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Gerson Rodrigues, produit de Lux

Par Robin Richardot
Gerson Rodrigues, produit de Lux

Barré par des problèmes de discipline dus à une enfance difficile, Gerson Rodrigues estime avoir mûri. Mieux, le Luxembourgeois dit avoir appris de ses erreurs et s’offre un nouveau départ à vingt-deux ans. Passé par le FC Metz, ce Portugais de naissance aimerait bien faire parler de lui. Et en bien.

Du talent, il en a. Tout le monde – et en tout cas le Luxembourg – s’accorde à le dire. Transféré du Fola Esch à Telstar cet été, Gerson Rodrigues découvre le professionnalisme et la deuxième division hollandaise. Puisqu’il a marqué dès son premier match et qu’il a déjà 22 ans, l’ailier compte vite exhiber ses dreadlocks dans un championnat moins obscur. Une ambition légitime aux dires du FC Metz au Luxembourg, les deux seules terres capables de s’exprimer sur le sujet. Alors pourquoi n’a-t-il pas déjà éclaté au haut niveau ? Schéma classique : une enfance difficile, quelques fautes de vie et un train qui passe sous son nez. « Mon enfance était un peu difficile parce que je n’ai pas fait les bons choix tout au début, pour évoluer plus tôt. Mais je me suis rattrapé avec le temps et là, maintenant, je suis sur le bon chemin » , assure aujourd’hui un Gerson Rodrigues qui a de quoi être optimiste. Car après avoir honoré sa première sélection en mars dernier face à la France (1-3), il fêtera sa sixième cape, toujours face aux Bleus, ce dimanche, à Toulouse. Ce parcours tortueux valait la peine d’être vécu.

Du quartier au FC Metz

Né à Lisbonne, Gerson Rodrigues grandit d’abord sans père et presque sans mère. Celle-ci décide de partir au Luxembourg pendant que l’enfant est élevé par sa grand-mère maternelle.

C’était très compliqué pour lui de vivre l’internat très jeune. C’est plus ça qui a fait qu’on s’est séparés, qu’on l’a laissé rentrer au Luxembourg parce qu’il n’arrivait pas à vivre l’éloignement. C’est un garçon qui avait un vrai potentiel, c’est dommage.

« Je n’ai pas eu une vie facile. Je n’ai presque pas vu ma mère pendant mon enfance. Ma mère ne voulait pas que je galère. Elle voulait s’intégrer, réussir professionnellement, pour que je la rejoigne comme un prince et que je ne manque de rien. Elle ne voulait pas que je galère comme elle avait galéré » , expliquait Gerson l’année dernière pour Le Quotidien. Gerson touche alors ses premiers ballons dans la rue, avec ses copains du quartier. Ce n’est qu’à l’âge de dix ans qu’il dépose ses valises au Luxembourg pour rejoindre sa mère. C’est là aussi qu’il dégote sa première licence au sein de l’Union Luxembourg, avant d’atterrir un an plus tard au FC Metz. Là-bas, il forme notamment un prometteur duo d’attaquants avec Maxwel Cornet. « J’étais plus fort que Maxwel Cornet, mais lui, il avait des agents. Moi pas, ou alors des personnes pas très fortes » , racontait Gerson, toujours au Quotidien.

Pourtant, trois ans plus tard, le club français se sépare de lui. « C’était très compliqué pour lui de vivre l’internat très jeune. C’est plus ça qui a fait qu’on s’est séparés, qu’on l’a laissé rentrer au Luxembourg parce qu’il n’arrivait pas à vivre l’éloignement. C’est un garçon qui avait un vrai potentiel, c’est dommage » , raconte Denis Schaeffer, directeur général de la formation au FC Metz. Si, sur le terrain, tout allait bien, c’est à l’école que Gerson avait aussi plus de difficultés. « C’est un garçon qui a vraiment le sens du football. Mais apprendre quelque chose à l’école ou travailler, ça, ce n’était pas son point fort. Il n’a jamais été fait pour l’école » , reconnaît Romain Thill, qui a été une sorte de tuteur pour Gerson pendant quelques années, « comme un deuxième père » . D’un commun accord avec la famille, le joueur retourne donc au Grand-Duché et se retrouve vite placé au centre socio-éducatif de Dreiborn, considéré au Luxembourg comme une véritable « prison pour mineurs » . « Notre centre recueille des jeunes qui sont placés par le juge de la jeunesse pour des causes multiples. On propose beaucoup d’activités pour les jeunes et on cherche à détecter leur talent » , expose André Hein, directeur adjoint du centre. Même s’il profite de son séjour à Dreiborn pour se familiariser avec la musculation et la capoeira, Gerson laisse comprendre que son plus grand talent peut se pratiquer sans haltère ni musique au rythme afro-brésilien.

Menuiserie, Ronaldinho et discipline

Le directeur de l’établissement accorde alors quelques faveurs à Gerson Rodrigues et l’autorise par exemple à s’entraîner avec le FC Swift Hesperange, un club de la capitale. « Il était déjà très bon au foot. Mais peut-être pas encore mature. On s’est beaucoup investi avec lui. On a essayé de lui donner les possibilités de faire son entraînement, même si son comportement n’était pas toujours super. Vous savez, quand on est très jeune, on arrive dans une phase, la puberté, où les uns sont un peu plus calmes, les autres un peu plus difficiles. Mais on a cru en lui » , se remémore André Hein, qui rappelle que le plus important était de « trouver des modèles » pour les gamins. Mais Gerson a déjà le sien. « Mon modèle, c’était Ronaldinho et ça restera Ronaldinho jusqu’à la fin. C’est magique de voir un joueur comme ça. La simplicité de ses touches de balle, de ses dribbles, c’est juste incroyable. Quand tu le vois à la télé, on dirait que c’est facile, mais en fait, ce n’est pas du tout comme ça quand tu es sur le terrain. »

À Dreiborn, l’adolescent se met aussi à la menuiserie. « Parce que là-bas, on apprend des vrais métiers. J’ai construit quelques chaises en bois, mais ce n’est pas mon truc ! » , racontait-il au Quotidien. Mais la passion du football ne le quitte pas. « Le foot ne m’a jamais été refusé. J’avais le talent en moi et c’est la seule chose que je voulais faire. Si on m’enlevait le foot, c’était vraiment la fin pour moi. » Et lorsque le centre met une navette à sa disposition pour pouvoir s’entraîner à l’extérieur, il apprend peu à peu à se contrôler. « Pour jouer au foot, je devais me tenir à carreau. J’ai beaucoup appris de cette expérience, parce que pour jouer au foot au niveau professionnel, il faut beaucoup de discipline. C’est là que j’ai commencé à comprendre qu’il fallait que je change pour arriver à un certain niveau » , résume-t-il. Quelque temps après, le jeune Gerson quitte le centre, plus motivé que jamais. « Quand je suis ressorti de là-bas, je me suis promis de ne jamais abandonner le foot. Je dois au moins ça à ma mère. »

« S’il n’a pas le foot, je ne sais pas ce qu’il peut faire »

Après un passage par Kayl/Tétange, Gerson Rodrigues connaît sa première grosse saison avec le RFCU Luxembourg, avant d’exploser au CS Fola. Un pari pour Mauro Mariani, président du CS Fola. « On connaissait Gerson depuis quelques années. On savait aussi que c’était un garçon qui avait besoin d’un certain entourage et d’une certaine confiance pour être à fond sur le terrain. C’est quelqu’un qui se laisse facilement tenter par des comportements qui sont contre les règles. Pendant la saison, il y a eu des phases où il a été vraiment exemplaire et d’autres où il l’a été un peu moins » , raconte celui qui a remplacé son ami Gérard Lopez à la tête du club luxembourgeois.

Le foot ne m’a jamais été refusé. J’avais le talent en moi et c’est la seule chose que je voulais faire. Si on m’enlevait le foot, c’était vraiment la fin pour moi.

Des hauts et des bas qui n’empêchent pas le joueur d’intégrer pour la première fois la sélection en mars dernier « J’étais déjà en contact avec l’équipe nationale et le coach, mais je n’avais pas de passeport. Ça faisait longtemps que Luc Holtz faisait attention à mes performances, et du coup, on a décidé de faire au plus vite mes papiers pour commencer à porter les couleurs du Luxembourg, explique Gerson. La première sélection, ça fait du bien. Ça prouve que les gens croient en toi et qu’il y a de la progression. Je me suis dit que c’était le moment d’y croire et de ne rien lâcher. » Tout sourit au joueur pendant cette saison donc. Ou presque. La défaite en finale de la Coupe, fin mai, face au rival F91 Dudelange (1-4) est une première claque sur la joue. « Ça m’a fait apprendre beaucoup de choses. C’est vrai que c’est une déception de perdre une finale. Mais bon, j’ai vingt-deux ans, je crois que je vais disputer encore beaucoup de finales et j’espère en gagner beaucoup. »

Mais voilà que ses vieux démons le rattrapent. Appelé avec l’équipe nationale contre l’Albanie une semaine plus tard , Gerson se voit offrir par son club une semaine de congés en plus – la particularité du Luxembourg offrant parfois à certains joueurs une « trêve » estivale d’une seule semaine. Reste que le joueur ne se présente pas pour la reprise. Celui-ci plaide un problème de communication, mais le club ne veut rien entendre et le suspend. « On m’a suspendu, je l’ai accepté. Mais après, on ne m’a pas donné de date de reprise, et c’est là que j’ai décidé de voir d’un peu plus près mes contacts à l’étranger et que mon agent est venu avec une belle proposition. J’ai décidé que c’était le bon moment d’exploser et de monter de niveau. » Du côté de la direction du club, le constat est le même. « En parlant avec lui et son agent, il était clair que pour son bien, il devenait indispensable de lui offrir une opportunité qui l’éloigne du Luxembourg et le mette dans un contexte qui soit encore plus encadré » , assure Mauro Mariani. Seul Romain Thill semble inquiet de ce départ. « Il avait là [au CS Fola] une situation unique. Il y avait des gens qui s’occupaient de lui et il avait même un bon salaire. Je lui ai téléphoné, j’avais peur pour lui parce que je connais un peu son caractère. La dernière parole qu’il m’a adressée, c’était :« Ne t’en fais pas. Je vais commencer une toute nouvelle vie, je serai professionnel. » J’ai toujours peur qu’à cause de son caractère vif et son manque d’éducation, il explose. Ou alors qu’il soit entre les mains de quelqu’un qui s’intéresse un peu à l’argent et pas à Gerson. J’espère qu’il réussira, parce que s’il n’a pas le football, je ne sais pas ce qu’il peut faire. »

Un nouveau départ

En marquant dès la 1re journée, le Luxembourgeois a pris un bon départ avec son nouveau club, le SC Telstar, club de D2 hollandaise où évoluent aussi les U21 de l’Ajax et du PSV. Une belle vitrine donc. Jeudi dernier contre la Biélorussie (1-0), Gerson a aussi goûté à sa deuxième victoire avec le Luxembourg en autant de titularisations… De quoi lui donner envie d’aller encore plus loin avec sa sélection, lui qui ne regrette absolument pas son choix de nationalité footballistique. « Je garde un lien particulier avec le Portugal. C’est là où je suis né, c’est de là d’où ma famille vient. Être portugais et supporter le Portugal, ça sera toujours une fierté. Mais ma décision a été prise et aujourd’hui, je suis aussi très fier de jouer pour la sélection luxembourgeoise » , assure-t-il. Entré à la 81e minute au match aller contre la France pour sa première cape, Gerson retrouve les Bleus et espère bien avoir l’occasion de mettre en valeur les deux bâtons de dynamite qui lui servent de jambes. Même s’il reconnaît que ce sera compliqué. « En équipe de France, il y a du danger partout. Ils ont une super sélection. On va aller au charbon. Il va falloir être discipliné et respecter les consignes du coach. » Et Gerson le sait mieux que quiconque : si la discipline est là, le résultat n’est jamais très loin.

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Par Robin Richardot

Tous propos recueillis par RR sauf mentions.

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