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Tailler un Pep

Par Javier Prieto Santos
Tailler un Pep

Masia, Cruijff, héritage, numéro 4. Toque, positionnement, gammes gammes gammes. Zlatan, Eto'o et Deco d'un côté, Xavi, Iniesta, Messi et Cesc de l'autre. Voyage initiatique, Bielsa, Menotti et Lillo, Mexique et Argentine. Italie, Roberto Baggio. Real Madrid, José Mourinho. Et au milieu de tout ça, au milieu du tumulte cool, Pep Guardiola. Viva la Vida.

Après quelques mois de vie commune, à peine, c’est le divorce : Guardiola demande à Zlatan de quitter le navire barcelonais. Frustré de voir l’entraîneur catalan mettre de côté sa poule aux œufs d’or, Mino Raiola, l’agent du joueur, vidange sa colère dans la presse : « Le philosophe est fou, il lui faut un hôpital psychiatrique ! » Malgré sa tentative de déstabilisation, Raiola a tapé dans le mille. Le philosophe est fou, c’est vrai, et avant tout parce qu’il a une conception quasi aristocratique, voire unique, du football.

Avant de prendre en main l’équipe B du Barça pour sa première expérience d’entraîneur, Guardiola réalise un voyage initiatique au Mexique et en Argentine pour parler football avec ceux qui savent vraiment. Menotti, Cruijff et Lillo, son grand pote, il passe des journées à parler du bout de cuir. À leur contact, Guardiola apprend. S’interroge. Doute. Et s’illumine lorsqu’il rencontre Marcelo « El Loco » Bielsa. L’actuel entraîneur de Bilbao et le futur entraîneur du Bayern débattront pendant 11 heures d’affilée du métier de coach. Du rapport avec les joueurs. De Tactique. Et de gestion du groupe. L’Argentin, considéré par Guardiola comme un véritable génie, inocule alors son intransigeance à l’élève catalan. Il lui conseille également d’éviter le contact avec les journalistes en dehors des conférences de presse, chose qu’il fera religieusement. Sacraliser le football dans tous ses aspects va vite devenir l’obsession du Pep.

Un joueur anachronique

En devenant entraîneur, Guardiola se met paradoxalement en danger. Formé à la Masia et ramasseur de balles du temps ou Venables coachait les Blaugrana, Guardiola a été le cerveau de la Dream Team de Cruijff. L’ancêtre d’une lignée de meneurs de jeu particuliers « made in masia » qui fait encore la fierté de tout un club. Dénué de puissance, de vivacité et incapable de dribbler le moindre adversaire, le Guardiola footballeur semblait à première vue un joueur anachronique dans un sport de plus en plus robotisé. Amateur de phrases à la fois définitives et simplistes comme « le ballon court plus vite que les joueurs » , Cruijff tombe pourtant rapidement amoureux de l’intelligence de jeu de Pep. Le gamin est lent mais réfléchit dix fois plus vite que les autres. Guardiola était en réalité un joueur cérébral avec une clairvoyance hors du commun. Sur et en dehors du terrain. Avant de quitter le club en 2001 pour tenter l’aventure italienne, Pep annonce à Xavi qu’il sera son héritier. L’actuel cerveau du Barça n’est alors qu’un jeune premier plein de promesses. Il lui annonce aussi en voyant un certain Iniesta jouer à la Masia que ce dernier sera leur successeur ultime. Avant de s’envoler pour le pays du Calcio, il prend également le soin de signer des autographes personnalisés à des jeunes enfants remplis du rêve de footballeur. L’un d’entre eux repart chez lui avec un maillot dédicacé de la main avisé du Pep : « À Cesc, futur n°4 du Barça. » Visionnaire ? Peut-être.

Lorsqu’il débarque en Italie pour se finir, Guardiola partage le milieu de terrain de Brescia avec un certain Roberto Baggio. Malgré le plaisir qu’il prend avec l’homme à queue de cheval sur le pré, Guardiola n’oublie pas d’écouter attentivement les conseils du coach Mazzone, un vieux de la vieille qui va lui apprendre les rudiments du football italien. Sans son passage en Italie, Guardiola aurait-il été le même entraîneur ? Pas vraiment. Si son Barça est peut-être celui qui a le mieux défendu ses cages dans l’histoire du club, ce n’est pas une coïncidence. À vrai dire, le hasard a brillé par son absence dans la carrière météorique de Pep. Lorsqu’il est nommé à la tête de l’équipe première, son arrivée fait jaser. Son inexpérience et le fait qu’il souhaite se séparer de Deco, Guardiola et Eto’o donne des sueurs froides aux socios et le sourire à ses adversaires et notamment au grand Real Madrid. Le Barça de Pep perd ses deux premiers matchs de championnat. Et gagnera tout le reste. Avec un niveau d’excellence jamais atteint jusqu’à ce jour.

Un héritier

En réalité, Guardiola n’a rien inventé. Il s’est juste contenté d’améliorer l’héritage de Cruijff. Pressing haut, possession de balle outrancière. Grâce à lui, Piqué est passé de remplaçant à Manchester à Piquénbauer. Grâce à lui, Valdés a connu la Roja, grâce à lui Pedro et Busquets sont devenus champions du monde. Grâce à lui, Xavi et Iniesta ont été reconnus à leurs juste valeur. Grâce à son repositionnement dans l’axe, Messi est devenu le meilleur et le plus décisif joueur du monde. En mettant au gout du jour la philosophie de Cruijff sans jamais lui tourner le dos, Guardiola a dépassé son maître et remis à la mode la notion la plus importante du Barça et du football : le jeu. Son œuvre monumentale est aussi et surtout un travail d’exigence acharné. En quatre ans, Guardiola en a pris dix. Éternel insatisfait, il exige toujours plus de joueurs qui ont déjà tout gagné. Le véritable miracle est là : gagner, jouer et perdurer. Lors de sa dernière année au club, Pep sait qu’il lui faut un électrochoc pour conserver la fibre compétitrice de son groupe. Il décide alors de tout changer et de mener une expérimentation tactique capable de réactiver l’intérêt de ses joueurs. En tentant de mettre en place une défense à trois ou de jouer sans attaquants de métier, Guardiola ne lance pas seulement un défi à ses stars. Il se le lance surtout à lui-même. Comme tous les bons philosophes, Guardiola recherche à douter pour mieux avancer. La saison sera pénible. Peu importe. Sa formule sans attaquants sera reprise quelques années plus tard par Del Bosque.

Au contraire de Mourinho, Guardiola n’est pas du genre à penser que seule la victoire est belle. La manière a souvent compté autant que le résultat et c’est finalement avec cette idée longtemps considérée comme obsolète dans un monde de plus en plus cynique qui fait que la Pep Team a autant marqué son époque. Guardiola n’est pas seulement un penseur du football. Il est un citoyen inquiet et militant, un amateur de poésie, un lecteur invétéré préférant la compagnie d’écrivains à celle des footballeurs. Un type capable de rendre tendance le combo chemisette/cravate, d’aimer à la fois le Viva la Vida de Coldplay et Otis Redding mais aussi de remplacer des longs discours par des montages vidéo avec la bande-son de Gladiator pour motiver ses joueurs avant une finale de Champions League contre Manchester United. Pep est celui qu’il est car à la différence de beaucoup d’autres, il a conscience qu’il y a une vie au-delà du football. Oui, Pep est « mes que » un entraîneur.

À lire : La suite du top 100 des entraîneurs

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