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Le culte de Kanté

Par Maxime Brigand
Le culte de Kanté

Au cours de son histoire, la Premier League a connu plusieurs cerveaux silencieux, entre Paul Scholes, Scott Parker ou encore Xabi Alonso. Cette fois, le coup de foudre est pour N'Golo Kanté, révélation de la saison l'année dernière et confirmation de celle qui touche actuellement à sa fin. Une campagne qui pourrait lui caler une couronne sur le crâne pour la seconde fois consécutive, mais qui pourrait aussi le voir être désigné meilleur joueur du championnat d'Angleterre. Le tout derrière un concentré de discrétion et de destruction, une approche du jeu qui continue de diviser.

Los Angeles, la fin du mois de juillet 2016. Puisqu’il n’a jamais su mentir, que ce soit en short ou en costume, Antonio Conte abat la carte de la franchise. Quelques heures plus tôt, celui qui a décidé pour la première fois de sa carrière de confronter ses idées à une autre culture, un autre football, a pour la première fois dirigé une séance d’entraînement avec N’Golo Kanté. Conte n’a pas besoin d’énormément de mots pour voir ses ordres être exécutés, un regard souvent suffit. « Avant d’arriver à Chelsea, je ne le connaissais pas beaucoup, lâche-t-il alors. Je pense que c’est un joueur qui ne parle pas énormément, mais qui se bat et qui a une grande volonté de travailler. Je lui ai expliqué ce que j’attends de lui sur le terrain, qu’il peut devenir un joueur important de Chelsea au milieu de terrain. Il vient d’arriver, il doit prendre confiance. Mais je suis heureux qu’il soit ici. Sa condition physique est fantastique. C’est un marathonien. » Mieux, ce qui frappe directement le nouveau coach des Blues est un visage. « Il sourit tout le temps. Ça, c’est fantastique. Lors des séances, il travaille beaucoup, mais avec le sourire. » En quelques semaines, le jeune international français deviendra à travers le verbe de Conte « un joueur fantastique, un mec fantastique et un partenaire fantastique » . Jusqu’à cet aveu lâché au début du mois de mars : « J’étais un joueur comme lui. C’est important d’avoir des joueurs comme ça si vous voulez gagner, des mecs qui n’ont pas uniquement du talent, mais des joueurs capables de courir pendant tout un match. Je pense qu’il est meilleur que moi, c’est même une certitude. » Voir Conte s’incliner n’est pas fréquent. Vient alors le temps des promesses. « Je n’essayerai jamais de l’arrêter. Je ne le ferai jamais, car je me rappelle que Giovanni Trapattoni a essayé de le faire avec moi en me demandant d’arrêter de trop courir à l’entraînement. Il me demandait alors de rentrer aux vestiaires. Et, je n’étais pas heureux. »

« Ça ne m’intéresse pas d’être la star du jeu »

N’Golo Kanté est définitivement entré dans cette catégorie rare des joueurs dont la principale valeur ajoutée est de faire gagner des matchs. Des mecs ni rapides ni supérieurs techniquement, mais qui sont pourtant invariablement indispensables. Xabi Alonso, Esteban Cambiasso, Thiago Motta ou Didier Deschamps hier. « Tout semble simple et facile avec lui, détaillait ce dernier il y a quelques mois au moment d’évoquer le cas Kanté. Pour avoir joué au même poste, je sais que ce n’est pas facile, mais N’Golo sait ce qu’il a à faire et il le fait toujours avec l’idée d’apporter une réponse positive pour l’équipe. » Quand il parle de son jeu, le petit format de Chelsea avance sur le même registre : « Ça ne m’intéresse pas d’être la star du jeu. Je joue simplement parce que c’est plus simple pour moi. C’est ça le haut niveau, sauf si on a des qualités exceptionnelles. » Entre le génie technique de Hazard, la vision panoramique de Fàbregas et le sablier qu’est Matić devant une défense imbibée à la notion de sacrifice, N’Golo Kanté est donc devenu un lien. Un beau lien, brutal et merveilleux, entre deux triangles. Un tiret, un témoin. Tout simplement car Kanté organise moins bien que Fàbregas, qu’il ne sait pas centrer comme Marcos Alonso et qu’il n’a pas le talent d’Eden Hazard. Mais, il est peut-être paradoxalement le meilleur d’entre eux aujourd’hui. Kanté souffre et souffrira toujours de ce qu’a pu connaître par exemple un Scholes dans un pays où l’entertainment est progressivement devenu la base de tout. Le voilà alors dans la peau de ses aînés, devenu ce milieu « qui ne brille pas nécessairement, mais qui contribue à ce que tout fonctionne correctement » comme Xabi Alonso aime raconter son football.

Le calque et la destruction

Ce qui fait la différence serait finalement caché ailleurs. En parlant d’Iniesta un jour, Juan Roman Riquelme avait pointé l’unicité du milieu espagnol ainsi : « On peut apprendre à taper dans le ballon, à contrôler la balle, mais pour être au courant de tout ce qui se passe sur le terrain, il faut être né avec ce savoir. » Après une victoire à West Ham avec Chelsea en mars, Eden Hazard est allé dans le même sens pour parler de son coéquipier français et expliquait alors qu’une fois sur le terrain, il avait parfois « l’impression de le voir en double. Une fois à gauche, une fois à droite… J’ai l’impression de jouer avec des jumeaux. » N’Golo Kanté se distingue par son activité plus que par sa vision, et l’aimer en est presque devenu naturel. Puis, le choc des cultures. La semaine dernière, l’international français s’est retrouvé au milieu des nommés pour le titre de meilleur joueur de Premier League aux côtés d’Eden Hazard, Harry Kane, Zlatan Ibrahimović, Romelu Lukaku et Alexis Sánchez. Depuis, de nombreuses voix se sont élevées pour louer la candidature du milieu tricolore alors que l’autre majorité lui a plutôt opposé l’excellente saison d’Hazard. Pour trancher le débat, le Belge n’aurait pas forcément pu mener la campagne extraordinaire qu’il traverse depuis l’été dernier sans Kanté. L’inverse n’est pas forcément vrai, mais si Chelsea est encore aujourd’hui leader de Premier League, c’est avant tout grâce à ce mélange des styles.

Joey Barton, lui, a préféré réduire Kanté à un « phénomène de mode » là où Barney Ronay, journaliste au Guardian, s’est prononcé pour un sacre de Hazard, dénonçant le « hipstérisme voulu » des partisans du milieu français. Deux écoles s’affrontent autour de l’idée de base qui veut que le football a été conçu pour construire plutôt que pour détruire. Hazard construit, dessine, fabrique. Kanté démolit, découpe et casse. L’un caresse là où l’autre boxe, mais les deux cohabitent pour porter au sommet un système complet, qui a besoin d’un mélange des genres pour gagner. Derrière cette question, c’est l’Angleterre elle-même qui est questionnée sur son football : sa culture épouse naturellement N’Golo Kanté, mais son championnat devenu progressivement un repère de jeunes créateurs lui préfère Eden Hazard. Derrière tout ça, c’est surtout Antonio Conte qui triomphe, car ces deux éléments se réunissent par une seule et même variable : l’effort et l’amour de l’effort. Ce Chelsea version 2016-17 roule avec cette essence et Kanté y est pour beaucoup. Un grand joueur se reconnaît avant tout lorsqu’il insuffle une mentalité à ses partenaires. Le football de Kanté est collectif, conjugué au pluriel et indispensable pour faire briller les artistes. Et il ne faut pas oublier qu’un but ne serait rien sans une passe.

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