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Coupe du monde 2002 : Des Bleus dans le rouge !

Par Chérif Ghemmour
Coupe du monde 2002 : Des Bleus dans le rouge !

Le gros des Bleus de 2002 comprend la première génération de footballeurs français parvenue à tous les honneurs. Mais leurs saisons à rallonge se sont augmentées de compétitions disputées jusqu’au bout (Mondial 1998, Euro 2000, Coupe des confédérations 2001). Et à force de tirer sur la corde d’organismes beaucoup trop sollicités, la vitalité de l’équipe de France s’est étiolée jusqu’à en subir des blessures fatales... Voici l'histoire du fiasco des Bleus au Mondial 2002 disputé au Japon et en Corée du Sud.

Robert Pirès se tord de douleur… Il gît au sol, foudroyé, en pleurs, les mains sur son visage catastrophé. Il demande son changement, puis retombe lourdement en se tenant le genou droit. Arsène Wenger, livide, comprend la gravité de la blessure : rupture des ligaments croisés… La saison de « Bob » s’achève ce samedi après-midi ensoleillé du 23 mars 2002 à Highbury, en quarts de FA Cup contre Newcastle. Étendu derrière la ligne des six mètres, il souffre hors des limites du terrain, hors du monde. Hors des Bleus, surtout !

Les prémonitions d’Arsène

Stratège inspiré de l’équipe de France à la Coupe des confédérations 2001 remportée en Corée du Sud, Robert avait avantageusement pallié l’absence de Zidane en meneur de jeu. Au top de sa forme en 2002, il sera même élu Best Player of the Year de Premier League en fin de saison. En plus de sa polyvalence, de son gros volume de jeu et de ses buts, il est le complément tout en fluidité créative de Zinédine dans l’animation offensive. Souriant et sympa, Bob assure aussi au sein des Bleus la bonne connexion entre les clans, les générations… La tuile ! Venu faire constater sa blessure à Clairefontaine par le docteur Ferret, le verdict tombe : six mois d’arrêt. C’est mort pour la Coupe du monde qui commence le 31 mai. Présent à l’infirmerie, le sélectionneur Roger Lemerre semble terrifié au milieu des potes Vieira, Henry et Zidane venus remonter le moral de Bob à coups de vannes. Le doc des Bleus n’est pas surpris. Face à Newcastle, le milieu des Gunners avait disputé son 48e match de la saison entre Arsenal et l’équipe de France. Enchaînant les rencontres à un rythme effréné depuis presque quatre ans, Robert joue à une grosse intensité évaluée à 13-14 km parcourus par match ! Avant la Coupe du monde en Asie, parmi les Gunners lancés vers un fabuleux doublé Cup-championnat, Patrick Vieira culminera, lui, à 61 matchs cette saison, Sylvain Wiltord à 59 et Thierry Henry à 55. Au Real Madrid, vainqueur en mai de la Ligue des champions, Claude Makélélé atteindra les 55 rencontres, et Zidane 51… La commission médicale de la FIFA avait fixé à 45 matchs par saison la limite moyenne à ne pas trop dépasser. Mais qui écoute les médecins ? Pas la FFF ! Elle avait envoyé les Bleus au Chili pour une rencontre amicale le 1er septembre 2001 : 28 heures de vol aller-retour, séjour de 5 jours et 5 heures de décalage horaire.

Qualifiée d’office pour la Coupe du monde en Asie, l’équipe de France est condamnée depuis l’Euro 2000 aux matchs amicaux, et en cet automne durant lequel les grands pays européens luttent en éliminatoires de Mondial, il faut trouver des adversaires sur d’autres continents. Alors va pour l’Amérique du Sud, où la grinta latino maintiendra les Bleus en éveil. À Santiago, sous la pluie et le froid, la Roja emmenée par Zamorano dynamite littéralement sur un 2-1 sans bavure la citadelle France mal défendue par un Desailly déclinant. Les visages marqués indiquent une fatigue précoce plus évidente que la déception de la défaite, la troisième de l’année 2001. Du jamais-vu depuis 1992… Dans la perspective d’un nouveau périple lointain en Océanie pour le match Australie-France du 11 novembre, des présidents de clubs de Premier League refusent de libérer les internationaux français. David Dein, le boss d’Arsenal, veut garder ses quatre Frenchies déjà très sollicités (Henry, Pirès, Vieira, Wiltord). Alex Ferguson – qui entraîne Barthez et Mikaël Silvestre à Manchester United – désapprouve aussi le match en Australie. Superbe, Roger Lemerre défend les intérêts supérieurs de la France championne du monde sans tenir assez compte d’abord de l’intégrité physique de ses gars : « Je ne suis pas aux ordres des clubs », riposte-t-il. Tout en s’inclinant, Arsène Wenger dénonce les cadences infernales et se fait prémonitoire : « Les Français ne devront pas pleurer lorsque les Bleus se blesseront avant la Coupe du monde »

La bataille de Melbourne !

Liée imprudemment par un contrat de 3 millions d’euros pour ce match aux antipodes (avec un dédit de 4,5 millions en cas de forfait !), la FFF se soucie tout de même de la santé des joueurs. Elle affrète donc à prix d’or (920 000 euros) un Boeing 747 prévu pour 400 passagers qu’elle fait aménager avec sièges confort et quatre tables de massage. Les organismes devront quand même subir 23 heures de vol et 10 heures de décalage horaire. Au Cricket Ground de Melbourne balayé par la pluie diluvienne, la rencontre tourne au coupe-gorge. L’horrible Kevin Muscat dégomme le genou de Dugarry, provoquant un début de bagarre. Auteurs d’un nul musclé (1-1), les Bleus malmenés, dégoûtés par la violence et l’arbitrage, réalisent qu’ils sont devenus l’équipe à abattre, plutôt qu’à battre. Dans L’Équipe, Bixente Lizarazu, lucide depuis l’engagement vorace déployé par le Chili, lance l’alerte après la bataille de Melbourne : « Ne nous faisons aucune illusion, ce sera pareil en Coupe du monde : les équipes compenseront leur supposée infériorité par un engagement physique total. Oublions l’image d’une équipe de France qui plane comme un aigle majestueux et redevenons des sangliers qui mettent le nez dans la boue. » En décembre 2001, le docteur Ferret fait les comptes : dix internationaux tricolores sont à l’infirmerie… Fin mars 2022, on observe soudain que le forfait de Robert Pirès, qu’on croyait éternellement jeune, sanctionne en fait l’organisme poussé à bout d’un homme de 28 ans passés. Or, plus de la moitié de l’équipe de France vieillissante est déjà trentenaire : Zidane, Thuram et Barthez (30 ans), Petit (31), Lizarazu (32), Desailly (33), Lebœuf et Djorkaeff (34). La moyenne d’âge de la défense atteint 32 ans et celle de l’équipe type plafonne à 28 ans et demi. En 1998, elle était de 26 ans et demi.

Le 17 avril 2002 au Stade de France, les craintes de Liza se confirment. Face à une Russie musclée, les Bleus se tirent de ce match violent où les coups pleuvent (n’est-ce pas Karpine ?) par un triste 0-0. Fébriles, les Tricolores ont parfois perdu leur sang-froid, preuve que c’est d’abord le physique qui est défaillant, comme le déplore Bixente : « Il va falloir se retrousser les manches et se montrer à la fois prudents et agressifs. » Mais les Bleus ont-ils encore les moyens d’une telle agressivité ? Ce France-Russie très énergivore avait été fustigé en amont par Arsène Wenger et Jorge Valdano, manager du Real Madrid. C’est tout le dilemme pesant des 18 Bleus sur 23 qui jouent à l’étranger et qui oscillent entre deux allégeances : celle due à la sélection qui les a faits rois et celle due aux clubs qui les payent très cher… Le 7 mai, durant le stage de Tignes où la liste des 23 pour l’Asie est annoncée, Jean-Marcel Ferret s’inquiète, comme le relate La Dépêche du Midi : les résultats des tests médico-physiques sont catastrophiques. Lebœuf et Djorkaeff sont revenus anormalement épuisés d’une randonnée en montagne. Christian Karembeu, blessé, mais possiblement rétabli à temps pour l’Asie, a, lui, été zappé de la liste par Lemerre…

La cuisse de Jupiter Zidane

La période de préparation d’avant-Mondial 2002 sera nettement moins longue que celle de 1998, déplore le docteur Ferret avant une compétition avancée du 31 mai au 30 juin à cause de la saison des pluies qui s’abat sur la Corée et le Japon en juillet. Mais à la fin du stage de Tignes, le 10 mai, le sergent-chef Lemerre est droit dans ses bottes : « Nous sommes tous en pleine forme. Le groupe vit bien. » Le calendrier préparatoire insensé à venir va se charger de le contredire. À 13 jours pile du match d’ouverture France-Sénégal du 31 mai, les Bleus à la peine perdent contre la Belgique (2-1) le 18 mai au Stade de France, 24 heures avant le grand départ pour Ibusuki au Japon ! Outre l’absence de Zidane, resté auprès de Véronique pour la naissance de leur troisième fils, Théo, Thierry Henry est forfait. Son genou droit grince. Il a repris trop vite après juste huit jours d’arrêt pour jouer un dernier match contre Everton afin de bien finir meilleur buteur de Premier League. Trois semaines de repos auraient été préférables. Titi a déjà compromis sa Coupe du monde.

Arrivés le 20 mai à Ibusuki, paisible station balnéaire de l’extrême Sud du Japon, les Bleus échappent enfin au grand barnum publicitaire et aux sollicitations multiples. Ils s’entraînent et se relaxent aux bains de sable chaud. Le mercredi 22 mai, en match amical, ils expédient le club d’Urawa Red Diamonds 5-1 sous la pluie… Mais les pépins physiques reviennent au galop avec les inquiétudes persistantes de Lemerre au sujet du genou d’Henry. Les rumeurs de forfait autour de Thierry Henry, réfugié derrière le secret médical, stressent le Gunner au plus haut point. Dans cette ambiance très tendue avec les médias, Zidane rejoint ses partenaires après un trip éreintant. L’effectif poursuit son programme anarchique en s’envolant pour Séoul, étouffante et polluée, d’où ils se rendront ensuite disputer à Suwon un match amical contre la Corée du Sud le 26 mai ! L’Allemagne a allégé sa préparation en disputant un dernier amical le 18 mai pour s’accorder deux semaines de repos nécessaires à son acclimatation au décalage horaire, à la chaleur et à l’humidité avant son entrée en lice le 1er juin contre l’Arabie saoudite… À Suwon, des Sud-Coréens en mode compétition, teigneux et revanchards (cf. le 0-5 contre la France en Coupe des confédérations 2001) poussent les Bleus à se surpasser. À la 38e minute, Zidane se blesse tout seul et demande à sortir. Le verdict tombera après la victoire française à la Pyrrhus (3-2) : lésion externe de 10 centimètres du quadriceps de la cuisse gauche ! Zinédine a joué 54 matchs officiels cette saison, 210 en tout depuis le 12 juillet 1998. Le lundi 27 mai, le communiqué médical glace la nation entière : absent au moins un match, le meilleur footballeur du monde est donc forfait contre le Sénégal. L’équipe de France est privée de ses deux stratèges, Zidane et Pirès, foudroyés par les cadences infernales…

Revivez le fiasco de l’équipe de France lors de la Coupe du monde 2002 :

Partie 2 : Un problème nommé Roger Lemerre Partie 3 : Pourquoi la publicité et les contrats ont fait perdre la boule aux Bleus Partie 4 : La défaite contre le Sénégal et une phase de poules catastrophique Partie 5 : Un crash final en mondovision

Par Chérif Ghemmour

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