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Mustapha Dahleb : « Nous sommes l’équipe à battre »

Propos recueillis par Christophe Gleizes
8 minutes
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Élu meilleur joueur algérien de l'histoire en 2001, Mustapha Dahleb décrypte les chances des Fennecs à l'orée de la CAN. Dans un style précis et incisif, comme il l'était sur le terrain, il en profite pour revenir sur son glorieux passé, fait de Coupe du monde 1982 et de victoires au PSG.

Bonjour Mustapha, comment allez-vous ?

Ça va, ça va, merci. Je me repose à Alger, j’y retourne assez souvent. J’ai un genou qui me tracasse, un vestige de mes années antérieures. Mais bon, on vit avec (rires). Depuis ma retraite, je ne peux plus vraiment jouer au foot ; d’autant plus qu’ils ont agrandi les terrains et que le ballon est devenu plus lourd, donc vous voyez, il ne faut pas forcer.

Comment est l’ambiance dans la capitale, à la veille d’affronter l’Afrique du Sud ?

Pour tout vous avouer, c’est assez calme pour le moment. Les supporters sont plutôt enclins à respecter l’équipe adverse, qui s’est brillamment qualifiée en demeurant invaincue. On est dans l’expectative.

Selon vous, quelles sont les chances de l’Algérie à l’orée de cette CAN ?

À la vue de notre prestation lors de la Coupe du monde, je pense que nous sommes appelés à confirmer. Clairement, l’équipe d’Algérie est candidate à la victoire finale, mais ce que l’on demande avant tout, c’est une confirmation. C’est une étape du cheminement qui doit nous amener à toujours plus progresser.

Il est assez rare néanmoins de voir le favori triompher à la CAN…

Certes, il y a d’autres grandes équipes, mais notre nouveau statut doit nous pousser à confirmer, c’est ça le challenge. Je souhaite que nous fassions une bonne compétition, car cela voudrait dire que nous sommes toujours en phase de développement et que nous continuons à gagner.

Pour la deuxième fois après 1990, l’Algérie semble armée pour remporter la compétition. Êtes-vous d’accord pour dire que l’équipe semble plus mûre qu’il y a deux ans, quand ils ont été éliminés dès le premier tour malgré des efforts évidents pour proposer du beau jeu ?

Vous savez, j’ai été un des rares à les défendre à l’époque : à mes yeux, c’était une véritable injustice d’être éliminés au premier tour. J’avais beaucoup apprécié le rythme que l’équipe avait réussi à imposer lors des matchs de poule. Seulement, on a manqué de réalisme devant le but. Il faut le dire aussi, l’arbitrage avait été à sens unique.

Partant de là, vous n’avez pas été étonné par le niveau affiché lors de la Coupe du monde ?

Si, au contraire, j’ai été sincèrement surpris. On a véritablement franchi un cap dans l’abnégation. On a été à la hauteur contre l’Allemagne, franchement, on ne pouvait pas dire qui était qui. J’en viens encore à regretter les deux occasions de Ghoulam et Feghouli… (soupir) C’était un des plus beaux matchs de la compétition, cela aurait pu être la finale.

Depuis, les performances n’ont pas faibli puisque l’équipe s’est qualifiée grâce à cinq victoires d’affilée, ne concédant une défaite que lors d’un dernier match sans enjeu face au Mali…

Oui, j’ai suivi les matchs, c’était bien… Je pense néanmoins que là, ça sera un autre niveau, il faut relativiser. Cela n’aura rien à voir. Le vrai défi commence aujourd’hui…

Quels sont les points forts de l’Algérie ?

Ce qui fait vraiment mon admiration, c’est l’état d’esprit qui anime cette équipe. J’aimerais beaucoup qu’elle parvienne à le garder, ça serait une grande satisfaction. Sinon, on sait que techniquement on est bons, il y a plusieurs joueurs de haut niveau dans la sélection. Le côté positif qui m’a surpris, c’est surtout l’aspect physique, sur lequel on a beaucoup progressé. Lors de la Coupe du monde, les joueurs ont tenu tous les matchs et la prolongation, je souhaite qu’ils surfent là-dessus.

Avez-vous un faible pour un joueur en particulier ?

Ah oui, moi, je suis très content de l’évolution de Yacine Brahimi. Je le connais depuis tout petit, j’allais le voir jouer à Vincennes quand il avait 10 ans. Je suis très heureux de le voir passer un cap aujourd’hui. Ce que j’aime chez lui, c’est que c’est un joueur imprévisible… C’est ce qui fait le charme du football. Son petit côté dribbleur n’est pas pour me déplaire non plus (rires). Il a connu une très belle évolution, il a passé les paliers un à un, pris du volume physiquement, et puis maintenant il marque des buts et sait se montrer décisif dans la zone de vérité. C’est un joueur complet.

Et Sofiane Feghouli ?

Feghouli, on le connaît depuis plus longtemps. C’est bien, on a besoin de plusieurs leaders… Plus vous avez de leaders sur le terrain, mieux c’est. De plus en plus de joueurs jouent dans les plus grands championnat, ce qui n’a pas toujours été le cas, c’est bien, le niveau progresse.

Selon vous, quels sont les points faibles qui restent à améliorer ?

On a un problème dans l’axe central de la défense, qui commence à prendre de la bouteille… Mais la préparation a été positive, ils ont su pallier le problème grâce à un travail remarquable. Si on arrive à garder le même esprit, tout est possible. Comme d’habitude, je suis optimiste.

Selon vous, quel est l’adversaire le plus redoutable du groupe ?

Je ne crois pas qu’il faille en détacher un en particulier. (silence) Le Ghana, l’Afrique du Sud, le Sénégal… Je crois que tous les adversaires sont à prendre très au sérieux, d’autant plus qu’ils vont décupler leur volonté contre nous. Le challenge pour l’Algérie, c’est de confirmer et de conforter son statut de mondialiste. Nous sommes l’équipe à battre.

C’est vraiment le groupe de la mort…

On doit s’attendre à une forte opposition lors de tous les matchs, mais c’est bien, justement, ça veut dire que plusieurs grosses équipes seront éliminées rapidement. De toute façon, on vit pour les grands matchs et pour les grands résultats.

Que pensez-vous de l’arrivée de Christian Gourcuff à la tête de l’équipe ?

En préambule, je dois avouer que je n’ai pas bien compris pourquoi Vahid Halilhodžić était parti. Je regrette sincèrement son départ, il avait fait du bon travail. Concernant Christian Gourcuff, c’est un nouvel entraîneur, il faut lui laisser du temps, il a bien entamé sa démarche. Je lui souhaite de continuer. Chaque entraîneur est unique, il amène sa touche personnelle. Je trouve qu’il est plus diplomate, un peu moins « coach Vahid » (rires), il arrive à faire passer ses messages. Le vrai souci, c’est que pour lui tout est nouveau, c’est une compétition qu’il va découvrir.

Sur un plan plus personnel, quel est votre meilleur souvenir avec la sélection ?

Forcément, je crois que c’est le match contre l’Allemagne en 1982. C’était la première fois que nous battions une très grande nation du football en match officiel. Le fait que ce soit à la Coupe du monde n’a fait que renforcer la joie. Mais c’est aussi une grande déception en même temps, puisqu’après nous nous sommes fait sortir lamentablement. J’ai éprouvé beaucoup de plaisir lors de la compétition, mais pour moi, avec le recul, c’est un véritable échec. Je parle d’échec, et non pas de déception, car c’est essentiellement de notre faute. Notre élimination, on ne la doit à personne d’autre.

Il y a pourtant eu le « match de la honte » entre l’Autriche et l’Allemagne pour vous éliminer…

Certains parlent de match arrangé entre l’Autriche et l’Allemagne, mais pour moi, on aurait dû se mettre à l’abri bien avant. Pour avoir assisté au match, à l’époque, je n’accepte pas quand on dit que les Allemands et les Autrichiens se sont mis d’accord. J’étais au stade, les Allemands ont joué un très beau football pendant 25 minutes, ils ont poussé pour marquer, et c’était mérité. Après ça devient un non-match, c’est vrai, car cela arrangeait les deux équipes… Mais je ne crois pas au fait qu’ils se soient retrouvés dans un café pour décider du score. Nous sommes les premiers responsables de l’élimination.

En 2001, vous avez été élu meilleur joueur algérien de tous les temps. Pourquoi êtes-vous resté bloqué à seulement 20 sélections ?

Vous savez, dans les années 70 en Algérie, on n’appelait pas vraiment les professionnels. On m’a appelé par accident en 1977 et après il a fallu attendre les années 1980 pour être sélectionné régulièrement. C’était la politique du pays, on appelait pas les pros, on jouait essentiellement avec les ressources intérieures. Il a fallu attendre les années 1980 pour voir une vraie politique à la Fédération, c’est dommage.

Pour finir, impossible de faire une interview de vous sans un dernier mot sur le PSG…

L’équipe semble avoir du mal à suivre la courbe ascendante de l’année dernière. La dynamique est moins bonne… Hier (dimanche, ndlr), j’ai vu qu’ils avaient gagné contre Évian (4-2), c’est bien, j’espère qu’ils vont repartir du bon pied en championnat. Mais ça va être dur en Champions league. L’année dernière, je trouvais que Chelsea était l’équipe la plus prenable en quarts de finale, ils ont échoué de peu, ils étaient tout proches. Cette année, pour la revanche, Chelsea semble bien meilleur, alors que le PSG est moins bien. Il faudra un grand PSG, mais le club a toujours eu l’objectif de répondre présent dans les grands rendez-vous.

Zlatan Ibrahimović va bientôt vous dépasser au nombre de buts inscrits sous le maillot du club. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

On ne peut pas comparer les équipes et les époques, mais je suis content qu’il y ait de grands joueurs au club. À mon époque, on n’allait pas loin en Coupe d’Europe, il fallait déjà se qualifier. Il n’y avait pas la Coupe de la Ligue non plus (rires). Personnellement, je ne me suis jamais considéré comme un buteur, j’ai joué attaquant pendant trois ans, puis je me suis stabilisé au milieu de terrain. On ne peut donc pas vraiment comparer, mais je suis content de voir un grand champion comme Ibrahimović évoluer au PSG. Je lui souhaite encore de marquer 100 buts ! Quel dommage qu’il soit déjà si âgé… Des joueurs comme lui, on aimerait les voir jouer pour l’éternité.
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Propos recueillis par Christophe Gleizes

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