Épilepsie de la ville, montage urbain
Cette école, comme toutes les autres, emprunte à la Nouvelle Vague, un mouvement avant tout urbain bien trop souvent réduit à une prise d'assaut formelle de dogmes sclérosés. De fait, à une époque où l'on privilégie le panthéisme le plus absolu et où l'on regarde la Nature comme un fait en soi indépassable, il est touchant d'observer la ville envahir le cadre dès les premiers instants, comme les résurgences d'une conscience enfouie que le cinématographe, ce prisme qui révèle les soubresauts de l'esprit, permettrait de ressusciter pour un temps.
Un ??????? ?????? est en ville ! pic.twitter.com/j8YAF5x8jg
— AS Saint-Étienne (@ASSEofficiel) July 20, 2020
Mais dans la proposition des réalisateurs du Forez, il y a aussi quelque chose de profondément révolutionnaire et d'explosif, qui ne se satisfait pas d'un simple courant qui charrierait l'âme au gré de la houle des images et du son et qu'on trouve notamment dans Quand passent les cigognes du grand Kalatozov, pourtant un autre grand film sur la ville. En effet, le montage convulsé et renversé sur lui-même, parfois anarchique, renvoie à des œuvres d'avant-garde comme celles de Stan Brakhage, dont il était urgent que le cinéma ravive le souvenir.
Verticalité du sujet, visage des dimensions
En toute hypothèse, il n'y a pas de flux, au sens littéral, dans le film, qui n'est d'ailleurs pas pensé de manière horizontale dans un plan à deux dimensions, à la différence de bien des métrages de l'époque. Autrement dit, la ligne du scénario échappe à la géométrie classique, et cela a son importance, car on ne pourrait la tracer comme on dessinerait une ligne d'horizon sur la toile des rêves. La proposition est conçue verticalement, dans un plan à trois dimensions, certes plus difficile à appréhender, mais dont les vecteurs constituent un plus impressionnant volume de symboles.
Quand bien des réalisateurs ne parviennent pas à maîtriser les deux dimensions qui définissent l'espace traditionnel, la prouesse réside dans ce signe ontologique qui consiste à ne jamais négliger le sujet malgré la complexité du dispositif. Le sujet, c'est bien sûr l'acteur, Adil Aouchiche, que la caméra ne perd jamais longtemps et dont les expressions rappellent avec une douce mélancolie l'Antoine Doinel des premiers films. Il y a là quelque chose de ténu, mais de puissant, un doux arôme de nostalgie, et peut-être d'avenir. Verticalité du souvenir, puissance cinéma.
Adil Aouchiche
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Par Valentin Lutz Images : captures d'écran ASSE
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