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Bastia : la bataille corse de Kevin Van Den Kerkhof
Il y a six ans, Kevin Van Den Kerkhof évoluait en N3, après avoir été évincé de la réserve du FC Lorient. Après avoir écumé les divisions inférieures belges et le Luxembourg, c'est au Sporting Club de Bastia que le piston droit de 26 ans tient sa revanche.
Samedi 1er octobre, 10e journée de Ligue 2. On entre dans le temps additionnel au Parc des sports d’Annecy, et le Sporting Club de Bastia mène 1-0. Tom Ducrocq intercepte un ballon des Haut-Savoyards et lance Kevin Van Den Kerkhof sur le côté droit du terrain. Le piston droit résiste au retour de Bissenty Mendy avant de se présenter face au gardien et d’armer un plat du pied droit qui termine au fond des filets. Le n°22 turchinu explose de joie, court jusqu’au poteau de corner pour célébrer, rejoint par ses coéquipiers. La consécration pour son premier but en pro. « J’ai ressenti beaucoup d’émotions sur le moment présent. Après le match, j’ai repensé à toutes les galères connues et aux sacrifices réalisés par le passé pour en arriver là », relate Kevin Van Den Kerkhof. Ce jour-là, le natif du Nord mettait un peu plus à mal la traduction littérale de son nom de famille – « du cimetière » en néerlandais -, se montrant plus vivant que jamais et repoussant les chrysanthèmes qu’on a pu lui prédire un peu plus tôt dans sa carrière de footballeur.
Le Nord aux dents
S’il s’éclate en tant que piston droit à Bastia aujourd’hui, le jeune homme de 26 ans n’a pas toujours connu que des moments de bonheur. Formé à Maubeuge et non conservé chez les jeunes du VAFC en raison de sa petite taille et de son physique frêle, il redescend de plusieurs étages, plus précisément à Aulnoye-Aymeries. Une poussée de croissance plus tard (il culmine aujourd’hui à 1,90m), KVDK prend la direction à l’été 2015 du FC Lorient en tant que stagiaire pro. Alors qu’il joue avec la réserve et côtoie en parallèle le groupe pro à plusieurs reprises, il se déchire le quadriceps, qui le laisse sur le carreau. De retour de blessure, il est mis de côté en raison de la concurrence. Exit les entraînements en réserve aux côtés de Guendouzi, Claude-Maurice, Bouanga, Hamel et Krasso – dont il est resté proche – et retour à l’envoyeur un an plus tard. Le revoilà à Aulnoye, dans un club qui a entre-temps fusionné avec Feignies.
Le rêve d’accéder au monde pro s’éloigne, mais pas la motivation. « Après Lorient, ça été difficile mentalement, mais je me suis tout de suite remis au travail. Cette épreuve m’a endurci et m’a permis d’atteindre le haut niveau », témoigne le piston bastiais. « C’est quelqu’un qui a toujours fait preuve d’abnégation. Il a mis les bouchées doubles lors de son retour à Aulnoye pour pouvoir aller de l’avant et atteindre son objectif de devenir professionnel », confirme Laurent Clarembaux, vice-président de l’Entente Feignies Aulnoye. Introverti et humble, le jeune Kevin s’appuie sur un entourage familial solide et bienveillant, avec lequel il entretient une relation fusionnelle, et qui le soutient énormément dans cette épreuve. Dans le même temps, il poursuit ses études en commençant sa deuxième année de BTS Management des unités commerciales. Après une saison en National 3, il franchit la frontière belge et débarque au RAA Louviéroise (D4). Là-bas, ses qualités offensives, son abattage physique et sa capacité à répéter les efforts dans son couloir droit font des ravages. 55 matchs et 12 caramels en deux saisons suffisent à le faire changer de division à l’été 2019. C’est à l’Olympic Charleroi (D3) que le Franco-Algérien continue de faire parler la poudre durant une saison, avant de faire un nouveau saut de puce en D1 luxembourgeoise et au F91 Dudelange, qui le recrute l’été suivant.
Vie de Lux’
Si les qualités techniques ont plu aux responsables du F91 Dudelange, ils ont aussi été séduits par d’autres arguments. « Nous nous sommes appuyés sur les datas pour recruter Kevin, mais pas seulement. Nous avons contacté différentes personnes, qui nous ont fait un retour très positif tant sur l’aspect sportif qu’humain, rejoue Manou Goergen, directeur sportif du F91 Dudelange. Nous avons eu une première réunion en physique. Il s’était rendu au club avec son entourage, et cette rencontre s’est révélée fructueuse. On avait la confirmation des datas, de son environnement et du feeling. Ces trois volets ont permis de concrétiser sa venue. Il était très attentif aux conseils du staff et faisait preuve d’énormément d’humilité. C’est aussi une personne très attachée à sa famille. Cette mentalité collait bien avec le club, qui mise beaucoup sur l’aspect humain et familial. »
L’acclimatation au Luxembourg a été immédiate, au point de le voir s’imposer rapidement dans le onze de départ de Carlos Fangueiro. Le numéro 22 bastiais s’éclate durant deux saisons. 20 pralines, 14 caviars, 64 matchs et une BGL Ligue remportée suffisent pour taper dans l’œil de Régis Brouard, alors coach du RFCU, club de la capitale grand-ducale. L’ancien tacticien de l’US Quevilly est envoûté par le joueur. Les deux hommes sont en contact de façon régulière. Quand Régis Brouard devient entraîneur du SC Bastia en octobre 2021, il souffle le nom de Kevin Van Den Kerkhof. Son recrutement se fera à l’été 2022 pour deux saisons.« Quand le SC Bastia et Régis Brouard viennent me chercher, il n’y a aucune hésitation possible dans ma tête. Pour moi, c’était un rêve depuis que je suis petit. Le coach m’a posé quelques questions et il a vu ma motivation pour rejoindre le club et faire de bonnes choses. J’ai échangé avec le président, qui m’a accordé sa confiance. C’était une raison de plus de tout donner pour le coach, le président et le club », clame le natif de Saint-Saulve.
Le Jonathan Clauss 2.0 ?
Avec le SCB, KVDK a disputé tous les matchs de Ligue 2 depuis le début de la saison, pour 2 buts et 1 passe décisive. Le piston dispose enfin de la reconnaissance qu’il attendait, mais garde la tête sur les épaules : « Tous les clubs par lesquels je suis passé me confiaient :« Tu mérites de jouer beaucoup plus haut. »Quand on me disait ça, ça me rendait un peu nerveux. J’ai tellement entendu cette phrase que j’en avais marre de l’entendre parce que je n’étais pas plus haut. Maintenant que j’y suis, c’est quelque chose d’exceptionnel que je savoure au quotidien. » Le changement de climat n’est évidemment pas là pour empiéter sur son bonheur. « Certes, le cadre de vie change beaucoup de ce que j’ai pu connaître auparavant, mais je reste exclusivement focus sur le foot. » L’ambiance de Furiani est là pour le rappeler. KVDK a pu le constater après le coup franc égalisateur inscrit à Furiani face aux Girondins, lors de la 12e journée le 12 octobre dernier. Laurent Clarembaux est admiratif de son parcours jusqu’en Ligue 2. « Ce n’est pas une surprise quand on connaît son abnégation, mais on ne pensait pas qu’il s’imposerait aussi rapidement », concède le dirigeant nordiste. Le constat est le même pour Manou Goergen : « Nous avions confiance en ses qualités pour le voir s’imposer en Ligue 2, voire plus haut. Beaucoup de monde est surpris de la trajectoire de Kevin », confie le directeur sportif du F91 Dudelange. Considéré comme une des révélations de Ligue 2 lors de ce premier quart de championnat, Kevin Van Den Kerkhof ne s’interdit pas de rêver encore plus haut. Avec pourquoi pas une convocation avec l’Algérie, le pays de son père ? Après tout, il y a bien un garçon, Jonathan Clauss pour ne pas le nommer, qui a un poste, des caractéristiques et un parcours semblables, qui en était peu ou prou au même point il y a quatre ans et qui est aujourd’hui international…
Par Pierrick Bastide
Tous propos recueillis par PB.
