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Pourquoi pas plus de synthétiques en L1 ?

Par Arnaud Clement
7 minutes
Pourquoi pas plus de synthétiques en L1 ?

Lorient, Nancy et Châteauroux sont les seuls clubs professionnels français à avoir franchi le cap du terrain synthétique en compétition. Face aux nombreux avantages que présentent cette surface, pourquoi une telle levée de boucliers dans les autres clubs ? Éléments de réponse.

Le 12 octobre dernier, la LFP voyait son clown-comédien de président Frédéric Thiriez réélu pour quatre ans. Un mandat qu’il exercera avec son conseil d’administration composé de représentants de l’UNECATEF, de l’UNFP, de la FFF, des arbitres ou encore de huit présidents de L1, parmi lesquels un petit nouveau, le Lorientais Loïc Féry. Avant même son élection, celui-ci annonçait d’ores et déjà les axes de travail sur lesquels il souhaitait appuyer, à commencer par l’utilisation accrue à haut-niveau de gazons synthétiques, dont les seuls utilisateurs en L1 sont depuis 2010 son club et l’AS Nancy-Lorraine (peut-être pas pour longtemps…). Chantre de l’artificiel après deux saisons concluantes, le financier de la City voudrait donc voir le football professionnel grandir un peu pour ne plus avoir à faire aux déclarations larmoyantes des lendemains de contre-performance. Mais si, celle où coachs ou joueurs se plaignent d’avoir perdu des points la faute à une pelouse gorgée de flotte ou détruite par le sable ou les rugbymen. Il suffit juste d’ouvrir L’Équipe de 2 décembre et de voir Benoit Trémoulinas pleurnicher à ce sujet après le nul contre Sochaux (2-2).

L’essayer, c’est l’adopter ?

D’autant que fort de l’expérience et du recul pris avec le Moustoir, le taulier des Merlus sait de quoi il parle lorsqu’il nous vend sa came. Les arguments, tout le monde les connaît : entretien une fois et demi moins cher et beaucoup moins conséquent en termes de temps, utilisation « no limit » pendant quinze ans et confort de jeu similaire durant les quatre saisons. Ce n’est pas Christian Gourcuff qui dira le contraire d’ailleurs. Après la première saison test, il déclarait sa flamme à cette trouvaille en guise de premier bilan : « Les joueurs ont mis un certain temps à lever leurs doutes mais à partir de l’automne, c’était gagné ! Maintenant, ils préfèrent même un synthétique à un terrain en herbe gras en période hivernale. » À tel point que lors de cette saison 2010-2011, le FCL a effectué 70% de ses entraînements sur la dite surface. « J’ai pu mettre en place des séances plus « toniques ». Sur un synthétique, on peut travailler davantage la vivacité » ajoutait même le professeur Gourcuff, qui a trouvé une arme supplémentaire pour poser les bases de son jeu tout en rapidité et en première intention.

Pourtant, un constat s’impose, peu nombreux sont les clubs européens à s’y mettre hors de leurs centres d’entraînement. Il suffit de se pencher sur nos voisins pour voir que le nombre de prés en plastique qui a poussé est conséquent depuis 2004 et l’homologation dans les Lois du Jeu par le FIFA de la possibilité de les utiliser en compétition. Pour des raisons évidentes que pourraient vous détailler Catherine Laborde et Éveline Déliat, les championnats scandinaves ou de l’Est ont compris tout l’intérêt pour eux d’utiliser de telles installations plutôt qu’une pelouse ressemblant à de la boue avec des copeaux de bois en guise de brins d’herbe. Ils sont ainsi presque un tiers de la Tippeligaen norvégienne à en faire usage et le gigantesque stade Luzniki de Moscou, antre du CSKA et du Spartak et lieu de la finale de C1 2008, en est équipé. On compte aussi trois stade suisses et quatre néerlandais utilisant cette technologie. En France, plusieurs clubs ont mené une réflexion à ce sujet, avant de remiser au placard tout projet. Actuellement, l’AC Ajaccio a entamé des discussions avec Envirosport, fournisseur des Nancéens, Lorientais et Castelroussins, tandis que le Stade Malherbe de Caen étudie la question. Mais pourquoi pas plus ? Deux raisons à cela. L’une fausse, l’autre un peu plus vraie.

Le mythe d’un synthétique générateur de blessures

La première cause invoquée pour motiver le refus ou la crainte du synthétique réside dans une exposition accrue aux blessures. En 2011, un reportage de Radio Canada montrait, exemples de blessés graves à l’appui, pourquoi l’équipe de MLS de Toronto était repassée à la pelouse naturelle après avoir expérimenté la chose. D’ailleurs, nombreux sont les spécialistes ou acteurs du jeu à craindre notamment pour les articulations. Pour certains, il s’agit du fait qu’on n’a toujours pas su trouver la bonne semelle pour jouer – privilégier les bonnes vieilles Copa Mundial que les lamelles – quand d’autres se plaignent d’une surface trop abrasive, qui garderait parfois le pied planté et générerait de multiples entorses des membres inférieurs, voire des ruptures des ligaments du genou. Une étude britannique de 2006 menée auprès de 290 joueurs de dix clubs de niveau européen tend toutefois à prouver le contraire, avec une incidence somme toute faible des terrains synthétiques. Seul un risque légèrement supérieur d’entorses de la cheville a été relevé pour un joueur pratiquant essentiellement sur terrain synthétique.

Une étude qui va de pair avec le retour effectué après la première année d’utilisation par le FC Lorient auprès de son fournisseur. « Les appréhensions que nous avions étaient surtout au niveau articulaire. Au final, on a eu moins de blessures : 82 contre 75 la saison précédente » détaillait à l’intersaison 2011 le médecin du club, Vincent Detaille. Et Benoit Dolé, responsable de l’Ouest de la France pour Envirosport et qui suit de près la pelouse du Moustoir d’expliquer pourquoi les craintes n’ont pas lieu d’être : « Nous utilisons une technique particulière pour les terrains homologués FIFA. À Lorient, sous l’herbe de 4cm, on trouve une couche de souplesse coulée sur place qu’il n’y a pas chez les amateurs par exemple. C’est un matériau semblable à ce qu’on peut trouver dans les parcs pour enfants, donc amortissant. Enfin, sur un terrain quelconque, on trouve 15 à 17 kg de granulats ou de billes de caoutchouc au mètre carré, ce qui procure en surface une instabilité du pied. Quand on met une couche de souplesse, on diminue la quantité de granulat, qui n’est que de 7 à 9kg de billes par mètre carré, d’où une plus grande instabilité et un nombre de blessures qui n’est pas supérieur. » Quand bien même le défenseur Bruno Ecuele Manga s’est fait les croisés, ce n’est malheureusement pas du ressort de la pelouse, mais plutôt d’un taekwondoïste aguerri…

Conservatisme mon amour

La vraie raison du rejet massif de la pelouse est plutôt à chercher du côté des mentalités et notamment l’aspect puriste cultivé chez une bonne partie des joueurs, entraîneurs, dirigeants et supporters. « Rien ne vaut une bonne galette bien humide » peut-on entendre ça et là lorsqu’il s’agit de vanter ses préférences. Au pays où toucher aux acquis est marqué défendu, il en est d’ailleurs un qui clame plus fort que tout le monde son amour pour l’herbe. Au soir d’une victoire à Nancy lors de son premier passage sur un synthétique, l’inénarrable Frédéric Antonetti déclarait ainsi : « Ce n’est pas du football. Le football n’est pas synthétique. Je ne sais pas ce que ça a donné des tribunes, mais j’avais l’impression que c’était plus lent. » Le synthétique plus lent… Vous avez dit mauvaise foi ? Pour montrer tout son désaccord avec le système, le Corse remettait ça en février dernier lors de son passage en Lorraine, lorsque les Français avaient les grelots qui jouaient des maracas. « On m’avait dit que le synthétique était un bon moyen en hiver de faire du football, mais c’est finalement pire. (…) Moi je suis un anti-synthétique. » Un message on ne peut plus clair.

Sauf qu’il traduit un certain conservatisme du milieu, pas franchement adepte des chamboulements. Christian Gourcuff lui-même préfèrerait jouer sur une pelouse en herbe naturelle, bien de chez nous. Sauf que le nombre de clubs capables de garder un terrain qui ne ressemble pas aux champs de Carhaix un lendemain de festival des Vieilles Charrues ou à de la paille grillée au soleil au sortir de l’été ne sont pas légion. Et la vérité sort peut-être de la bouche des premiers intéressés. Si on stigmatise les synthétiques comme la principale cause des jeans qui collent à la cuisse le lundi matin, les gardiens ne sont pas mécontents d’évoluer sur pelouse selon Benoit Dolé : « Je suis souvent en contact avec Fabien Lecomte, la doublure de Fabien Audard. Il me dit largement préférer s’entraîner sur nos pelouses car elles sont amortissantes. » Et comme l’homme ne manque pas d’anecdotes de par sa proximité avec le club breton, il nous précise aussi comment un Kevin Gameiro a fait bouger sa position : « Lorsqu’on a installé le synthétique, il était contre et catégorique sur le sujet, même s’il n’avait pas le choix. Mais bon, une fois ses 22 buts marqués, son titre de deuxième meilleur buteur en poche et son transfert au PSG acté, sa vision a changé. » Et puis bon, entre nous, quand Nadal ou Federer passent de la terre battue de Roland-Garros au gazon de Wimbledon en à peine un mois, est-ce qu’on les entend pigner ?

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