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  • Drame en Egypte

Nuit d’effroi à Port-Saïd

Par Marwan Chahine, au Caire
Nuit d’effroi à Port-Saïd

Au moins 74 morts et des centaines de blessés. C'est le bilan tragique des affrontements qui ont eu lieu mercredi soir, dans le stade de Port-Saïd, où Al-Masry, l'équipe locale, recevait les Cairotes d'Al Ahly.

L’arbitre vient de siffler la fin du match comptant pour la dix-septième journée du championnat égyptien entre Al-Masry, le club de Port-Saïd au nord-est du pays et Al Ahly, équipe du Caire, la plus titrée d’Egypte. Les locaux l’ont emporté 3-1 à l’issue d’un match tendu. Première défaite de la saison pour Ahly. Rien à côté du drame qui se prépare. Pour une raison indéterminée – on évoque une provocation d’un ultra d’Ahly – des supporters port-saïdiens envahissent la pelouse par centaines et s’en prennent d’abord aux joueurs qui tentent de fuir comme ils peuvent, escortés par quelques policiers. Puis les locaux commencent à jeter tous types de projectiles, pierres, bouteilles, fusées vers les tribunes d’Ahly. Avant de grimper dans les gradins et de s’en prendre directement aux supporters adverses : piétinements, bagarres dont certaines au couteau. Un carnage, 74 morts au moins, près de 200 blessés graves. Vision horrifiée de Mohammed Abou-Treika, une des plus grandes stars du foot égyptien qui joue à Ahly : « Ce n’était pas du football mais une guerre. Les gens mouraient sous nos yeux » . Le milieu de terrain met en cause « les forces de l’ordre qui ne nous ont pas protégés » . L’ensemble des représentants politiques d’Egypte ont pointé des défaillances dans le protocole de sécurité sans que personne n’en assume la responsabilité. Trois jours de deuil national ont été décrétés par le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) qui assure la transition politique depuis la chute d’Hosni Moubarak en février dernier.

Dans la gare Ramsès du Caire, vers une heure du matin, ils sont quelque deux mille personnes à attendre le train de Port-Saïd qui doit ramener les premiers blessés. Le hall et les quais sont remplis et respirent l’angoisse, la colère. Beaucoup sont pendus à leur téléphone et attendent des nouvelles de leurs proches. Une jeune femme en larmes hurle : « Mon amour, mon chéri » . Un vieil homme appelle désespérément : « Abdou, mon fils ! » . Au milieu des parents inquiets, sont présents de nombreux supporters d’Ahly reconnaissables à leurs maillots ou survêtements rouges flanqués d’un aigle noir. Ils savent qu’ils auraient pu en être ce soir. Même les rivaux historiques de Zamalek, l’autre grand club cairote, ont fait le déplacement. Au premier étage de la gare, trois immenses drapeaux sont suspendus : un de chaque club et au milieu, celui de l’Egypte, comme pour signifier l’union sacrée face au drame. « Zamalek et Ahly vont d’une seule main » entend-on scandé ci-et-là. Mais la plupart des slogans ont une tonalité très politique : « Le peuple veut la chute du Maréchal ! » , « Tantaoui dégage (chef du CSFA) » .

L’empreinte du CSFA ?

Il ne faut pas y voir une récupération par certains groupes organisés et militants qui se sont joints au rassemblement. Le sort des ultras et des révolutionnaires est étroitement lié depuis le début du soulèvement populaire qui a conduit à la chute du dictateur Hosni Moubarak. Tout au long de l’année, lors des affrontements entre les insurgés et les forces de l’ordre, les supporters de foot se sont retrouvés en première ligne pour balancer des molotov ou ériger des barricades contre la police. Dans la société égyptienne, l’ultra est devenu une figure révolutionnaire à part entière. Pour la plupart des gens interrogés dans la gare Ramsès, cela ne fait aucun doute, la patte du CSAF se cache derrière cet événement tragique : « Pourquoi cela arrive juste après la levée de l’état d’urgence ? (le 25 jour de l’anniversaire de la révolution) » feint de s’interroger une mère de famille, venue accompagner son fils. D’aucuns n’hésitent pas à parler de « complot » ou de « vengeance » .

Vers 3h30, le train entre en gare, provoquant des mouvements de foule. Une haie d’honneur se forme, des hommes aux visages bandés sont portés en triomphe. Eux n’ont pas le cœur à chanter ou à contester. Des civières et des ambulances récupèrent les plus sérieusement amochés pour les transporter à l’hôpital. De grands gaillards, l’air hébété, titubent et ne semblent pas comprendre ce qui se passe. Certains craquent. Comme cet homme d’une trentaine d’années, appuyé sur un mur qui raconte les mains sur la tête et la voix chevrotante, la « folie » des supporters adverses leur fonçant dessus, la peur, l’inertie de la police, les portes du stade fermées. « Un militaire a tiré en l’air puis a fait sauter le verrou avec la crosse de sa carabine. Sans lui, on serait tous morts » relate-t-il avant d’éclater en sanglots. Un autre supporter débarque et lui tape sur l’épaule : « Arrête mon frère, un ultra ne pleure jamais. T’inquiète, on va avoir réparation ! » .

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