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PAOK : Athènes, moi non plus

Par Julien Duez
PAOK : Athènes, moi non plus

Cela faisait trente ans qu’un club non-athénien n’avait plus été sacré champion de Grèce. Dimanche, dans son antre infernale de la Toumba, le PAOK Salonique a relégué cette statistique aux oubliettes. Et remporté une couronne qui lui échappait depuis 1985.

Il y a tout juste une semaine, on était à deux doigts de vivre un moment hautement symbolique dans l’histoire du football grec. Le PAOK Salonique, leader provisoire de Superleague, se déplaçait sur la pelouse de l’AEL Larissa, anonymement cachée à la dixième place. Sauf qu’en 1988, le club des bords du fleuve Pénée ne le sait pas encore mais il devient – jusqu’à aujourd’hui – le dernier club non-athénien à remporter le championnat national. Une saison bizarre, au terme de laquelle les frères ennemis que sont le Panathinaïkos et l’Olympiakos ne terminent même pas à l’intérieur du Top 4. Dès l’année suivante, les pendules sont remises à l’heure. Et l’heure tourne au rythme de la capitale. Pendant trois décennies. Trois décennies pendant lesquelles le Pana enlève six titres, contre cinq pour l’AEK et vingt pour le tout puissant Olympiakos.

La suprématie athénienne était alors totale. Jusqu’à ce dimanche 14 avril, lorsque le PAOK arrive dans la peau du seul club invaincu de première division. En 28 journées, ce qui mérite un sacré coup de chapeau. Avec l’Olympiakos dans ses talons malgré tout, le Dikefalos (l’aigle bicéphale, en VF) avait impérativement besoin d’une victoire. Facile, sur le papier. Plus compliqué, en réalité. Malgré l’ouverture du score signée Dimitrios Pelkas, le Macédonien (du Nord) Nikola Jakimovski égalise dans la foulée pour Larissa et retarde le sacre annoncé du PAOK. Tant mieux au fond, se dit-on. Car à cause du statut « à risque » du match, les supporters noir et blanc étaient interdits de déplacement. Un triomphe devant un parcage fermé aurait quelque peu gâché la fête. Mais une semaine plus tard, le dimanche 21 avril, le PAOK recevait Levadiakos dans une Toumba pleine à craquer. Pour une deuxième chance en conditions optimales.

Déluge de feu et torrent de larmes

Hasard du calendrier, la veille du match, le club fêtait son 93e anniversaire. Une bougie de plus pour les Thessaloniciens qui, depuis leur fondation en 1926, n’ont soulevé que deux titres de champion de Grèce. Un camouflet pour la deuxième ville du pays, mais une illustration supplémentaire de la puissance absolue des clubs de la capitale. Dans les rues de la ville, la nuit précédent le coup d’envoi, le ciel noir comme de l’encre s’embrase sans crier gare : feux d’artifices, fumigènes et autres engins pyrotechniques se chargent de donner un avant-goût de la fête qui attend les supporters le lendemain.

Sur les coups de vingt heures, heure locale, les 22 acteurs font leur entrée sur le gazon de la Toumba. Levadiakos, c’est presque un cadeau. Le club de Béotie est déjà relégué en D2 et n’a donc plus rien à jouer, si ce n’est le fait d’être la première équipe à faire tomber le PAOK cette saison. Mais le suspense ne dure pas longtemps. Trois minutes, très exactement. À ce moment-là, Yevhen Shakhov débloque le compteur des siens. La Toumba s’embrase. Les pétards accompagnent les tambours qui rythment les chants des ultras. Lorsque l’ancien Feyenoorder Diego Biseswar fait le break cinq minutes plus tard sur penalty, la Toumba explose de joie. Et le fait que Dimitrios Pelkas manque un nouveau penalty à la demi-heure de jeu n’y change rien. Parce que rien, c’est justement ce que propose Levadiakos en face. La hiérarchie est respectée. À la mi-temps, les visiteurs ne sont pas parvenus à tenter une seule frappe.

A la croisée des chemins

La suite ? Elle est encore plus folle. S’il y avait des cardiaques dans les gradins, on se demande comment ils ont fait pour sortir vivant de ce déluge tout feu tout flamme. Pendant que Levadiakos arrive finalement à tirer deux fois, Shakhov se paye un doublé tandis que Fernando Varela et Karol Świderski apportent leur pierre à l’édifice de cette manita en bonne et due forme. Et parce que chaque triomphe est forcément accompagné de quelques larmes, le match n’échappe pas à la règle.

Lorsque Pelkas, capitaine d’un jour, sort dans le temps additionnel, c’est au profit de Vieirinha, titulaire habituel du brassard et qui s’apprête à trottiner quelques instants sur la pelouse de son arène en dépit d’une déchirure des ligaments croisés contractée lors du déplacement à Larissa. La folie dans sa forme la plus pure. Les larmes qui coulent sur le visage du Portugais, arrivé pour la première fois au PAOK en provenance de Porto il y a onze ans, ne sont pas des larmes de douleur. C’est tout le contraire. D’ailleurs, lorsque l’arbitre siffle la fin de la partie, celles qui roulent sur les joues des spectateurs n’ont rien à voir avec les fumigènes qui n’en finissent pas de se consumer. Seuls ceux qui sont trop fiers pour admettre leur émotion prétendront le contraire.

Une juste récompense

En même temps, n’importe quel individu normalement constitué ne peut rester insensible au fait que son club comble un vide de très exactement 34 ans sans titre national. Et pourtant, le succès du PAOK n’est en rien dû au hasard. Plutôt à un travail sérieux entamé tout d’abord en 2012, avec l’arrivée du « Russe » Ivan Savvidis au poste de président. Du haut de sa fortune estimée à 600 millions de dollars, l’homme investit massivement dans la région. Au PAOK, il assainit les finances et lui permet ainsi de prendre un nouveau départ après des années de disette. Preuve en est avec la Coupe de Grèce, remportée coup sur coup en 2017 et 2018 (sans oublier une troisième finale consécutive qui se disputera mercredi prochain face à l’AEK), la deuxième par l’homme fort du banc thessalonicien : Răzvan Lucescu.

Lorsque le Roumain débarque au PAOK en provenance du Skoda Xanthi, il s’agit d’une progression logique pour le « fils de » . Lequel compte dix années d’entraîneur à son actif, toutes passés dans des clubs de son pays, du Qatar et de Grèce. Pour sa première à Thessalonique, il termine à la deuxième place du classement, à six points de l’AEK.

Des exploits à la pelle et à venir

Le bilan peut paraître honorable, mais il est entaché de nombreux incidents extra-sportifs. À commencer par la sortie remarquée d’Ivan Savvidis sur le terrain, une arme à la ceinture, lors de la confrontation décisive du PAOK face au futur champion. Le président entendait manifester son mécontentement face aux décisions du corps arbitral, il a finalement écopé de trois ans d’interdiction de stade. Ce qui l’a donc forcé à vivre le sacre de son club depuis l’extérieur de la Toumba.

En revanche, les deux points retirés par la fédération au PAOK en début de saison – conséquence sportive de cet incident – ne l’ont pas empêché de survoler la concurrence. La dernière fois qu’un club avait terminé la saison invaincu, c’était en… 1964. Il ne reste plus qu’un petit match au Dikefalos pour faire tomber un nouveau record. Et encore deux titres de champion à gagner pour imposer définitivement sa suprématie sur la ville de Thessalonique, où domine encore le rival de l’Aris en terme de palmarès. Mais ça, c’est une autre histoire et elle peut attendre encore un peu. Pour l’instant, il y a encore une petite sauterie en cours aux abords de la Toumba. Elle est loin d’être terminée.

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