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Rwanda : «Difficile de trouver 30 joueurs»
L'entraîneur français, Richard Tardy, a qualifié le Rwanda pour sa première Coupe du Monde, toutes catégories confondues. Finaliste de la dernière CAN moins de 17, cette sélection de l'après-génocide joue sa qualification pour les huitièmes de finale aujourd'hui face au Canada. Interview.
Comment êtes-vous arrivé au Rwanda ?
Par l’intermédiaire d’une vieille connaissance, Jean-Michel Bénézet, directeur technique de la FIFA. Il m’a appelé en juin dernier pour savoir si cela m’intéressait de prendre en main les moins de 17 ans pour huit mois, avec pour mission de préparer l’équipe à la Coupe d’Afrique organisée au Rwanda. Pour moi c’était un retour en source, car avant de diriger des séniors pendant dix ans, j’officiais à la Fédération française en tant que formateur. L’idée c’était d’essayer de se qualifier pour la Coupe du Monde.
D’où viennent les joueurs de votre sélection ?
La grande majorité provient de l’Académie de la Fédération ouverte depuis un an et demi à Kigali. Sous l’égide de la FIFA, une détection auprès de 300 jeunes a été organisée, nés entre 1994 et 1995, et au final, 26 joueurs ont intégré cette structure où ils sont logés et nourris. Ce que j’ai vu dans cette académie m’a de suite rendu plutôt optimiste, et j’ai commencé à travailler avec ces joueurs. Deux autres académies de clubs fournissent aussi la sélection. Enfin, à l’approche de la CAN, on a pris des contacts avec des Rwandais qui évoluent en Ouganda, en France, et en Belgique. On a notamment récupéré un joueur à Nancy. Pour la Coupe du Monde, je devais donner une première liste de 30 joueurs, mais ça a été difficile de les trouver. Ici, le football n’est pas aussi développé qu’en Côte d’Ivoire ou au Ghana, par exemple.
Vous attendiez-vous à obtenir de si bons résultats si rapidement ?
Pour mon premier match à la tête de la sélection, on subit un sévère revers face au Ghana (5-1). Ensuite, on a engagé la sélection des moins de 17 ans lors du tournoi CECAFA moins de 20 ans. Les joueurs ont vraiment été surprenants puisqu’on est arrivé en demi-finale en montrant de belles choses, notamment une solidité défensive, qui est vraiment notre fort. Offensivement, en revanche, on manque vraiment de réalisme, on paye l’absence d’un vrai buteur. Ce qui est encore le cas lors de cette Coupe du Monde.
Il semble que le président, Paul Kagame, soit un grand fan de football …
Oui, et de sport en général. Il a fondé beaucoup d’espoirs sur cette équipe avant la CAN. Le lendemain de notre défaite en finale face au Burkina Faso il nous a reçu et pas seulement pour la photo. J’ai été agréablement surpris de voir qu’il a pris le temps de parler près de deux heures avec les joueurs. Il voulait les persuader que tout était possible, qu’ils représentaient l’avenir du football. Ensuite, il a donné des directives pour qu’on dispose de moyens conséquents pour nous préparer de la meilleure des façons. On a notamment passé trois semaines en région parisienne, quelques jours en Angleterre, une semaine en Allemagne, avant de nous installer pour deux semaines à Taos au Nouveau-Mexique. Ces derniers mois, mes joueurs ont vécu des choses extraordinaires, j’ai peur du retour à la réalité.
Vos joueurs sont nés au moment ou au lendemain du génocide. Est-ce une donné que vous prenez en compte dans la gestion de votre groupe ?
Je ne cherche pas à en parler tout en étant conscient que beaucoup de mes jeunes ont perdu des proches, et deux joueurs sont même orphelins. S’ils ne l’ont pas vécu ou ne s’en rappelle pas car ils venaient tout juste de naître, mes joueurs sont évidemment marqués par ce génocide, mais ils veulent regarder vers l’avenir. Lors du dix-septième anniversaire du génocide on les a amené au mémorial de Kigali, et pour la plupart il s’agissait de leur première visite. Ils ont découvert les terribles images qui y sont exposées. Depuis le mois de février, une équipe de la BBC nous suit. A travers ces jeune, elle s’intéresse au Rwanda de l’après génocide.
Pour revenir au Mondial, que vous a-t-il manqué lors des deux premiers matches (nda : défaites 2-0 contre l’Angleterre, et 1-0 face à l’Uruguay) ?
Pas grand chose. Contre l’Angleterre, on manque de chance. On encaisse le premier but dix secondes après avoir frappé sur la transversale. Et contre l’Uruguay on prend un but à la 95e minute. On manque d’expérience et d’un buteur. Cependant, on peut toujours se qualifier. Etant donné les résultats des autres groupes, il suffit que l’on gagne 1-0 contre le Canada pour accrocher une place en huitièmes.
Certains de vos joueurs intéressent-ils déjà les clubs européens ?
Notre défenseur, Faustin Usengimana est déjà en contact avec deux clubs français. Et trois autres joueurs sont vraiment prometteurs. Cependant, ces jeunes ne peuvent pas partir en Europe avant leurs 18 ans s’ils ne sont pas accompagnés par leurs parents, alors on réfléchit à la mise en place d’une système pour eux. J’ai suggéré l’idée d’intégrer la future sélection des moins de 20 dans le championnat rwandais.
Allez-vous poursuivre avec le Rwanda après la Coupe du Monde ?
En février, on a négocié un contrat de deux ans, on va voir si on s’entend après la Coupe du Monde. Mais il y a une volonté de continuer avec cette équipe pour préparer les moins de 20 ans, et détecter les futurs moins de 17. On est un petit pays de football, sans véritable passé. Ce qu’on vit va peut-être faire prendre conscience qu’il faut mettre en place des structures pour accueillir les jeunes plus tôt, qu’il faut former des entraîneurs. Il existe un véritable engouement pour cette sélection au Rwanda.
Propos recueillis par Thomas Goubin, au Mexique
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