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Un Ricain chez les Afghans

Par Régis Delanoë
Un Ricain chez les Afghans

Arrivé à Kaboul pour le travail, l’Américain Nick Pugliese a été invité par une équipe professionnelle de la ville pour disputer la saison 2013 du championnat local. Hospitalité au top, football afghan en pleine expansion, parties de billard et futsal à la cool : il raconte son aventure hors du commun.

L’histoire aurait pu ne jamais avoir lieu. Nick Pugliese le sait et le dit : « À la base, je n’avais pas pour idée d’aller à Kaboul, ni même de partir des États-Unis d’ailleurs. Tout ce que je voulais, c’était décrocher un premier emploi. » En 2011, le jeune étudiant de la Williams College University, dans le Massachusetts, s’apprête à soulever son chapeau carré avec ses copains de promotion, comme le veut la tradition. « Un jour, le père d’un de mes camarades de classe est venu nous parler de l’entreprise de télécommunication qu’il avait développé en Afghanistan. Je ne sais pas pourquoi, son histoire m’a attiré. Je l’ai contacté, on s’est rencontrés, il m’a engagé. »

Pugliese passe d’abord six mois en immersion à Dubaï, avant de prendre un aller simple direction Kaboul, capitale d’un pays que les États-Unis ont attaqué en 2001 suite aux attentats du 11 septembre, l’Afghanistan étant alors une des places fortes d’Al-Qaïda et un refuge pour l’ennemi public numéro un Oussama Ben Laden. Pas vraiment le lieu de travail le plus confortable pour un petit gars de Rochester, New York. « Bien sûr que je me suis renseigné avant de partir. Mais on m’a indiqué que Kaboul était relativement sûr pour les occidentaux, alors… » Les premières semaines, Pugliese suit les instructions de son employeur et prend le minimum de risques, ne sortant jamais dans les rues sans qu’on l’y autorise. « Il y a un nombre assez important d’occidentaux à Kaboul, des militaires et des employés. Si on veut, on peut passer quasi tout son temps entre soi sans jamais côtoyer les Afghans. C’est ainsi que j’ai vécu au début. Puis finalement, comme dans n’importe quelle ville, on apprend où aller et ne pas aller. Personnellement, je ne me suis jamais senti en danger là-bas. »

Passeport universel

Durant ses temps morts, l’expatrié intègre l’équipe de foot de sa boîte, un sport qu’il a pratiqué depuis tout gamin et jusqu’au plus haut niveau universitaire. « Mon père était un bon joueur qui n’a lâché les crampons que la cinquantaine passée. Du coup, moi-même, je me suis mis à taper dans un ballon tout naturellement. » Milieu défensif, il est repéré par un collègue de travail, par ailleurs semi-pro pour un club de la ville, Ferozi FC. « Le coach m’a proposé un essai, à la suite duquel les dirigeants m’ont proposé un contrat pro. » Arrivé en Afghanistan en juin 2012, Nick Pugliese fait le choix en avril de l’année suivante de quitter son emploi pour disputer la saison 2013 de la Kabul Premier League. « À peine le temps de rencontrer mes coéquipiers, on se qualifie pour la finale de la Kabul Cup en mai. Titulaire, je joue une heure et on remporte le trophée au bout du suspense. On s’est tous retrouvés avec les joueurs à se prendre dans les bras et à fêter ça jusque tard dans la nuit. J’ai senti à ce moment-là que j’étais déjà membre à part entière de ce groupe, bien que j’en sois le seul étranger. »
À vrai dire, le soccer player ne s’est d’ailleurs jamais senti rejeté par les autochtones. « Sincèrement, je n’ai jamais ressenti la moindre hostilité à mon égard, en dehors comme sur un terrain de foot. Dès que mes coéquipiers ont constaté que j’étais un bon joueur de foot qui était dans l’équipe pour son niveau et pas pour sa nationalité, j’ai été intégré facilement. Après, j’ai quand même mis un peu de temps à nouer des contacts avec eux en dehors du terrain, principalement à cause de la barrière de la langue. Je n’arrivais pas à m’exprimer comme je le voulais avec eux, c’était frustrant. Les amitiés sont nées petit à petit, à mesure que mes coéquipiers afghans constataient mon respect pour leur culture, leur mode de vie, que je faisais des efforts pour parler leur langue. » Toujours s’agissant de son intégration, Pugliese poursuit : « Quand je me présentais comme un Américain, les réactions oscillaient entre la curiosité et l’intérêt : qu’est-ce que je fais à Kaboul, pour qui je travaille… Mais le mieux était encore de me présenter comme un joueur. Pour le coup, c’est un vrai passeport universel ! Les gens étaient heureux de pouvoir discuter football, ce sont des vrais passionnés et l’équipe nationale est une vraie fierté. »

« D’une hospitalité rare »

Depuis 2012, un championnat national a été créé en Afghanistan et est soutenu par Moby Group, le géant des médias locaux. Huit clubs disputent cette nouvelle compétition, de Kaboul et d’ailleurs dans le pays. Pugliese l’assure, « le football est amené à se développer là-bas, on sent un vrai engouement populaire, un niveau en progression et des infrastructures qui commencent à se développer » . Une aventure à laquelle il aimerait participer d’une manière ou d’une autre, alors que son contrat s’est terminé en décembre dernier sur une finale de play-offs perdue. De retour depuis aux États-Unis, il garde de nombreux liens avec son pays d’adoption et planche actuellement sur un projet de documentaire retraçant ses 18 mois passés là-bas et le rapport des Afghans au foot. Un sujet qui lui tient à cœur : « Pas mal de jeunes sont obsédés par le ballon. J’en ai rencontré dans des parcs ou au futsal, où je jouais souvent en intégrant une équipe ou une autre. Leurs témoignages sont marquants, ils évoquent l’absence de travail et de perspectives d’avenir, les traditions culturelles et religieuses… » Pour Pugliese en tout cas, il y aura désormais un avant et un après Kaboul. Pas que le Pugliese d’avant était forcément étroit d’esprit, mais celui d’après est acharné à parler communion entre les peuples et lutte contre les préjugés. « Vraiment, l’accueil des Afghans a été extraordinaire, insiste-t-il. Tous ceux que j’ai rencontrés insistaient pour m’aider dans les démarches administratives quand je galérais, ou pour me véhiculer d’un endroit à l’autre. Ces gens-là sont d’une hospitalité dingue. Mes meilleurs moments, je les passais au billard avec les autres membres de l’équipe, un rituel qu’on avait après chaque victoire. On pariait la bouffe commandée pour la soirée. » L’histoire ne dit pas en revanche si ces soirées avaient lieu au Kaboul Kitchen.

Par Régis Delanoë

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