FC Barcelone : l’import de jeunes joueurs, c’est les trois points ?

Après plus d’une décennie passée à glaner tous les titres sur son passage, à afficher une équipe de rêve avec des jeunes issus du centre de formation, le FC Barcelone se trouve à un point de non-retour. L’appât du résultat ayant été plus fort que celui de la structuration au long terme, l’équipe flamboyante se délite peu à peu quand les plus grandes stars signées au prix d’or ne mettent plus un pied devant l’autre, ou quittent un club en faillite pour trouver une meilleure fiche de paie ailleurs. En 2022, le club catalan ne fait plus autant rêver, même s’il reste une énorme puissance économique et marketing, ce qui lui permettra assurément de se relever en très peu de temps.

Pourtant, de plus en plus de gamins peu frileux viennent se frotter au mastodonte blaugrana, convaincus que les places laissées vacantes par des stars irremplaçables financièrement peuvent à terme devenir les leurs, quitte à faire un tour en troisième division avec l’équipe B pour gratter une place ensuite chez les pros. « Le Barça s’est toujours intéressé aux joueurs qui ont un grand talent, qui ont une sorte de magie avec le ballon au pied, rappelle Carles Martínez, ancien formateur au club entre 2015 et 2019. Mais c’est sûr qu’aujourd’hui, le contexte est plus favorable pour convaincre ces jeunes joueurs de 18-19 ans qu’ils vont avoir du temps de jeu en équipe première. Quand il y avait Xavi, Iniesta, Busquets, c’était beaucoup plus compliqué. Même Thiago Alcántara a dû partir du Barça parce qu’il ne pouvait pas jouer dans cette équipe incroyable. Donc tu ne pouvais pas dire à un jeune qu’il allait avoir du temps de jeu, les gens ne sont pas bêtes, ils savent ce qu’il va se passer. Aujourd’hui, Gavi, Pedri ou Pablo (Torre) voient qu’il y a de la place pour être titulaire au Barça. C’est leur moment. »

Efficace et pas cher, c’est le recrutement que je préfère

Au-delà d’opportunités grandissantes, c’est aussi une façon pour le club de se régénérer à bas coûts. Pedri, par exemple, a rejoint le club à l’été 2019 contre 17,5 millions d’euros, avant de retourner en prêt un an dans son club formateur de Las Palmas. Pablo Torre, seule et unique recrue de ce mercato estival du FC Barcelone pour l’instant, a été transféré en provenance du Racing Santander contre 5 millions d’euros, et intégrera l’équipe réserve à la rentrée, comme cela était initialement prévu pour le crack des Canaries, qui a fini par griller les étapes. « Le fait de signer des joueurs en équipe B, même s’ils arrivent rapidement en équipe première, c’est pour leur montrer qu’il faut y aller étape par étape : tu travailles et alors tu auras ta chance, avance celui qui a également été formateur à l’Espanyol, avant d’en venir au nerf de la guerre. C’est aussi une question de sous, parce qu’un contrat en équipe réserve coûte moins cher qu’en A, et il ne prend pas de places parmi la masse salariale de l’équipe première. Ce n’est pas seulement une question de sportif. »

Une stratégie qui permet au Barça de se défaire des contraintes imposées par LaLiga en matière de salary cap, tout en renforçant son équipe première. Une combine qui a notamment permis à Gavi de jouer 46 matchs avec la bande à Xavi, tout en n’ayant qu’un contrat de réserviste. Un règlement que le championnat espagnol s’est d’ailleurs empressé de changer à l’orée de la saison 2022-2023, obligeant les clubs à compter les salaires des moins de 23 ans ayant disputé 30% des matchs comme ceux de joueurs de l’équipe première. Ce qui ne devrait pas pour autant freiner le Barça dans sa lubie des jeunes joueurs, qui bénéficie aussi à ceux présents depuis plus longtemps dans les rangs de la Masia.

Devant faire face à une reconstruction urgente, propulsant par la même occasion Xavi au poste d’entraîneur principal à tout juste 41 ans, le Barça a trouvé dans la Masia l’assurance d’un succès plus ou moins immédiat avec une garantie : celle du jeu. « Depuis l’arrivée de Xavi, certains joueurs formés ici ont leur chance parce qu’ils comprennent ce qu’il demande et d’autres sont arrivés parce qu’ils correspondent au jeu que Xavi souhaite développer, étaye Pau Moral, entraîneur des plus jeunes entre 2014 et 2021. Ce sont des profils de joueurs auxquels le FC Barcelone s’est toujours intéressé, mais qui entrent particulièrement dans les plans aujourd’hui de par ce que demande Xavi. » Le nouveau grand manitou du Barça s’est d’ailleurs montré décisif lorsqu’il a fallu convaincre le très convoité Pablo Torre de signer en Catalogne et nulle part ailleurs. « Ce qui a fait la différence, c’est l’appel de Xavi, raconte Estaban Torre, père de et ancien professionnel. Grâce à la connaissance qu’il avait de Pablo. Xavi était l’un des meilleurs au monde et il peut l’aider à s’améliorer. » Preuve en est que le gamin du Racing aux 10 buts et 9 passes décisives en 30 rencontres n’arrive sûrement pas pour répéter ses gammes avec l’équipe réserve.

Masia de retraite

Même s’il ne prétendra certainement pas à un poste de titulaire dès le mois d’août, l’arrivée prématurée d’un gamin de 19 ans n’ayant fait ses preuves qu’en troisième division permet aussi une chose : lui faire gagner du temps et accélérer ce fameux processus de post-formation, afin qu’il ingurgite au plus vite les rudiments du jeu catalan. Si l’objectif est de ramener ces jeunes dans les rangs de la Masia le plus tôt possible, à l’image de Gavi et Nico, arrivés au club à l’âge de 12 ans, Carles Martínez rappelle aussi que le rôle du Barça est de savoir recruter sur le tard, lorsque certains joueurs ont échappé aux radars des recruteurs. À l’image de Ronald Araújo, défenseur central récemment prolongé et arrivé au Barça B à 18 ans. « Même s’ils ont eu une formation différente ailleurs, il faut capter en eux quelque chose de leur jeu qui est similaire au style de jeu du Barça, précise celui qui est en charge aujourd’hui des U20 du Koweït. C’est quelque chose qui est souvent inné chez eux et qu’ils mettront peu de temps à développer. »

Departures of the Masia today:Joel López (Cadet A) : ArsenalRobert Navarro (Cadet A) : MonacoPablo Moreno (Cadet A) : JuventusAdrià Bernabé (Juvenil B) : Man CityDay by day, all the stars are leaving.. pic.twitter.com/iKsQ9ICmpN

— BarcaTimes (@BarcaTimes) June 21, 2018

D’autant que ces jeunes débarquant en Catalogne sur le tard viennent combler un vide : celui laissé par les générations 2001 et 2002, ayant tous quitté beaucoup trop tôt leurs pénates de la Masia pour tenter leur chance ailleurs.« Des joueurs comme Robert Navarro (Real Sociedad B), Xavi Simons, Pablo Moreno (Manchester City U23), qui avaient un grand futur au club, sont partis, regrette Carles Martinez, qui a eu entre ses mains cette génération chez les U16. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils ne se sentaient pas suffisamment mis en valeur par le club ou parce qu’ils voyaient qu’il n’y avait pas assez d’opportunités en équipe première avec Messi et Suárez et même Neymar à un moment… À ce moment-là, on a perdu une génération qui devrait aujourd’hui être entre l’équipe B et l’équipe A. »

Une dream teen qui donne la marche à suivre

Une génération qui manque donc à l’appel aujourd’hui, dans un FC Barcelone prenant enfin en compte ses canteranos. Mais le club ne refera pas la même erreur : les générations 2003, 2004 et 2005 sont déjà bichonnées par la direction, qui s’est chargée de faire un grand ménage dans son équipe réserve afin de leur laisser la place. Tant pis s’il faut rompre à l’amiable des contrats signés par l’ancienne direction avec des joueurs d’expérience censés garantir la compétitivité de l’équipe B. « Aujourd’hui, avec le changement de cycle, il n’y a pas d’autres moyens que de compter sur ces joueurs qui viennent du centre de formation, et ils s’en sortent très bien, donc ça montre que l’on peut compter sur eux, s’enthousiasme Pau Moral, exilé à Doha dans le club d’AlRayyan. Le Barça se rend compte aussi que certains, qui n’ont peut-être pas dix ans d’expérience, sont capables de faire aussi bien, et la situation fait qu’aujourd’hui, on permet à ces jeunes de se montrer. »

La superbe affiche du club avec les 14 joueurs de moins de 22 ans ! « Barca Dream Teen » « Une génération de jeunes fait irruption dans la première équipe et renouvelle les espoirs des Culés » | @FCBarcelona pic.twitter.com/WMk6IGHUuF

— FC Barcelone France (@ActuBarcaFR) October 7, 2021

Les deux formateurs en sont persuadés : cette arrivée de jeunes en post-formation ne fera que tirer vers le haut des générations de la Masia toujours au rendez-vous, qui n’auront qu’à être guidés par quelques vétérans afin de définitivement faire remonter la pente au club. « Le meilleur Barça de l’histoire s’est engendré juste après une grande crise, se souvient Carles Martínez, qui garde toujours un œil sur son ancien club. L’équipe de Xavi, Iniesta, Puyol et Valdés a existé parce que le club allait mal. Donc je pense que c’est logique de voir des jeunes arriver en post-formation ou de la Masia. C’est le moment de leur donner des opportunités : tu as fait confiance à Gavi, il a réussi, Nico aussi, Eric aussi… Et je suis convaincu que si tu donnes du temps de jeu à d’autres, eux aussi vont réussir. »