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Le jour où le Celtic a vaincu le stratège Herrera

Par Markus Kaufmann et Antoine Donnarieix
Le jour où le Celtic a vaincu le stratège Herrera

L'opposition Celtic FC/Inter Milan aura sans aucun doute le goût d'un football d'antan. En 1967, les deux clubs avaient déjà croisé le fer lors d'une finale de Ligue des champions gravée dans le marbre des pubs écossais d'un côté, et tombée dans les maux milanais de l'autre. Récit.

« Sixty Seven,
In the heat of Lisbon,The Celts they came in thousands,
To See the Bhoys Become Champ-i-ons
 »

Quatre vers pour l’éternité. Dans les travées du Celtic Park comme lorsque les fans du Celtic FC se déplacent massivement dans les stades adverses, cette chanson résonne en hymne à l’amour du maillot vert et blanc. Sur cette tunique apparaît le traditionnel trèfle à quatre feuilles, porte-bonheur des Bhoys, ainsi qu’une étoile dorée. Cette étoile, c’est celle qu’aucun autre club d’Écosse ne peut se permettre de porter. Celle qui honore le seul titre remporté par un club écossais dans la plus prestigieuse des compétitions européennes : la Coupe d’Europe des clubs champions. Inauguré en 2007, ce maillot sera plus que jamais d’actualité ce jeudi soir à Glasgow, lors de la réception de l’Inter Milan par les troupes du Norvégien Ronny Deila. Et ce que tous les fans des Hoops espèrent, c’est que le parfum de la victoire se mélange à celui du Famous Grouse. Pour se rappeler avec bonheur de cette épopée devenue mythique, de ces Lisbon Lions et du 25 mai 1967.

Bières, journalistes et rigolade

Dans la grande famille du Celtic présente sur les rives de la Clyde, les fans prêts à remplir le stade comme un œuf viendront s’asseoir en tribunes avec des anecdotes, des reportages et sûrement une petite envie de voyage au Portugal. 48 ans en arrière, ces supporters venus d’Écosse étaient environ 20 000, parmi lesquels certains sortaient pour la toute première fois de leur île afin de donner un soutien massif à leur équipe, à Lisbonne. Une aide populaire bienvenue pour les ouailles de Jock Stein, puisque l’adversaire qui se présente en finale est autrement plus tactique que les Yougoslaves de Vojvodina, autrement plus coriace que les Tchécoslovaques du Dukla Prague. Pour accéder au trophée, il faudra battre l’Inter Milan d’Helenio Herrera. L’obstacle est de taille : sur les quatre dernières années, H.H. a remporté trois championnats et deux Ligues des champions, en 1964 et 1965. Pire encore : lors de cette campagne européenne, les Nerazzurri éliminent le champion d’Europe en titre, le Real Madrid. Comme une évidence, cette édition leur est promise. Surtout qu’en face, le Celtic joue sa toute première finale continentale avec dix joueurs sur onze issus du même quartier de Glasgow. Une bande de potes contre des stars, en somme.

Aux côtés du Ballon d’or Luis Suárez et du capitaine Giacinto Facchetti, Sandro Mazzola et sa moustache étaient au cœur du jeu la grande figure de l’Inter d’Herrera. Cette semaine, il a raconté à la Gazzetta dello Sport cette finale, en commençant par la veille de la rencontre : « Je me souviens que cette fois-là, le Mago avait voulu qu’on suive de près l’entraînement de nos adversaires. Ce fut une erreur gravissime… Les joueurs écossais se sont présentés au milieu de dizaines de supporters, tous bien fournis en pintes de bière. En plus, leur entraîneur s’est limité à donner des exercices d’échauffement sans ballon. Et à la fin, ils ont organisé un petit match contre… les journalistes ! Nous, on regardait ça en hallucinant et en rigolant. Même à cette époque, c’était insolite. »

« Le match ne s’est joué que sur une seule cage : la nôtre »

Capitaine convié au tos de l’arbitre, Billy McNeill se remémore sa première rencontre avec son homologue interiste, Armando Picchi : « Je regardais cet Italien devant moi avec son maillot bleu et noir, bronzé, beau gosse… À ce moment, je me tourne vers mon coéquipier pour lui dire : « Mec, ils doivent tous se dire qu’ils jouent contre une équipe de pub écossais ! » » Joueur du Celtic de 1959 à 1971, Steve Chalmers abonde dans le même sens. « Très sincèrement, l’Inter Milan devait penser que nous n’avions aucune chance de gagner ce match. Ils en riaient même entre eux. Mais en contrepartie, personne dans leur équipe n’imaginait l’ambiance dans laquelle ils allaient se retrouver. » Avec le costume de favori, les Milanais arrivent dans l’Estadio Nacional où le kop celte donne de la voix. Sans toutefois dépasser les limites. Pierre angulaire de la forteresse interiste, Tarcisio Burgnich a la mémoire encore vive. « Pour ce qui est de l’ambiance, les tifosi écossais n’étaient pas aussi impressionnants que les Anglais qui, à l’époque, te faisaient vraiment ressentir quelque chose, se remémore la « Roche« . Ils se rapprochent plus des Italiens dans leur passion. Ils étaient très nombreux, mais ceux de l’Inter aussi. L’ambiance était très belle, mais oppressante pour personne. » Bref, un vrai match de Coupe d’Europe comme on les aime.

Le début de la rencontre conforte les Interistes dans la conquête de leur troisième Ligue des champions. Les plans d’Helenio Herrera semblent fonctionner à merveille, puisque Mazzola transforme un penalty logique dès la 7e minute de jeu. Dès lors, la suite de la rencontre sera intégralement à l’avantage des Bhoys. « C’est peut-être la meilleure chose qui pouvait nous arriver, avoue McNeill. Après ce but, il n’y avait plus aucun calcul à faire, il fallait obligatoirement marquer. » Réaliste, Mazolla analyse la déroute tactique de l’Inter lors de cette nuit lisboète. « On a été mis sous pression, surtout en deuxième période, et le match ne s’est joué que sur une seule cage : la nôtre. Eux, ils jouaient avec une variante offensive du classique 4-4-2 anglo-saxon, parce que leurs deux ailiers – Johnstone à droite et Lennox à gauche – jouaient véritablement comme des attaquants extérieurs. Du coup, Burgnich et Facchetti étaient sans cesse agressés par leur vitesse. Giacinto, qui représentait à l’époque notre attaquant-milieu-ailier-latéral, n’a pas pu monter une seule fois dans la moitié adverse. Ils avaient tout le temps le ballon. » L’Inter se retrouve enfermée dans une cage en compagnie de fauves affamés.

La der’ du Mage

Au coup de sifflet final, les Lions de Lisbonne terrassent le modèle tactique de ces dernières années, les héros se nomment Tommie Gemmell et Stevie Chalmers. L’Inter, elle, attendra 2010 pour soulever à nouveau la coupe aux grandes oreilles, au grand dam de Burgnich. « La vérité, c’est que Luis Suárez était blessé pour la rencontre. C’était lui, l’homme qui faisait la différence dans notre jeu, c’était notre arme en plus. Il lançait nos contre-attaques, il conservait le ballon, il donnait de la couleur à notre jeu. On a ouvert le score, mais sans lui, c’était très difficile de sortir de notre propre camp. Et leur ailier droit, Johnstone, il nous faisait des dribbles extraordinaires… On s’est fait assiéger. » Tandis que les Écossais sont portés en triomphe jusqu’à Glasgow et réalisent un triplé inédit Coupe d’Europe-championnat-coupe nationale, le Mundo Deportivo voit dans ce succès du Celtic la fin du règne de la stratégie défensive. « C’était inévitable. Tôt ou tard, l’Inter d’Herrera, celle du catenaccio et des victoires courtes, devait payer le prix de son refus de jouer un football divertissant. » Icône du club, le Mage Helenio terminera sa dolce vita milanaise l’année suivante, et son empreinte restera à jamais ancrée dans le football italien. Euphorique, le Celtic gardera cette date comme sa parole d’évangile. C’était la victoire d’un autre temps. C’était en 1967.

Par Markus Kaufmann et Antoine Donnarieix

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