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Espagne-Barcelone : Pedri, 18 ans et une saison à 73 matchs

Par Clément Gavard
Espagne-Barcelone : Pedri, 18 ans et une saison à 73 matchs

Pas de repos pour les braves, encore moins pour Pedri. À 18 ans, le milieu de terrain bouclera une saison infernale à 73 matchs, samedi prochain, lors de la finale des JO contre le Brésil. Devenu incontournable au Barça comme en sélection, celui qui a été élu meilleur jeune du dernier Euro aura bien mérité ses vacances. Avec cette interrogation en suspens : ces onze derniers mois sont-ils dangereux pour la suite de sa carrière ?

Pendant que les principales têtes de gondole du dernier Euro font petit à petit leur retour sur les terrains d’entraînement dans leurs clubs respectifs, un groupe d’irréductibles espagnols attend toujours de pouvoir partir se mettre les pieds en éventail au bord de la mer. Parmi eux, Mikel Oyarzabal, Unai Simon, Dani Olmo, Pau Torres, Eric Garcia et Pedri, six joueurs retenus pour les JO après avoir disputé l’Euro avec la Roja qui tenteront de décrocher une médaille d’or samedi contre le Brésil (13h30) lors de l’ultime rencontre d’une saison éreintante pour les six compères. Si les cinq premiers cités, à l’exception de Garcia, vont boucler l’exercice 2020-2021 en dépassant la barre des 60 apparitions en matchs officiels, Pedri explose lui les compteurs. Face au Brésil, le milieu de 18 ans prendra part à une 73e et dernière rencontre cette saison. Puis, il sera probablement question de vacances, de repos, et de prendre les bonnes décisions pour ne pas flancher physiquement dans les prochains mois.

 Ce qui me fait le plus peur, c’est le delta entre la saison d’avant et celle actuelle. C’est comme si tu passais d’une vingtaine de matchs avec un club de Ligue 2 à 70 matchs avec le PSG, que ce soit à 18 ou à 30 ans, la problématique est la même. 

73 matchs, des records et des questions

Ces dernières semaines, Pedri n’a cessé d’épater la galerie et d’enchaîner les records de précocité. « Ce qu’il a fait à 18 ans, je ne l’ai vu chez personne, que ce soit à l’Euro, en Coupe du monde ou aux Jeux olympiques, bavait Luis Enrique après la défaite contre l’Italie à propos de celui qui a été élu meilleur jeune du tournoi. Cela dépasse toute logique. » Rien n’est logique dans le monde de Pedri depuis le début de saison. Passé de Las Palmas à Barcelone l’été dernier contre un chèque de cinq millions d’euros, le milieu est devenu incontournable au Barça comme en sélection espagnole. Depuis le 3 septembre 2020, date de ses premières minutes en 2020-2021 lors d’un Espagne-Macédoine comptant pour les qualifications à l’Euro Espoirs, Pedri vit un marathon de foot (52 matchs avec le Barça, 10 avec l’Espagne, 4 avec les Espoirs et bientôt 7 avec la sélection olympique). Bonne année, bonne santé, vraiment ? « Si tu joues 70 matchs à domicile, j’ai envie de dire que tu peux rentrer chez toi pour récupérer avec les moyens de gérer l’enchaînement, explique Valentin Pichol, préparateur physique de l’équipe féminine du FC Metz et intéressé par les questions théoriques autour de la performance des athlètes. En faisant l’Euro et les JO, Pedri est passé par des bulles sanitaires dans un contexte très anxiogène. C’est du temps perdu pour la récupération. Un déplacement, ça coûte aussi de l’énergie. »

Au-delà des déplacements incessants depuis le début de l’été – même si l’Espagne avait été épargnée pendant l’Euro en jouant sa phase de poules à la maison – et du jetlag japonais, se pose également la question de la capacité d’un gamin à peine majeur à encaisser un calendrier aussi chargé. « Ces jeunes joueurs ont généralement un niveau physique et un système cardio-vasculaire très développés. À 18 ans, tu vois qu’il n’a pas encore atteint la plénitude de sa masse musculaire, son développement athlétique n’est pas terminé, mais ce n’est jamais le cas, précise Valentin Pichol. Le problème, c’est souvent de vouloir en faire beaucoup avec les plus talentueux, même si je pense que les staffs savent ce qu’ils font sur le plan physiologique et morphologique avec Pedri. Ce qui me fait le plus peur, c’est le delta entre la saison d’avant et celle actuelle(il avait disputé en tout 44 matchs avec Las Palmas et l’Espagne Espoirs en 2019-2020, ndlr).C’est comme si tu passais d’une vingtaine de matchs avec un club de Ligue 2 à 70 matchs avec le PSG, que ce soit à 18 ou à 30 ans, la problématique est la même. » Un enchaînement qui oblige souvent les staffs médicaux à privilégier le besoin d’être performant au prochain match, une vision très court-termiste, au détriment des périodes de développement du joueur qui demande des charges d’entraînement plus importantes, faute de temps.

 Pedri avait peut-être de manière innée une capacité à encaisser et s’adapter à l’entraînement un peu plus importante.

Un don ou une malédiction ?

Reste qu’il est déconseillé de faire des généralités dans le domaine de la préparation physique. Comprendre, chaque joueur a ses propres caractéristiques propres à son corps, son poste, ou même l’équipe dans laquelle il joue. Un milieu n’aura ainsi pas les mêmes besoins, et donc la même préparation, au Barça qu’à Liverpool, le style de jeu de chacun ne demandant pas des efforts similaires. Pedri a ici la chance de se balader entre des équipes (Barcelone, Espagne et sélection olympique) misant sur la possession. En revanche, son poste de milieu créateur ne lui permet pas de ménager ses efforts. « Ce n’est pas un endroit où il peut se reposer pendant un match, confirme Valentin Pichol. Ce qui serait dangereux pour Pedri, c’est de le faire jouer au milieu puis sur une aile car il n’est pas forcément préparé à ces types d’efforts. »

La pépite catalane a pourtant une caisse impressionnante pour son âge. Cette saison, le natif de Tegueste s’est fait une place dans le top 5 des joueurs qui pressent le plus parmi les cinq grands championnats européens (24,7 pressions sur le porteur de balle adverse par 90 minutes jouées, selon L’Équipe), et collectionne une ribambelle de statistiques bluffantes cet été : 52 kilomètres parcourus après cinq matchs à l’Euro, un record ; 117 passes se terminant dans le dernier tiers du terrain à l’Euro, le meilleur total ; et même topo aux JO avec plus de 83 passes au compteur dans ce domaine (OptaJean). Et si Pedri n’était tout simplement pas fait du même bois que les autres ? « Pedri avait peut-être de manière innée une capacité à encaisser et s’adapter à l’entraînement un peu plus importante, continue Valentin Pichol. Il peut avoir quelque chose en plus pour durer 70 matchs. »

Un enjeu pour le Barça

Les possibles qualités physiques du bonhomme ne suffisent cependant pas à minimiser l’enjeu des prochaines semaines pour lui et le FC Barcelone. La saison des Blaugrana débutera le 15 août prochain, au Camp Nou contre la Real Sociedad, mais celle de Pedri pourrait logiquement commencer un peu plus tard. « Je ne dispose pas des indicateurs, donc je ne peux pas dire de combien de temps il va avoir besoin. Il faut une réponse singulière et un suivi particulier. Il faudra que Koeman sache à quel moment il en aura besoin, et s’il peut s’en passer pour les premiers matchs, estime Valentin Pichol. On a vu très peu de joueurs enchaîner autant de matchs, il va falloir s’appuyer sur ce qu’on sait au niveau scientifique et ce qu’on sait de l’athlète. Il faut aussi une très bonne communication entre les staffs qui l’ont eu entre leurs mains, une symbiose. »

Une période pour retrouver de l’énergie physique, mais aussi mental, la coupure à venir étant essentiellement « régénératrice sur le plan psychologique ». La transition sera également importante pour le Barça, qui ne peut pas se permettre de précipiter les choses au risque de cramer son joyau. « Je pense que le club va être très vigilant là-dessus, ils savent que s’ils ne prennent pas le temps de repos nécessaire et qu’il se blesse, ils se feront fracasser », devine Pichol. Un mot d’ordre : une bonne communication pour présenter une approche réfléchie au principal intéressé dans les jours à venir. Un motif d’espoir, aussi, ou plutôt un précédent : en 2012-2013, le Brésilien Oscar avait bouclé sa saison avec un total de 80 matchs, avant d’enchaîner la suivante sur un très bon rythme de croisière (64). Dans les années à venir, Pedri devra peut-être apprendre à se ménager pour ne pas flancher, gérer ses efforts pour performer, et connaître son corps sur le bout des doigts pour avancer. Dans l’immédiat, l’important est ailleurs : l’Espagnol a une médaille d’or olympique à décrocher. Puis, l’heure sera venue de se reposer.

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Par Clément Gavard

Propos de VP recueillis par CG

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