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  • Mondial 2014 – Barrage retour – France/Ukraine

«En cas d’élimination, il y aura au moins une économie sur les primes»

Par Quentin Moynet, avec Antoine Mestres
6 minutes
«En cas d’élimination, il y aura au moins une économie sur les primes»

D’après les statistiques des barrages, la probabilité de voir la France au Brésil après sa défaite 2-0 en Ukraine est nulle. Au-delà du cuisant échec sportif que représenterait cette non-qualification, quelles seraient ses conséquences économiques ?

Dans quelques heures, la France aura peut-être, probablement, dit adieu au Brésil. Pour la première fois depuis 1994, les Bleus ne se qualifieraient pas pour une Coupe du monde. Un terrible échec pour Didier Deschamps et pour tout le football français qui se mord la queue depuis près de dix ans. Une catastrophe sportive donc, mais pas seulement. Car louper un Mondial a un coût. De la FFF à TF1 en passant par le monde amateur, c’est tout l’écosystème du foot tricolore qui payerait la note. Salée vous avez dit ? Un manque à gagner de 10 millions d’euros pour la FFF Si le scénario du match retour entre la France et l’Ukraine n’est pas encore écrit, les conséquences économiques d’une non-qualification pour le Mondial 2014 sont elles bien connues. Pas de ticket pour le Brésil, ça veut d’abord dire un manque à gagner pour la Fédération française de football. « Pour la Fédération, il y aurait un manque à gagner de l’ordre de 10 millions d’euros » , explique Pascal Perri, consultant économique pour RMC Sport. À ces 10 millions d’euros, il faut ajouter la perte de confiance de certains partenaires et autres sponsors qui pourraient utiliser cet échec sportif pour revoir à la baisse le niveau de leur contribution. « Les relations avec les partenaires sont indexées sur la performance et sur l’image. C’est un système de bonus-malus, justifie Perri. La FFF devra faire face à une tendance déflationniste forte » . À commencer par Nike qui « va passer à côté d’un grand nombre de vente de maillots. Leur contrat est quand même à 42 millions d’euros » , explique Frédéric Bolotny, consultant multitâche en économie du sport auprès de différents clubs et ligues, qui ajoute : « Il ne faut pas oublier de comptabiliser dans la balance les sommes versées par la Fifa aux équipes participantes » . La FFF qui perd de l’argent, c’est tout l’écosystème du foot français qui est touché, le foot amateur en tête. « Le foot amateur vit en grande partie grâce à l’argent du foot pro, confirme Perri. Il est dans tous les cas associé au destin des Bleus. » Autre acteur en première ligne, TF1. La chaîne aurait investi aux alentours de 130 millions d’euros pour obtenir les droits de retransmission de la Coupe du monde 2014. Autant dire que l’absence de la France serait un sacré coup dur pour les équipes de Nonce Paolini qui comptaient sur les matchs des Bleus pour faire monter le prix des 30 secondes de publicité. « Avec ou sans l’équipe de France, les prix des spots varient du simple au double, commente Pascal Perri. On passe de 150 000 à 300 000 euros pour un message en fonction du casting. Faites le compte vous-même, le manque à gagner peut aller bien au-delà de la barre des 10 millions d’euros. » Conséquence directe de la défaite de vendredi en Ukraine, le titre de TF1 a ouvert en forte baisse lundi matin à la Bourse de Paris et la chaîne souhaiterait même « rétrocéder une partie des droits à d’autres chaînes pour que l’addition soit moins salée, précise Frédéric Bolotny. C’est un des acteurs qui pourrait être le plus touché avec L’Équipe. »

Une économie sur les primes

Une élimination de l’équipe de France ce mardi constituerait-elle ainsi une catastrophe économique ? Pas tant que ça en fait. Oui, elle entraînerait des pertes d’argent, mais pas suffisamment pour inquiéter les dirigeants du football français. « Ce n’est une bonne affaire pour personne, mais ce ne sera pas un crack économique pour les gens concernés » , affirme Philippe Bertrand, journaliste aux Echos. Pour la FFF par exemple, le manque à gagner potentiel de 10 millions d’euros resterait assez marginal. « La Fédé vit très confortablement avec un budget de 200 millions d’euros, avance Pascal Perri. 80%, au moins, des revenus sont d’origine commerciale. Les quelques millions que les sponsors garderaient pour eux ne changeraient pas le modèle économique de la FFF. » Et Frédéric Bolotny de compléter : « Il y aurait en cas de non-qualification des économies faites sur les primes versées aux joueurs » . D’autant plus que l’instance française a un sacré atout dans sa manche : l’Euro 2016. Pays organisateur, la France est automatiquement qualifiée. Le genre d’événement qui attire les sponsors. Les partenaires actuels des Bleus, que sont GDF Suez, Crédit Agricole, SFR, Carrefour ou PMU, y réfléchiront à deux fois avant de quitter le navire. « L’Euro 2016 sert d’amortisseur. Ce ne sera pas un cataclysme financier pour la Fédé » , assure Philippe Bertrand selon qui la FFF bénéficie d’une autre garantie : « Depuis l’année dernière, c’est l’UEFA qui a récupéré la vente des matchs qualificatifs pour l’Euro et la Coupe du monde. La Fédé est sous perfusion de l’UEFA qui porte le risque. La FFF a désormais des revenus garantis qui ne dépendent plus des succès de la France. »

Une mauvaise nouvelle pour Hollande ? Même chose pour TF1. L’absence de la France au Mondial entraînerait inévitablement une baisse des audiences, donc du prix des spots. Mais ce qui sera perdu sur les matchs des Bleus devrait être en bonne partie récupéré sur les autres. « Les annonceurs ont un budget x, explique Philippe Bertrand. Si l’équipe de France est qualifiée, ils en mettent une bonne partie sur ses matchs et moins ailleurs. Si l’équipe de France n’est pas là, ils vont davantage saupoudrer leur budget. Au final, la qualification de la France ne fait pas augmenter le budget des annonceurs. » Bref, pas de catastrophe en perspective. C’est finalement l’image de l’équipe de France qui risque d’en prendre un coup, en même temps que le nombre de licenciés, en chute libre depuis 2007 et passé sous la barre des deux millions en 2011. Ce qui confirme Frédéric Bolotny : « Le nombre de licences est lié aux résultats des équipes nationales. Les licences ont explosé en handball depuis 15 ans. On arrive à 500 000 alors qu’on était à 220 000 à Barcelone. » Quand on évoque les conséquences économiques d’une non-qualification en Coupe du monde, difficile de ne pas mentionner un mythe a la peau dure : un bon Mondial n’aurait que des vertus pour une croissance qui bat de l’aile. L’équation est simple : confiance en hausse, consommation en hausse et croissance de retour. Simpliste même, si l’on en croit Frédéric Bolotny : « Déjà on se demande si ça peut atteindre le moral des Français et impacter la consommation. Ça c’est de l’ordre du fantasme. Même lors de la victoire à la Coupe du monde en 1998, l’impact positif sur les ménages et la consommation n’avait pas été durable. Si on résonne à l’inverse, on peut écarter cette possibilité là » . Ce que ne contredit pas Pascal Perri : « Je ne crois pas du tout à la thèse selon laquelle une qualification génère un demi point de croissance. C’est vrai pour le pays organisateur, mais l’effet est marginal pour les nations participantes. Bien sûr, la confiance est le meilleur carburant de l’économie mais ce n’est pas la qualification des Bleus qui rendra du pouvoir d’achat aux consommateurs. Certaines familles pourraient déstocker un peu d’épargne pour acheter un nouveau téléviseur. Soit, mais heureusement, la croissance française ne dépend pas de la consommation de bières, de sodas, de pizzas et de poste de télévision. On prête sans doute trop d’influence au football. Pour certains secteurs, le succès de l’EDF aura un impact direct » . Ce qui pourrait par contre contrarier François Hollande, c’est de voir son mandat présidentiel associé à cet échec sportif vécu comme un échec national.

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