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Chiellini ou les vertus du génial salopard

Par Ugo Bocchi
Chiellini ou les vertus du génial salopard

Aujourd'hui, le monde se divise en deux catégories. Ceux qui exècrent l'antijeu, le sale boulot, et Chiellini. Et ceux qui le comprennent cautionnent et connaissent le sens du mot « loyauté ».

Mercredi soir dernier. Louis-II se vide et regagne son silence habituel. L’expérience a vaincu ce soir. Le vice aussi. Le tableau d’affichage est encore allumé. Et l’on voit toujours ce double zéro pointer le bout de son nez. Un double zéro au goût terriblement amer. Celui de l’élimination sans la défaite. Les valeureux ont la désagréable sensation d’être passé à côté de quelque chose. Mais quoi ? Ils n’en savent rien. La porte leur était grande ouverte. Il y avait « largement la place » pour y entrer. Et pourtant, rien. Le néant. Le double zéro. C’est en fermant les yeux, en y repensant un peu plus fort, que l’on voit d’abord apparaître une main, une semelle, une hanche, puis un nez, un roc, une péninsule. Les Monégasques ne sont pas passés à côté de quelque chose ce soir. Ils sont passés à côté de quelqu’un. Giorgio, l’affranchi, l’homme de l’ombre, celui qui ne se pose pas la moindre question quand il faut se salir les mains. C’est plus fort que lui. C’est inné.

Le masque et la plume

Quand il débarque à la Juve, en 2005, Giorgio fait vœu d’allégeance. La famille et rien d’autre. Il est prêt à tout pour la Vieille Dame. Et le sens du devoir prend le dessus sur sa raison. Il lui sacrifie d’ailleurs son nez à plusieurs reprises. Désormais, Giorgio apprend à travailler dans l’ombre. Masque sur la tête, sourire de façade et toujours à l’abri du regard. Le regard. Le seul qui compte. Celui de l’autorité. Les spectateurs voient, ils ne décident pas. L’homme en jaune en revanche, n’a que deux yeux, faillibles, et c’est toujours lui qui finit par trancher. Peu importe ce que le peuple pense de lui, tant qu’il y a moyen d’esquiver sa sentence. La technique de Giorgio se rode. Il assimile les rudiments de la filouterie. Parler, discuter, négocier avec la justice est un art. C’est un pouvoir. Giorgio peut tomber le masque et se dévoiler tel qu’il est. Malicieux, vicieux, parfois ignoble, mais toujours loyal. C’est ainsi que Giorgio devient le meilleur soldato de la Botte.

Plus fort que Jesus

La consécration, pour lui, vient au moment de prendre la place de Materazzi dans la grande famille. Il remplace le meilleur, sans aucun doute, dans ce domaine. Giorgio a gravi les échelons. Il a le monde en dessous de lui. Les autres le dévisagent, le craignent et nombreuses sont ses victimes. Mexès, Cristiano Ronaldo et même un homme répondant au nom de Jesus. Juan Jesus. Un homme ayant voulu s’attaquer au mal incarné il y a deux années de ça. Un homme qui a dû se murer dans le silence depuis. L’ascension de Giorgio n’en finit plus et plus personne n’ose le défier. À part peut-être ses semblables. Ils ne sont pas beaucoup sur cette Terre à aimer le sacrifice, la loyauté plus que leur propre image. Suárez fait partie de cette race. Et le 24 juin de l’année 2014 verra l’affrontement de ces deux magnifiques salopards. Pas vraiment de vainqueur ce jour-là, Giorgio préférant entraîner son égal dans sa chute. Une morsure et une élimination pour l’un, une expulsion et un mise à l’écart pour l’autre. Giorgio n’a pas gagné, il n’a pas tout perdu non plus. Sa cicatrice sur l’épaule grave à jamais en lui le souvenir de la désillusion. Il n’en reviendra que plus fort.

Le vice à l’état pur

« On a gagné moche, mais c’est l’Italie. » Ces mots sont de Patrice Évra après le double zéro et ils n’ont pas été choisis par hasard. Au jeu du « Qui est-ce ? » , il ne resterait plus que deux cartes relevées : Tévez et Chiellini. La vérité se rapproche. On est sur la bonne piste. En fermant les yeux, en y repensant un peu plus fort, on voit d’abord cette main. Une glissade précoce et puis cette main qui confisque le ballon ouvertement, aux yeux de tous. Un geste de cour de récréation. Le vice à l’état pur. Et puis on voit un sourire de Joconde, une petite tape de Bonucci sur sa tête, l’air de dire : « Bon boulot » . On voit ensuite une semelle. Une balle dans le pied du plus dangereux adversaire du soir, Moutinho, trop gentil pour se rebeller. On voit encore une hanche. Kondogbia pris en panino dans la surface de réparation. L’homme en jaune n’y voit que du feu. C’est normal, Giorgio est dans l’ombre. Et l’on voit finalement ce double zéro et la Vieille Dame passer sans gagner. Aucun but, la carte de Tévez se retourne d’elle-même. Il ne reste plus qu’un seul suspect, qu’un seul coupable : Giorgio. La Terre entière a beau le pointer du doigt, les preuves ont beau être irréfutables, l’impunité plane toujours au-dessus de Louis-II. En rentrant aux vestiaires, la Vieille Dame a le triomphe modeste et personne ne célèbre Giorgio, ce bras droit, ce mec qu’il vaut mieux avoir dans ton camp que contre toi, cet homme prêt à tout, prêt à franchir les limites du raisonnable pour la gloire. Non, pas de ça. Le célébrer serait un aveu.

Par Ugo Bocchi

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