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On était au match Planète Rap à Bobigny

Par Arthur Charlier et Mathias Edwards, à Bobigny
5 minutes

Dimanche 11 juin avait lieu la deuxième édition du match Planète rap, opposant rappeurs et streameurs, dans le but de récolter des fonds pour la Fondation Abbé-Pierre qui lutte contre le mal-logement. L'affaire se déroulait au stade Auguste-Delaune de Bobigny, qui n'avait jamais autant tremblé.

On était au match Planète Rap à Bobigny

Il est un peu plus de 17h lorsqu’un jeune Balbynien s’attaque à la haute barrière blanche qui entoure le stade Auguste-Delaune. Son but ? Rencontrer des stars, qu’ils soient rappeurs ou streameurs, qui viennent de s’affronter sur le synthétique habituellement réservé aux rencontres du FC 93. Le bambin passe une jambe, puis deux, jette un œil vers les agents de sécurité et pense l’affaire réglée. Le courageux entame sa course vers la terre promise foulée par ses idoles, avant de se faire rapidement intercepter et tirer les oreilles par un policier municipal, qui le ramène au milieu de la horde de garçons et de filles de son âge qui piaillent sur le trottoir. Parmi eux, on retrouve Lily, Lana, Awa et Bintou, 13 et 14 ans, maillot du FC 93 sur les épaules, qui ont jeté leur dévolu sur les rappeurs Beendo Z, Lyna Mayhem, Favé et Kerchak, qui a « un style et un univers à part avec sa cagoule », déroulent en chœur les ados qui rêvent de prendre la pause avec le roi de la « Jersey drill » à la française. Quatre artistes qui, comme leurs coéquipiers et adversaires influenceurs, ont pris leur dose d’applaudissements à l’annonce de leurs noms avant cette fameuse rencontre qui fut aussi pauvre techniquement que riche socialement.

Des invités de haute volée

Les joueurs sont encore aux vestiaires, en train de se préparer en fumant et en buvant un dernier coup avant le coup d’envoi, pendant que Fred Musa, animateur sur Skyrock et parrain de l’opération, prépare son live Twitch. Un peu plus loin, ce sont les lunettes rectangulaires d’Yves Colin, le directeur de la communication de la Fondation Abbé-Pierre, qui font leur apparition. Selon l’homme qui a pensé l’événement pour la seconde fois, « on a besoin de raconter ce qu’il se passe dans notre pays concernant le mal-logement en cherchant un public jeune et accessible grâce à ces invités ». Montrer l’exemple, c’est aussi ce que souhaite la députée de Bobigny, Raquel Garrido, debout dans les tribunes, entourée de jeunes qui hurlent et courent dans les travées étroites. Malgré le brouhaha, l’élue explique ses motivations : « Il y a aujourd’hui en Seine-Saint-Denis 140 000 demandeurs de logements qui sont en souffrance. Je trouve très important que la fondation Abbé-Pierre utilise tous les moyens de la radio Skyrock pour sensibiliser les jeunes à la cause. » Ce dimanche, ce sont les joueurs qui veulent aussi faire passer ce message, eux qui se profilent derrière la fumée du barbecue et l’amas de personnes prêtes à dégainer un stylo pour faire signer leurs maillots.

Un match niveau C1

Il est 15 heures, lorsque la rappeuse Doria donne le coup d’envoi sous les vivats du public qui répond au speaker. « Ici c’est ? Bobigny ! Ici c’est ? Bobigny ! ». Quelques secondes suffisent à Vargas, bien poussé par les supporters, pour se jouer de la défense adverse et ouvrir le score pour les streameurs. Les rappeurs égalisent dans la foulée grâce à une frappe d’ISK qui finit dans le petit filet. Quand les uns jouent, les autres s’amusent et en profitent pour créer des liens « C’est vraiment cool, tu fais des bonnes rencontres et tu fais kiffer les copains », explique Ilyes, créateur de contenu sur TikTok. De l’autre côté du terrain, Farès Salvatore, l’humoriste des réseaux, plaque Beendo Z sous les applaudissements des gradins, visiblement très heureux de voir ce genre de spectacle, tandis qu’Hatik, qui a décidé de jouer torse nu, profite que le ballon soit loin de lui pour tirer sur une chicha. En tribunes, si c’est la folie pour la multitude d’ados présents, Renaud est beaucoup plus calme. Confortablement installé, ce père de famille de 56 ans en profite pour consulter ses mails. « Je suis là pour mes filles de 15 et 18 ans, souffle le résidant d’Aulnay-sous-Bois. Je ne suis pas sur les réseaux sociaux et là, j’attends que ça se termine. Je ne sais même pas où est passée ma fille aînée. »

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Renaud n’a probablement pas vu The Dvrko ajuster le gardien des rappeurs. Pas question pour le jeune homme aux 4,5 millions d’abonnés sur TikTok d’imiter une célébration connue du grand public. Il s’élance plutôt dans les airs et tournicote. Ce que les amateurs d’arts martiaux acrobatiques appellent un side-swap, enseigne le principal intéressé, avant de lancer qu’il « rêve, de faire des films type Bruce Lee ou Jackie Chan ». À la mi-temps, Lilia, la juge de touche de 42 ans, en profite pour prendre des selfies avec tout ce qui bouge. « C’est toujours un plaisir de venir à ce type d’événement, explique l’arbitre du district 93. On rend service au club, mais aussi on est touché personnellement par ce qui se fait, quand il s’agit de la solidarité, des événements caritatifs» Côté foot, les streameurs ont réussi à faire la différence et personne n’a foi en un retour des rappeurs. Bichou, qui joue avec son célèbre bob, pronostique un « 8-2 facile », tandis que pour Mamad, « on leur en remet cinq et on prend deux, histoire de… » Mais c’était compter sans le duo d’attaque composé de Beendo Z et SLK, qui réussit à ramener son équipe à 8-7 avant le coup de sifflet final. Le score sera finalement ramené à 8-8, à la suite d’une pénalité infligée aux créateurs de contenu qui avaient trompé la vigilance d’Hassan, l’arbitre central, en jouant à 12 en deuxième période. Peu importe le score, Hamidou, 12 ans, résume bien l’affaire : « Rappeurs, streameurs, je suis venu pour voir tout le monde. Je voulais être là parce que c’est pas ce qu’on voit tous les jours à Bobigny. »

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