Madrid au cœur de la guerre civile espagnole 1936-1939.
Le dernier bastion de la résistance républicaine tombé deux mois après Barcelone.
Dans la vulgate régionaliste catalane, la Catalogne aurait constitué le bastion avancé de la lutte anti-franquiste, alors que Madrid aurait incarné par excellence le cœur du pouvoir franquiste. Une analyse historico-politique de la guerre civile d’Espagne nous invite à très largement nuancer cette interprétation, Madrid étant la dernière ville que les troupes du général Franco sont parvenues à prendre, deux mois après la capitale catalane. Parmi les nombreux affrontements au cœur de cette terrible guerre, il faut mettre en évidence l’opposition entre l’Espagne traditionnelle, celles des villages, des villes de Province, et les grandes métropoles, Madrid, Barcelone, Bilbao, Valence. De fait au tout début du conflit la seule ville à tomber dans l’escarcelle des franquistes fut Séville.
En fait pour la bourgeoisie qui s’est considérée comme la triomphatrice de la guerre civile, pour la classe moyenne transie qui a tremblé de peur pendant trois longues années, pour les gens endoctrinés par les curés, pour les habitants des provinces les plus timorées ou les hameaux les plus traditionnels, l’image du Madrid de 1331-1936 a résumé tout ce qui avait effrayé dans l’expérience de la modernisation républicaine. Madrid représentait pour eux la rébellion des mendiants qui ne se résignaient pas à vivre de la charité publique, l’insolence des ouvriers réunis en syndicats, la subversion des dernières formes de servitude, du service domestique, du zèle des concierges d’immeubles, de l’obséquiosité des garçons de café ou des servantes de pension, la politisation de masses qu’ils considéraient naguère comme un charmant tableau de zarzuela populaire.
Edifiant constraste entre les Madrilènes typiques des saynètes de la fin du dix-neuvième siècle, et les charivaris des jeunesses socialistes qui tous les dimanches, revenaient en bruyant cortège de leur journée de congé à la Casa de Campo madrilène. L’horreur de ces fins d’après-midi ressentie par les classes aisées fut si profonde que, sous les applaudissements de la presse domestiquée, ce beau parc de l’ouest de Madrid fut fermé au public à partir de 1939, pour ne rouvrir que lorsque dans les années soixante, la Feria del Campo, organisée par le régime franquiste, transforma en tout autre chose le symbole détesté.
La conception toute militaire de la guerre qu’entrevoyaient les états-majors du soulèvement, avait pour centre et souci principal l’occupation de Madrid. Même quand une guerre d’usure s’imposa avec une lente reconquête permise par le harcèlement des arrière-gardes ennemies, l’idée de conquérir Madrid continua à alimenter la propagande, bien qu’elle ne suscitât aucune offensive significative au-delà du printemps de 1937. En réalité cette ville avait quelque chose d’un affront symbolique et appelait à la vengeance. C’était la ville qui mit le feu au couvent en avril 1931, celle qui écrasa le coup d’État de Sanjurjo d’août 1932, celle qui assista aux rassemblements de foules du front populaire, celle qui fut témoin de l’assassinat du député Calvo Sotelo, celle qui brisa la résistance de la caserne de la montagne. Face à une Espagne rurale non contaminée par le progressisme criard, face à une Espagne historique et austère, Madrid fut perçue comme l’Espagne vulgaire et moderne, la ville sans histoire ni lauriers.
Léoncio Pancorbo, un héros phalangiste imaginé par l’écrivain José Maria Alfaro, pourrait être l’illustration parfaite d’un de ces créanciers indignés du Madrid républicain. Petit-fils de cultivateurs et de minotiers du nord de la province de Burgos, arrière-petit-fils de paysans carlistes, fils d’un fonctionnaire de Duenas, province de Palencia, marié à une modeste rentière, il est un « jeune provincial de bonne famille » que ses parents ont poussé à faire des études de droit naturellement à Madrid. Il arrive à la cité universitaire de la capitale « imprégné jusqu’à la moelle de ce paysage dans lequel des générations successives ont vu, du haut de ces mêmes fenêtres, comment s’écroulait un empire ». Comme tant d’autres, Léoncio Pancorbo a lu Unamuno et Baroja, partagé la déception d’Ortega y Gasset, détesté Freund parce qu’il était juif, mais également retors des instincts secrets, admiré Stendhal, beaucoup moins Nietzsche, a été obsédé par Napoléon. La trajectoire idéale d’un petit hidalgo rural fasciste qui le mènera, à la fin du roman et après une longue période de réflexion dans son village, à prendre les armes et à mourir devant Madrid, comme capitaine d’une des milices phalangistes qui assiègent la capitale. Son destin littéraire fut, pourtant, celui de bien des jeunes gens réels, parce que la consigne de l’Espagne éternelle qui appelait à la conquête et à la destruction de Madrid résonna sur les grandes places de nombreuses capitales de province comme une gigantesque revanche.
Dans un recueil de vers très significatif, Poèmes de la Phalange éternelle, 1938, Federico de Urrutia met en vers, l’épopée de la castille traditionnelle dans sa lutte contre un Madrid qui trahit le destin castillan :
« Avila repose en silence dans ses murailles enserrée. Ségovie avec dévotion somnole au pied de l’Alcazar. A Tolède se sont éteintes les idylles de la Cava. Et Burgos et Valladolid s’en sont allées à la Croisade. Et la Place de Salamanque est restée muette et sans amours. »
Parce que face à tant d’abnégation, Madrid s’est rendue coupable du pire des blasphèmes :
« Sur la Colline des Anges, où les anges montaient la garde, ils ont fusillé Jésus-Christ ! Les pierres se vident de leur sang ! Mère il ne faut pas avoir peur ! Toute la Castille est en armes ! »
A la lumière de cette anlyse historico-politique il apparaît que la rivalité entre Madrid et Barcelone a peu à voir avec la guerre civile espagnole de 1936-1939. Au cours de ce conflit les deux villes ont été de solides bastions du camp républicain. D’une certaine manière Madrid le fut encore plus que Barcelone, car elle était le siège des brigades internationales, elle capitula deux mois après Barcelone, et elle fut encore plus bombardée par les nationalistes que la capitale catalane, Madrid étant tout proche de la ligne de front. Il convient de remarquer également que la bourgeoisie catalane voyait d’un mauvais œil la montée en puissance des gauches en Catalogne, socialistes, anarchistes, communistes. Ses intérêts objectifs de classe la portaient à une alliance politique avec la bourgeoisie castillane de peur de voir la révolution triompher en Catalogne. Concernant Madrid nous avons remarqué le clivage entre les villes de vieille Castille à l’histoire ancienne, et Madrid qui était considérée comme une ville surgie du néant et sans vraie tradition historique. Tolède capitale de l’Espagne wisigothique, Salamanque ville de tradition universitaire et intellectuelle, Valladolid s’estimaient Léoncio Pancorbo, un héros phalangiste imaginé par l’écrivain José Maria Alfaro, pourrait être l’illustration parfaite d’un de ces créanciers indignés du Madrid républicain. Petit-fils de cultivateurs et de minotiers du nord de la province de Burgos, arrière-petit-fils de paysans carlistes, fils d’un fonctionnaire de Duenas, province de Palencia, marié à une modeste rentière, il est un « jeune provincial de bonne famille » que ses parents ont poussé à faire des études de droit naturellement à Madrid. Il arrive à la cité universitaire de la capitale « imprégné jusqu’à la moelle de ce paysage dans lequel des générations successives ont vu, du haut de ces mêmes fenêtres, comment s’écroulait un empire ». Comme tant d’autres, Léoncio Pancorbo a lu Unamuno et Baroja, partagé la déception d’Ortega y Gasset, détesté Freund parce qu’il était juif, mais également retors des instincts secrets, admiré Stendhal, beaucoup moins Nietzsche, a été obsédé par Napoléon. La trajectoire idéale d’un petit hidalgo rural fasciste qui le mènera, à la fin du roman et après une longue période de réflexion dans son village, à prendre les armes et à mourir devant Madrid, comme capitaine d’une des milices phalangistes qui assiègent la capitale. Son destin littéraire fut, pourtant, celui de bien des jeunes gens réels, parce que la consigne de l’Espagne éternelle qui appelait à la conquête et à la destruction de Madrid résonna sur les grandes places de nombreuses capitales de province comme une gigantesque revanche.
Dans un recueil de vers très significatif, Poèmes de la Phalange éternelle, 1938, Federico de Urrutia met en vers, l’épopée de la castille traditionnelle dans sa lutte contre un Madrid qui trahit le destin castillan :
« Avila repose en silence dans ses murailles enserrée. Ségovie avec dévotion somnole au pied de l’Alcazar. A Tolède se sont éteintes les idylles de la Cava. Et Burgos et Valladolid s’en sont allées à la Croisade. Et la Place de Salamanque est restée muette et sans amours. »
Parce que face à tant d’abnégation, Madrid s’est rendue coupable du pire des blasphèmes :
« Sur la Colline des Anges, où les anges montaient la garde, ils ont fusillé Jésus-Christ ! Les pierres se vident de leur sang ! Mère il ne faut pas avoir peur ! Toute la Castille est en armes ! »
A la lumière de cette anlyse historico-politique il apparaît que la rivalité entre Madrid et Barcelone a peu à voir avec la guerre civile espagnole de 1936-1939. Au cours de ce conflit les deux villes ont été de solides bastions du camp républicain. D’une certaine manière Madrid le fut encore plus que Barcelone, car elle était le siège des brigades internationales, elle capitula deux mois après Barcelone, et elle fut encore plus bombardée par les nationalistes que la capitale catalane, Madrid étant tout proche de la ligne de front. Il convient de remarquer également que la bourgeoisie catalane voyait d’un mauvais œil la montée en puissance des gauches en Catalogne, socialistes, anarchistes, communistes. Ses intérêts objectifs de classe la portaient à une alliance politique avec la bourgeoisie castillane de peur de voir la révolution triompher en Catalogne. Concernant Madrid nous avons remarqué le clivage entre les villes de vieille Castille à l’histoire ancienne, et Madrid qui était considérée comme une ville surgie du néant et sans vraie tradition historique. Tolède capitale de l’Espagne wisigothique, Salamanque ville de tradition universitaire et intellectuelle, Valladolid s’estimaient respectivement plus dignes d’être capitale de l’Espagne que Madrid surgie de nulle part, ville en quelque sorte d’un roi étranger, Charles Quint, et d’une classe dirigeante étrangère, wallone, italienne, allemande, bourguignonne.
De son côté le général Franco n’était pas issu d’une famille appartenant à l’élite sociale, contrairement à sa future épouse Carmen Polo qui lui permit d’intégrer le monde des élites espagnoles, ce qui l’aida en partie à monter dans la hiérarchie militaire, en plus de l’indéniable courage physique qu’il avait montré lors des différentes campagnes militaires qu’il avait menées au Maroc. De fait il devint à l’âge de 34 ans, le plus jeune général en Europe au cours de cette période. Socialement issu de la moyenne bourgeoisie, il était originaire d’une des provinces les plus pauvres d’Espagne, la Galice, dont la mise en valeur de l’Empire espagnol outre-Atlantique en Amérique Latine, constitua pendant des décennies une bouée de sauvetage pour les Galiciens, qui fuyant la pauvreté purent émigrer aux Amériques pour saisir les chances qui se présentaient et améliorer leur existence. La perte des dernières colonies espagnoles en 1898, Cuba et Porto-Rico fut dûrement ressentie en Galice.
S’agissant du football les clubs ne brillèrent guère du temps de la dictature franquiste. Ils ne remportèrent aucun championnat, aucune coupe du roi, et ne parvinrent même pas à se qualifier pour une des trois coupes d’Europe fut-elle la coupe des villes de foires. L’âge d’or des clubs galiciens viendra dans les années 1990 et dans la première moitié des années 2000, le DEPORTIVO LA CORUNA remportant la coupe du roi en 1995, ratant d’un cheveu le titre de champion d’Espagne en 1994, mais parvenant à ses fins en 2000. Au cours de cette période le super DEPOR s’illustra également en ligue des champions, alors que le CELTA VIGO réalisait de très belles performances en coupe de l’UEFA.
Les sources de la rivalité entre Barcelone et Madrid sont bien plus anciennes. La Catalogne avait connu un premier âge d’or sur le plan économique au Moyen Age au XIIIème, XIVème et dans la première moitié du XVème siècle. A l’époque du siècle d’or alors que la Castille connaît son âge d’or, la Catalogne connaît par opposition une période beaucoup moins faste. C’est à cette époque que les griefs des catalans à l’encontre de la Castille apparaissent. De fait lors de la guerre entre la France de Richelieu et Mazarin, et l’Espagne d’Olivares et de Philippe IV, le conflit s’étant étendu de 1635 à 1659, la Catalogne jouera la carte française. Ainsi en 1640 la Catalogne se révolte contre la Castille, ne voulant plus payer les impôts et livrer des contingents pour financer l’effort de guerre. De même lors de la guerre de succession d’Espagne 1701-1714, la Catalogne s’oppose à l’alliance des Bourbons de France et de Madrid, et joue la carte de leurs adversaires, Habsbourgs, Angleterre, Province-Unies, princes protestants allemands, Portugal, Savoie-Piémont. Au dix-huitième siècle les courbes économiques se croisent, la Castille est moins dynamique, alors que la Catalogne connaît un fort dynamisme. Dynamisme qui sera confirmé au dix-neuvième siècle au temps de la révolution industrielle, la Catalogne étant le pôle industriel le plus dynamique avec le Pays Basque. L’objectif des leaders catalans sera alors de faire coïncider leur pouvoir économique avec le pouvoir politique. La différence substancielle que l’on pourrait voir entre les deux élites, sera la pregnance du modèle aristocratique et terrien chez les Castillans, alors que la bourgeoisie catalane se caractériserait par son éthique bourgeoise, commerçante et industrialisante.
La réalité contemporaine de la rivalité entre les deux villes, est simplement que chacune aspire au leadership national. S’agissant du sport, Barcelone a été consacrée au niveau international avec l’organisation des Jeux Olympiques d’été en 1992, que Madrid n’a toujours pas obtenue. A côté des grandes villes comme Bilbao, Séville, ou Valence ne soutiennent guère la comparaison avec la capitale de l’Espagne et celle de la Catalogne.