 38 ans. Pour la saison prochaine, la Juventus, le Milan AC et Catane ont décidé de confier leur équipe à trois entraîneurs novices. Un geste désespéré pour relancer le Calcio ?
1987, année zéro. Tout frais propriétaire du Milan AC, Silvio Berlusconi décide sur une inspiration de nommer à la tête de l’équipe première Arrigo Sacchi, un obscur coach de Serie B. La suite, on la connaît : une révolution tactique, des titres en pagaille, et un bis repetita quelques années plus tard avec l’arrivée d’un autre débutant, Fabio Capello, en remplacement d’un Sacchi en bout de cycle. 2009, Silvio nous fait la même en sacrifiant son contremaître Ancelotti pour couronner Leonardo, même pas 40 ans et zéro expérience d’entraîneur. Un coup de folie ? Paolo Maldini, juge de paix dans la Gazzetta dello Sport : « Disons que c’est un pari. Mais ce genre de pari, le Milan en a déjà fait dans le passé, et il les a tous réussis » .
S’il intervient aujourd’hui et pas hier, c’est sans doute aussi que ce pari est dans l’air du temps. Pour preuve, en marge du Milan AC, Catane, qui a perdu son totem Zenga dès l’ouverture du mercato (le traître a signé à Palerme, l’autre club sicilien de Serie A), a également décidé de s’en remettre à un rookie. En l’espèce, Gianluca Atzori, un type de 38 ans dont le plus grand fait de gloire, outre des postes d’adjoint, reste d’avoir guidé les destinées de Ravenne en Lega Pro. Enfin, le plus grand club du pays, la Juventus, a opéré le même genre de choix en confiant ses stars à Ciro Ferrara pour les deux prochaines années. La Juve aurait pu engager n’importe quel coach célèbre (Spalletti et Scolari, entre autres, avaient fait acte de candidature), mais son président Cobolli Gigli avait prévenu : « Le prochain entraîneur de la Juventus sera italien, fidèle au club, et jeune » . CQFD : Ferrara est né à Naples, il a passé neuf ans à la Juve, et à 42 ans, il s’est jusqu’ici contenté d’entraîner les jeunes du club, tout en jouant auprès de Marcello Lippi en équipe nationale le rôle de l’Alain Boghossian de service.
Un entraîneur puceau, sorti du sérail et encore joueur dans l’âme. Osée sur le papier, la formule a largement fait recette cette saison. Ça c’est passé du côté de Barcelone, où Pep Guardiola a tout raflé en produisant un jeu de rêve, sans doute le plus beau et le plus efficace depuis les tours de magie opérés par… Sacchi, à la fin des années 80. Largement de quoi lancer une mode. Lors de sa première conférence de presse, Ciro Ferrara a d’ailleurs dû répondre à cette question de la part des journalistes italiens : « Le facteur Guardiola a-t-il rendu votre aventure possible ? » . Réponse du ténébreux : « Guardiola a redonné de l’espoir au football en montrant qu’un coach jeune peut faire de grandes choses sans attendre. Mais vu son succès, il a aussi mis la pression sur les autres entraîneurs de sa génération… » .
La vérité, c’est qu’un Guardiola italien, cela ferait du bien au Calcio. Car c’est peu de le dire, le football transalpin est en souffrance. Ruiné financièrement, à la traîne en termes d’infrastructures, et éliminé en bloc au stade des huitièmes de finale de la Ligue des Champions cette année, il a perdu ces derniers jours Kaka, en attendant sans doute de voir s’échapper bientôt Zlatan Ibrahimovic, Maicon, Pirlo et Pato, autrement dit ce qui s’y fait de mieux. S’en sortir par le jeu, le défi choisi par les présidents de club s’annonce de taille. A écouter la note d’intention de Leonardo, ça fait pourtant envie : « L’équipe qui m’inspire le plus est le Brésil 82 ; j’aimerais reproduire au Milan sa légèreté de jeu et son amour pour l’art » . 2009, année zéro ?
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