Le Real Madrid, le plus petit club du monde

Le meilleur match de foot est toujours celui qui ne mentionne pas l’arbitre. Celui qui laisse les acteurs échanger les attaques, les dribbles, les extérieurs de Luka Modrić et Lamine Yamal et les cris du public. Celui où on ne parle pas de « faute utile » ou d’antijeu, où on ne connaît même pas le nom de l’arbitre. Le Clásico doit rassembler tout ça. Encore plus dans une finale de Copa Del Rey (coup d’envoi ce samedi, 22 heures), encore plus quand la saison offre déjà sa dramaturgie. Pourtant, la scène s’est déroulée pendant la conférence de presse du corps arbitral. Ricardo De Burgos Bengoetxea, l’arbitre central, en a pleuré. Il se fait insulter jusqu’à l’école de son fils : « Quand l’un de vos enfants va au collège et que des camarades lui disent que son père est un “voleur” et qu’il rentre à la maison en pleurant, ça fait mal. J’essaie donc d’éduquer mon fils, de lui dire que son père est honnête, mais qu’il peut se tromper, comme tout sportif de haut niveau. […] Que chacun réfléchisse à la direction que nous voulons prendre, à ce que nous attendons du sport et du football, a poursuivi l’arbitre. Je voulais que vous le sachiez, car c’est très dur. » Une réaction qui ne fait grandir personne, si ce n’est lui-même.

🎙️ "Lo que hago es intentar educar a mi hijo para decirle que es honrado, pero que se equivoca como una persona más".

➡️ "Quiero que mi hijo esté orgulloso de lo que es su padre".

🗣️ Ricardo de Burgos Bengoechea, árbitro principal.#CopaDelReyMAPFRE | #LaCopaMola🏆 pic.twitter.com/GzxSTCsvl9

— RFEF (@rfef) April 25, 2025

Après le Real Madrid des Galactiques, le Real Madrid des ouin-ouin ?

La veille, le Basque avait fait l’objet d’un court montage de la part de Real Madrid TV, le canal préférentiel du club, sûrement pas pour ses débats mesurés et sa capacité à apporter de la contradiction. Pendant 3 minutes 30, situées entre Didier Raoult et les vœux annuels d’un dictateur, tout y passe : voix off pour annoncer ses méfaits, mise en cause du Clásico du début de saison lorsqu’il était arbitre vidéo, reproche de son manque d’expérience de Ligue des champions… Et puisqu’il faut objectiver tout ça, place aux statistiques. Quand Ricardo De Burgos Bengoetxea arbitre le Real Madrid, ce dernier n’affiche que 64 % de victoires. Et quand il arbitre le FC Barcelone ? 81 % ! Pire, la Maison-Blanche n’a gagné que deux des cinq matchs de Carlo Ancelotti arbitrés par lui. CQFD.

Les chiffres finissent toujours par parler quand on les torture. L’oxymore est tranquillement admis : cet arbitre est partial. La VAR, débarquée en 2018 en Espagne, n’y change rien. Peu de chances que le recours annoncé à l’intelligence artificielle pour désigner les arbitres le fasse. Le discours est bien rodé. Il a été déclamé en janvier par Florentino Pérez, après la défaite contre l’Espanyol (0-1). Une supposée « corruption » pointée du doigt. Rebelote après Osasuna, à la suite du carton rouge de Jude Bellingham et son « fuck », (off ou you ?). Le même week-end, le Barça avait obtenu un penalty discutable et avait battu le Rayo Vallecano (1-0).

La stratégie est connue, mais elle dépasse aujourd’hui largement 90 minutes. Ce vendredi, elle a pris une forme inattendue, allant jusqu’à boycotter la conférence de presse, l’entraînement et les photos, événements traditionnellement organisés les veilles de finale. Dans un communiqué, le club madrilène a qualifié « d’inacceptables les déclarations publiques faites par les arbitres désignés pour la finale de la Coupe du Roi » et a vivement espéré que « les responsables de la RFEF et du corps arbitral agiront en conséquence, en adoptant les mesures nécessaires pour défendre le prestige des institutions qu’ils représentent ». La fédération a assuré que les officiels désignés ne seront pas remplacés pour autant.

Il s’agit tout simplement de mettre la pression avant un gros match, dans la lignée des diatribes de José Mourinho au début des années 2010. Cela contribue à la performance et peut souder un groupe. C’est bien connu, tout le monde est contre le Real Madrid. S’inventer un ennemi imaginaire est pratique : si le Real gagne ce week-end, la stratégie est la bonne. S’il s’incline, c’est à cause de l’arbitre. Pile il gagne, face l’arbitre le fait perdre. Avec la puissance médiatique et populaire en plus, la soupe passe mieux.

Changer de disque

Le Clásico est devenu le symbole de ces dérives, et c’est bien dommage. Si l’occasion est parfaite pour mesurer que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs qu’en France, le craquage de Ricardo De Burgos Bengoetxea devrait pousser à une belle réforme. Javier Tebas, président de la Liga s’était levé en février. Il en appelle à modifier le système d’arbitrage. Le président du FC Séville aussi. La goal-line avait déjà entaché la victoire du Real en fin de saison dernière.

Pour se rassurer, Lamine Yamal (Barcelone n’est pas en reste) est plus clairvoyant qu’une institution de 123 ans : « Le Barça, le Real et l’Atlético de Madrid ne peuvent pas se plaindre des arbitres, a-t-il glissé à Mundo Deportivo en février. On ne parle pas autant de matchs d’Alavés et Leganés, et il y a peut-être des actions plus controversées. C’est un travail très difficile, car il y aura toujours quelqu’un qui se plaindra. » Le retour de la finale de la Copa Del Rey à la Cartuja, le stade olympique de Séville et l’affiche de rêve méritent mieux que ça. Le Real Madrid oublie aussi que cette Coupe a souvent servi à sauver sa saison. Les trois dernières victoires en attestent : la tête de Cristiano Ronaldo en 2011 a lavé l’affront du 0-5. Le but de Gareth Bale en 2014 a lancé la Decima, et 2023 avait permis au Real Madrid d’un peu oublier la fin de la Liga à 10 points du Barça de Xavi. Place au jeu.