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Melody Donchet : « En foot freestyle, il n’y a pas de niveau maximum »

Propos recueillis par Jérémie Baron
Melody Donchet : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>En foot freestyle, il n&rsquo;y a pas de niveau maximum<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Ce week-end, la championne de football freestyle a conservé son titre au Red Bull Street Style : un quatrième succès dans la compétition, et un sixième trophée mondial pour l'esthète française. Entretien avec une acrobate passée à côté d'une carrière en foot à onze, qui a appris à jongler à dix-sept ans et a laissé un genou sur la scène d’Incroyable Talent.

Tu t’attendais à conserver ton titre cette année ? Pas du tout ! Je n’ai jamais l’espoir de gagner, je ne me considère pas comme la meilleure freestyleuse, j’ai un gros manque de confiance en moi. Les gens pensent que je vais gagner tous les ans, mais personnellement j’ai vraiment peur. À tel point que depuis une semaine je ne mange plus, j’ai perdu plus de deux kilos. Je dors mal, je suis très stressée avant une compétition, ce week-end j’ai failli abandonner, j’avais mon binôme Andreas avec moi et c’est lui qui m’a soutenue. Je pleure juste avant : là c’était avant la finale, même si ça ne s’est pas vu. Et sur le moment, sur la battle, je reprends mes esprits et je me donne à fond. Je déteste les compétitions. (Rires.) Je ne fais pas ça pour être jugée, quand j’ai commencé c’était pour faire plaisir aux gens et transmettre ma passion aux jeunes, leur apprendre le freestyle.

Tu t’étais pourtant blessée il y a quelques mois. Ça ne t’a pas pénalisée ?Je me suis blessée il y a huit mois, aucun médecin n’a trouvé ce que j’avais, je me suis déplacé à Marseille trois jours avant la compétition pour voir un nouveau spécialiste et il m’a dit que j’avais le ménisque du genou droit bloqué depuis huit mois. Il me l’a débloqué, ce qui m’a réduit les douleurs, mais ça n’était pas le top, c’est pour cela que j’avais mis une sorte de patch anesthésiant pendant la compétition. Mais avec l’adrénaline, on ne pense plus à la douleur.

Covid oblige, la compétition se faisait cette fois en live par vidéo. Est-ce qu’on ne perd pas un peu l’essence de cette discipline assez spectaculaire ?C’est ce que je me suis dit quand Red Bull m’a contactée pour remettre mon titre en jeu, en m’expliquant le fonctionnement de cette année. Bizarrement, j’ai eu beaucoup plus de stress que les autres années. L’organisation était très bien faite, on se croyait sur scène, la seule chose qui changeait, c’est l’absence de public.

C’est la seule compétition pour laquelle je pleure à chaque fois que je gagne. C’est la seule qui me met une pression énorme même deux mois avant. J’ai vraiment une rage quand je la joue.

C’est ton quatrième Red Bull Street Style, mais tu comptes au total six titres mondiaux. À quoi correspondent les deux autres ? Est-ce que tous ces titres se valent ?Ce sont des sponsors différents, il y a d’autres championnats du monde au cours de l’année. Il y a le Superbowl qui a lieu tous les ans en août à Prague, championnat ouvert à tous, créé par un freestyleur tchèque il y a une dizaine d’années et qui a grossi d’année en année. Ensuite, c’était le F3 World Tour, trois semaines après mon deuxième Red Bull à Londres. Pour moi, le RBSS vaut beaucoup plus que tous les autres, j’y participe tous les ans et j’ai à chaque fois terminé première ou deuxième.

Elle se passe comment, cette compétition ?Cette année, il y avait quatre étapes de qualification, je suis arrivée à la dernière. Il y a des thèmes à chaque étape, et là, ils ne jugeaient que la créativité. Ensuite, il y a des battles de trois minutes, comme en breakdance, avec des passages de trente secondes chacune, pas une seconde de plus.

Tu es la plus titrée de cette compétition, hommes et femmes confondus. Tu as décidé que cette compétition était ta chasse gardée ?C’est la seule compétition pour laquelle je pleure à chaque fois que je gagne. C’est la seule qui me met une pression énorme même deux mois avant. J’ai vraiment une rage quand je la joue, et ça se voit, moi qui suis timide et réservée. Les autres freestyleuses peuvent penser que je suis une rageuse, mais c’est ma façon de relâcher la pression.

On dit que le foot freestyle est un mélange d’acrobatie, jongle et gymnastique. Comme tu le définirais, toi ?C’est un sport libre, on s’exprime comme on veut, c’est ce que j’aime dans ce sport. Il n’y a pas d’entraîneur, on s’entraîne où on veut, quand on veut. On n’a pas besoin de beaucoup d’espaces : aux championnats du monde ce week-end, notre carré ne faisait que trois mètres sur trois mètres. On rencontre énormément de freestyleurs dans le monde, c’est une petite communauté, on se connaît tous.

Tu es obligée de te réinventer de compétition en compétition pour proposer quelque chose de différent à chaque fois ?C’est le but. Tous les ans, il faut sortir de nouveaux gestes. La concurrente face à qui j’avais gagné le Red Bull l’an dernier (la Polonaise Agnieszka Mnich, N.D.L.R.) avait dit en interview que j’avais fait la même chose que l’année précédente, et elle avait raison d’un côté. Cette année, j’ai voulu montrer que même malgré ma blessure et mon âge, j’avais de nouveaux gestes, et dans chacun de mes passages, j’ai montré un nouveau geste que je n’avais jamais sorti en battle.

Tu as fait du foot à onze, mais une rupture des ligaments croisés t’a écartée des terrains. Tu aurais pu faire une carrière pro dans le foot ?C’était mon but. Au moment où je me suis blessée, j’avais fait partie des seize meilleures de ma région, j’avais disputé la coupe nationale, l’entraîneur de l’équipe de France des 17 ans scrutait ce que je faisais. Je pense que j’avais un avenir professionnel, mais je ne regrette pas du tout d’être partie vers le freestyle à dix-neuf ans.

J’ai inventé beaucoup de variations d’un geste qui existe déjà et s’appelle le « Yosuke stall ». Lors de la finale, je l’ai fait deux fois d’affilée au premier round.

Tu avais déjà une bonne base technique au moment de te lancer ?Pas du tout. Quand j’ai fait les détections régionales à seize ans, on avait des tests, et en jonglage, j’ai fini avant-dernière, je ne savais pas jongler. J’ai vraiment commencé de zéro, je savais simplement poser la balle sur ma nuque. Je me suis entraînée huit heures par jour et j’ai vu que j’avais des facilités pour apprendre les gestes de base. Au début, je me cachais, je m’entraînais dans mon jardin, même ma mère ne savait pas que je faisais ça avec le ballon. J’ai mis une première vidéo sur Internet, j’ai eu quelques félicitations de freestyleurs confirmés, j’ai vu que je progressais très vite et je n’ai jamais lâché. Encore aujourd’hui, je me dis que je peux encore m’améliorer, et c’est comme ça pour tous les freestyleurs : il n’y a pas de niveau maximum. Parfois, on a l’impression qu’il n’y a plus rien à inventer… Mais par exemple, samedi, les garçons ont encore réalisé des gestes jamais vus.

Il y a des gens qui t’ont inspirée, dans ta discipline ?J’ai commencé avec un DVD de freestyle football, qui est sorti en 2006 ou 2007. Dedans, il y avait Sean Garnier et quelques membres de la Team S3 dont je fait partie aujourd’hui : Djiminho, Bambiball… Je les ai connus en 2009 et j’ai intégré le groupe en 2010, ça a été très rapide. On est presque le pays dans lequel on trouve le plus de freestyleurs.

Avec Sean Garnier, tu as notamment participé à l’élaboration du jeu Street Power Football, sorti en août. Tu peux nous en parler ? C’était incroyable. On a fait de la motion capture pendant deux jours à Prague, on a fait nos gestes : le but de Sean était de prendre des freestyleurs qui ont leur « signature move », grâce auquel on va les reconnaître dans le jeu même si on ne voit que les jambes. Je ne pourrai jamais assez remercier Sean pour tout ce qu’il a fait pour moi depuis dix ans.

C’est laquelle, ta signature ?Je n’ai pas un move à moi, mais j’ai inventé beaucoup de variations d’un geste qui existe déjà qui s’appelle le « Yosuke stall » , c’est un Japonais qui l’a inventé. C’est ce qui fait ma signature. Pour le décrire, c’est quand je suis au sol, avec la cheville sur le côté et le ballon sur la semelle. Lors de la finale, je l’ai fait deux fois d’affilée au premier round.

Quand est-ce que tu as eu le plus la pression, au Red Bull Street Style ou sur la scène d’Incroyable Talent, émission à laquelle tu as participé l’an dernier ? À Incroyable Talent, le stress est venu au tout dernier moment, avant de monter sur scène, je ne voulais plus le faire. Pendant l’émission, je me suis blessée au genou gauche, alors que mon problème depuis des années c’est le droit. Mais j’ai serré les dents, ça ne s’est pas vu. J’ai fini le passage, on n’a pas eu de buzz, et dans les coulisses, ça n’allait pas du tout. Après l’émission, ils ont voulu m’emmener à l’hôpital, j’ai refusé, et finalement j’y suis allée par mes propres moyens dans la nuit. Ils ont décelé une lésion du ligament interne, et je suis partie au championnat du monde à Miami deux mois après.

Propos recueillis par Jérémie Baron

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