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Les 10 premières années de Lionel Messi

PUTAIN, 10 ANS...

Le 16 octobre 2004, il y a donc dix ans jour pour jour, débutait sous le maillot catalan une jeune puce argentine du nom de Lionel Messi. Aujourd'hui figure donc l'occasion parfaite de revenir sur une décennie passée à écarteler les défenses adverses, écrire la plus belle page de l'histoire du Barça, et tenter de relier Argentine et Catalogne. Retour sur dix années de crochets courts et d'accélérations qui laissent tout le monde sur place ; retour sur dix années passées aussi vite que lui, Leo Messi.
30 millions d'amis.

Espanyol - Barça (0-1)

16 octobre 2004
6e journée de Liga




Ce jour-là, les 34 000 spectateurs du Stade olympique de Montjuic ne se doutent pas que les huit dernières minutes de ce derby anecdotique, remporté par le Barça sur une frappe de Deco, sont aussi les huit premières du plus grand joueur de l'histoire du Barça sous le maillot de son unique club. Il faut dire que le banc du jour est composé d'illustres inconnus qui, hormis Iniesta, ne perceront jamais avec les Catalans : Damià, Rubén, Cristian Hidalgo, Peña... À dix-sept ans, trois mois et vingt-deux jours et frappé d'un immonde numéro 30, l'Argentin est lancé dans le grand bain par Rijkaard en position d'ailier droit. Des débuts timides : il ne jouera que 77 minutes en tout et pour tout dans la saison.

Les jardins de Messi


Voilà dix ans que Leo Messi habite tous nos résumés et tous nos records. Il est le meilleur du monde depuis le jour où il a commencé le football. Mais parfois être le meilleur ne suffit pas. Dans les jardins où Messi a été enfant, les héros ne s'appellent pas toujours Leo.

On ne devient pas un génie sur n'importe quel terrain vague. Pour retrouver le jardin où nous avons été enfants, il faut prendre son temps, marcher quelques heures et divaguer un peu. Au bord de la route de campagne qui nous mènerait vers ce terrain municipal idéal, il y aurait un mur de vieilles briques irrégulières sur lequel on s'inventerait des armées d'adversaires imaginaires qui nous bombarderaient de talonnades dans la course et de contrôles orientés. On s'appliquerait beaucoup avant de rendre la balle à Pelé, Maradona, Passarella, Bati, Kempes, et à tous ces héros qui nous accompagneraient dans notre quête du geste parfait. On contrôlerait de l'intérieur du pied gauche et on passerait de l'intérieur pied droit juste devant nous. Contrôle-passe. Contrôle-passe. Ensuite, du droit, sans contrôle, un crochet, but.

Le premier match officiel de Messi, le 16 octobre 2004


Après des centaines d'heures de pratique devant le mur à demi effondré, on arriverait même à ne plus regarder nos pieds du tout. On devinerait où se trouve le ballon juste à l'entendre taper contre la brique et rebondir sur le macadam sec. Puis, le week-end suivant devant les copains et les parents armés de caméscopes, le maillot rouge et noir sur le dos, on se faufilerait si effrontément entre nos adversaires que tous les week-ends on nous appellerait Diego. Même si notre vrai nom, en fait, ce serait Leo.

Barça – Albacete (2-0)

1er mai 2005
34e journée de Liga




Une petite louche piquée de Ronaldinho en guise d'ouverture, un rebond, et un lob sur un portier nommé Valbuena, évidemment trop petit. Le premier but de Lionel Messi sous le maillot du Barça annonce la couleur. La Pulga sera un esthète, plus branché esthétisme que buts de raccroc. Sans le savoir, avec sa passe décisive, Ronnie vient d'alimenter celui qui le poussera définitivement vers la sortie quelques années plus tard. Les grands joueurs sont avant tout des ingrats.

Rosario en lui


Léo Messi est né à Rosario et « Rosario, c'est une manière exagérée d'être argentin » , dit un jour Valdano. Elle abrite le destin obscur des âmes tourmentées, de ceux qui aiment être fous, mais toujours artistement. Il faut casser beaucoup plus de fenêtres et de pots de fleurs qu'ailleurs pour avoir le droit de voir son visage peint sur le même mur que celui du Che Gevara, de Tata Martino, de Marcelo Bielsa, du Trinche Carlovich, de Fito Páez, d'el Pocho Lavezzi ou d'Ángel Di María, tous natifs de là-bas. Léo a beau y avoir lui aussi passé son enfance, il ne leur ressemble pas.

Leo Messi sur le terrain à 9 ans


Soyons sincères, il est tellement sage, tellement gentil qu'à côté de tous ces révolutionnaires, les couleurs trop fades de son portrait s'effaceraient derrière l'éclat de ceux de ses glorieux voisins. Il est tellement bien élevé que pour se mettre à l'admirer, il faut se forcer un peu. Heureusement qu'il est talentueux. Imaginez un Léo Messi qui n'aurait pas les mêmes dons, la même rapidité, la même voracité. Il n'intéresserait personne et son visage de gamin des campagnes ne séduirait que ses voisines. Pour le secouer un peu, Roberto Fontanarrosa, immense auteur de Rosario, lui aurait dit, comme dans son livre Púro Fútbol : « Tu ne pourras jamais être une idole si tu es trop parfait, mon vieux. Si tu n'as pas un peu de vice, si on ne t'a jamais attrapé en tort... Comment, bon dieu, veux-tu que les gens s'identifient à toi ? Qu'est-ce que t'as en commun, toi, avec tous ces singes en tribunes ? »


Barça – Getafe (5-2)

18 avril 2007
Demi–finale de Coupe du Roi




D'Alessandro, Riquelme, Saviola, Aimar... L'Argentine a enfanté tant de « nouveaux Maradona » qu'il devient dur de lister tous ces espoirs pour qui le costume était bien trop grand. Et si, malgré tout son talent, Messi était un énième diamant à faire pschit comme le pays en collectionne ? Pour prouver au monde qu'il est bien le digne héritier du « Diez » , Messi n'a rien trouvé de mieux que de marquer le même but que Diego. Et tant qu'à faire, pas n'importe lequel. Face à Getafe en Coupe du Roi, Léo reproduit à l'identique le slalom de Maradona face aux Anglais en 86. Rien de mieux pour se faire adouber par le maître.

Les amours de jeunesse


Il faut dire qu'en plus, en Argentine, on n'aime pas trop les jeunes. Les foules ont appris très tôt à ne pas tomber amoureuses de promesses, celles qui quittent le pays à la première occasion. Le public préfèrera toujours confier ses états d'âme aux vieux lions dont personne ne veut plus en Europe comme Palermo, Verón ou Ortega, plutôt qu'aux jeunes premiers élégants et bien élevés comme Banega, Gago ou Messi. Ils embrassent tous leurs maillots quand ils marquent un but devant les barras bravas. Mais on sait trop bien ce qu'ils feront, les novices, juste après, quand un Airbus pour l'Europe s'approchera un peu trop près d'eux. Ils s'exileront sur l'autre hémisphère. Et, des années plus tard, au hasard d'une éventuelle sélection avec l'équipe nationale, les plus nostalgiques les retrouveront dans la lumière du Stade Monumental le temps d'une interminable éliminatoire pour un Mondial trop lointain. Ces quelques collectionneurs patients se remémoreront leurs exploits passés, jureront qu'ils les avaient vus un jour il y a des années sous le maillot de River, Boca ou Newell's. Mais tous les autres, un peu comme ces enfants malheureux qui préfèrent effacer les mauvais souvenirs plutôt que de souffrir pour toujours, diraient qu'ils ne s'en souviennent plus. Maradona, Kempes ou Riquelme, eux, avaient attendu avant de traverser l'Atlantique. Ils méritaient qu'on les pleure, qu'on les aime. En 2000, quand il quitta Rosario pour Barcelone à l'âge de 13 ans, Messi était déjà du passé.
Avant les Ballons d'or, le ballon dormait avec Messi.

Chelsea - Barça (1-2)

Le 22 février 2006
8es de finale de Ligue des champions



Une marque de 20 centimètres sur la jambe. Voilà le souvenir qu'a laissé le latéral gauche des Blues ce soir là. Vivant un calvaire, Asier Del Horno n'a trouvé d'autre moyen pour stopper Messi que de lui poser une bonne vieille semelle. Un carton rouge non vain, puisque le natif de Rosario, suite à cette blessure, dira adieu à sa fin de saison. Suite à cet événement, il ne loupera pratiquement jamais plus d'un ou deux matchs ici ou là pour cause de blessure lors des cinq saisons suivantes. Ludovic Giuly lui en est encore reconnaissant.

La résurrection de Messi


Cinq ans plus tard, pour son premier match avec l'Argentine, le petit Diego de Rosario réapparut bruyamment. C'était le 18 août 2005. L'Argentine affrontait la Hongrie en match amical à Budapest. On avait un peu oublié ce gamin depuis qu'il avait quitté le pays pour Barcelone il y a quelques années. Comme tant d'autres promesses avant lui, il s'était envolé. Son père, Jorge, l'avait accompagné en Catalogne, laissant le reste de sa famille rentrer à Rosario.

Léo y passait chaque année ses vacances. Il avait finalement grandi. C'était à peu près tout. Rien de renversant. Pas de quoi remplir une somme théologique à l'usage des gentils. En Europe, ils avaient beau dire que ce Leo Messi serait le nouveau Maradona, à Rosario on s'en méfiait d'autant plus. Les Européens avaient-ils jamais compris qui était Diego ? Et puis un gamin de Rosario qui a grandi en Catalogne est-il toujours un gamin de Rosario ? Ne lui avait-on pas proposé de jouer avec l'Espagne ? Certes, le gosse avait choisi l'Albiceleste, mais l'Argentine, elle, n'avait pas encore choisi Messi. Elle devait juger sur pièces, voir le gamin en costume.


« Leo a réalisé un dribble pour son premier ballon »


José Pekerman

Barça - Espanyol Barcelone (2-2)

9 juin 2007
37e journée de Liga



Déjà comparé à Maradona suite à son slalom face à Getafe quelques semaines plus tôt, la Pulga pousse le mimétisme avec Diego jusqu'à marquer de la main, qui plus est lors d'un derby face à l'Espanyol. Un peu court pour reprendre le centre de Zambrotta, l'Argentin devance la sortie de Kameni du bras gauche. Un mouvement du crâne, et le tour est joué. L'arbitre n'y voit que du feu, tout comme les médias. Dans l'histoire, Messi sera toujours présenté comme le gentil respectueux des valeurs du sport, et Cristiano Ronaldo l'arrogant truqueur.

Une paire de coudes


À la soixante-quatrième minute de ce match, il remplaça donc Lisandro López et fit ce qu'on n'attendait plus de lui depuis longtemps. Sur le terrain Ferenc-Puskás de Budapest, Lio contrôla le ballon à 40 mètres des buts hongrois, se retourna, puis partit balle collée au pied gauche, maillot bleu et blanc dans le vent. Il fit le tour de Vanczák, mais le milieu hongrois ne le lâcha pas pour autant. « Je l'ai passé, mais il a continué à s'accrocher à moi, raconta Lio quelques heures plus tard. Alors j'ai essayé de me détacher pour pouvoir continuer, mais l'arbitre a considéré que je lui avais donné un coup de coude. » Il faut le voir sur les vidéos lever les bras au ciel et taper sur ses cuisses d'agacement, comme s'il avait été le numéro 10 de l'Argentine depuis sa naissance en 1987. José Pékerman, le sélectionneur de l'époque, comprit immédiatement qui était ce gamin capricieux : « Leo a réalisé un dribble pour son premier ballon. » Mais surtout, il asséna deux coups de coude dans le visage de son opposant direct. Et pour son premier match avec l'Albiceleste après 18 ans d'attente, il vit un carton rouge 30 secondes après être entré sur le terrain. Buenos Aires éclata de rire. Rosario frémit, de joie.

Premièr match avec la sélection, et premier carton rouge

Barça - Man. United (2-0)

27 mai 2009
Finale de Ligue des champions



En cette saison 2008-2009, la première de l'ère Guardiola, le Barça a enchanté, dans le sillage de son nouveau numéro 10. Mais pour valider le style, il lui faut le titre suprême : la Champions League. Face au tenant du titre, le lutin argentin conclut la saison faramineuse des siens, mais pas n'importe comment : en offrant le but du break de la tête, entre Vidić et Ferdinand, soit la meilleure charnière du monde à l'époque. En plus d'assurer à ses coéquipiers le succès européen, ce but valide définitivement son premier Ballon d'or, qu'il obtiendra six mois plus tard sans le moindre suspens.

Don't cry for me Barcelona


À Barcelone, quelques mois plus tôt, le 16 octobre 2004, il avait débuté avec la même insolence dans un derby contre l'Espanyol. On parlait de lui depuis des mois dans les bureaux et les tavernes de la ville. Il y avait, disaient-ils, un gamin encore plus fort que Ronnie, plus rapide, plus précis qui jouerait bientôt en équipe première et qui avait déjà disputé quelques minutes en amical contre le Porto de Mourinho l'année précédente. Fàbregas et Piqué avaient quitté le bercail, mais lui, la perle de la Cantera, était toujours là. Ajouté aux petits Andrés Iniesta et Xavi Hernández, cette équipe pourrait bien valoir le coup d'œil dans quelque temps. Enfin, c'est ce qu'ils pensaient. Pour dire vrai, quand ils virent cette puce sursauter d'un ballon à l'autre pour son premier match, ils comprirent seulement pourquoi depuis les catégories inférieures on le surnommait la Pulga, le petit Argentin. Installé côté gauche, puis côté droit, numéro 30 dans le dos, puis numéro 19, le gamin sautait partout. Mais à part quelques contrôles élégants, Ludovic Giuly, qui arriverait quelques mois plus tard, n'aurait pas à s'inquiéter pour son couloir droit. Pourtant, si on avait regardé plus attentivement les réactions de ses aînés, on aurait vu quelque chose de prémonitoire. Le sourire de Ronnie ou, plus tard, l'attitude paternaliste de Thierry Henry à son égard trahissaient en réalité l'inquiétude des anciens devant l'aisance de cet ado attardé dont il surent, quelques mois avant le commun des mortels, qu'il les enverrait tous à la retraite. Ainsi plutôt que de l'étouffer pour l'empêcher d'éclore, ils firent mine de le protéger et d'en être les grands bienfaiteurs. Le 10 brésilien lui servit ainsi un caviar pour un premier but sur lob salué par une ovation du Camp Nou et de tout le banc de touche du Barça. Hors-jeu. Raté. Alors comme pour montrer que cette passe et cette chorégraphie ne devaient rien au hasard, ils répétèrent quelques minutes plus tard exactement le même enchaînement. Cette fois-ci, le gamin était bien aligné et glissa un lob rigolard pour son premier but. Tout le monde debout. Messi sur les épaules de Ronnie. Ce miston était vraiment différent. Différent, c'est-à-dire pas comme eux. Ce qui, pour l'ancien qui vit sous la menace permanente de la ringardise n'est jamais une très bonne nouvelle.
A ce dr�le de jeu entre Ronnie et Leo, quelque part entre la poign�e de nain, le chifoumi et le combat de pouces, Messi a fini par gagner.

Barça - Arsenal (4-1)

6 avril 2010
¼ de finale de la Ligue des champions



Arsenal aura été virtuellement qualifié dans ce quart de finale de C1 pendant 3 minutes. Pour éviter au Camp Nou un stress inutile après l'ouverture du score de Bendtner, l'Argentin enfile le costume de sauveur et colle aux Gunners un fantastique quadruplé. À cet instant, Messi est bel et bien le meilleur joueur de la planète. Alors qu'il évolue encore sur l'aile et que l'axe de l'attaque est dévolu à Ibrahimović, il prouve à Pep qu'il est capable de faire le taff en pointe. Et que le Suédois, pourtant recruté à prix d'or, à carte blanche pour aller voir ailleurs l'été suivant.

Le football régressif


En le voyant ainsi n'en faire qu'à sa tête sur les terrains du monde, le storytelling des marketeurs se mit rapidement en place. C'était à notre tour d'en avoir plein les yeux. Des centaines de séquences vidéo tournées maladroitement par des inconnus dix ans auparavant sur des terrains d'enfants apparurent dans tous les récits, tous les reportages. Sur ces films amateurs en libre accès, on y contemplait toujours la même chose : un gosse minuscule à la silhouette familière qui en dribblait des dizaines d'autres et qui aurait pu être n'importe qui. Notre mémoire absorbait ces contenus jusqu'à tous les mélanger. Et l'incroyable se produisit alors. Contre Albacete, Chelsea, Valence ou Madrid, ce n'était plus ce jeune ailier qu'on voyait, mais ce gamin-là, celui qui dévalait les terrains vagues dans les vidéos, qui célébrait chacun de ses buts comme si c'était le dernier. Certes, le nôtre était un peu plus grand et le terrain d'une autre couleur. Mais tout le reste était pareil, y compris le talent. En fait, ils avaient raison à Rosario. Messi n'avait pas changé, il avait juste grandi. Il suffisait de bien le regarder. L'acculturation européenne n'avait rien effacé de sa nature. Il portait toujours en lui le football sauvage de Rosario, celui où il n'y a ni équipes, ni amis, ni camarades. Quand les autres vivaient à l'heure du football moderne et scientifique, s'entraînaient, se civilisaient, Léo vivait encore dans le monde merveilleux du petit pont aller-retour et du chacun pour sa peau. Comme nous à la grande époque, il voulait toujours jouer, absolument tous les matchs, ne jamais aller se coucher. Sauf que lui le faisait maintenant en première division.
M�me au 5 contre 1, le petit est imprenable.

Barça - Real (5-0)

29 novembre 2010
13e journée de Liga



Peut-être la plus belle partition du Barça de Guardiola. Pour son premier Clásico, Mourinho se fait humilier. Madrid ne touchera pas un ballon et Casillas ira en chercher cinq au fond de ses filets. Et pourtant, Lionel Messi est complètement absent de la ligne de stats, se consolant avec deux caviars adressés à Villa. Preuve que s'il était la vedette incontestée de ce Barça trop fort pour la concurrence, il n'en était pas le messie.

La maquina du Barça


Le drame, c'est qu'à côté de lui, tous ces joueurs qu'on pensait grands devenaient tout à coup normaux. Marquer 20 buts par saison n'avait plus rien de si héroïque. Même Ronnie abandonna le football et se jeta dans la nuit catalane au moment même où Messi allait devenir grand. En fait, ce n'est pas Barcelone qui domestiqua Leo, mais plutôt Leo qui ensauvagea Barcelone. Exemple. Un soir de mai 2009, Guardiola s'enferma dans son bureau. Examinant le nombre infini de vidéos dont il disposait sur le Real Madrid de Juande Ramos, son adversaire du lendemain, il cherchait la solution. Tout à coup, il prit son téléphone : « Léo, c'est moi Pep, il faut que je te dise quelque chose d'important. Viens ici, maintenant. » Le petit 10 accourut à l'appel de son chef. Arrivé sur place, Pep l'installa devant lui et lui révéla un secret : « Demain, à Madrid, tu vas commencer sur le côté comme toujours. Mais quand je te ferai un signe, tu passeras dans le dos des milieux et tu bougeras dans cette zone-là. » Le lendemain, il prit un instant pour au moins avertir Xavi et Iniesta : « Si vous le voyez devant les défenseurs, n'hésitez pas à donner le ballon à Léo pour qu'il aille tout droit vers Iker. » Après 10 minutes de jeu et un but madrilène marqué, il fit ce fameux signe. Messi s'installa à son nouveau poste. Le traditionnel 4-3-3 barcelonais explosa. Metzelder et Cannavaro, les défenseurs madrilènes, furent immédiatement emportés par la déflagration. Le 2 mai 2009, le Barça écrasa le Real chez lui 2-6 grâce au falso 9 et entama sa folle série de titres, de gloire et de révolutions. Le Barça de Guardiola gagnera 14 trophées sur 19 disputés et Messi, resurgissant ainsi dans l'axe sous n'importe quel prétexte, brisa un à un tous les records et toutes les rigidités tactiques possibles. Il y eut Pedernera à River, Hidegkuti chez les Hongrois, Di Stéfano au grand Real, Laudrup chez Cruijff, il y aurait maintenant Léo au Barça.

Le Clasico fou de 2009 (2-6)

Real - Barça
(0-2)

27 avril 2011
½ finale aller de Ligue des champions



Cinq mois après la claque du Camp Nou, les deux équipes se retrouvent pour une place à Wembley, en finale de Champions League. Bien décidé à faire déjouer les Catalans, Mourinho bâtit un plan de jeu basé sur le contact et le jeu rugueux. Le match est sale, âpre, tout juste éclairé par le talent de Messi dans le dernier quart d'heure. Après avoir repris de près un centre d'Afellay, l'Argentin enterre le Real avant même le match retour à cinq minutes de la fin d'un slalom entamé dans le rond central et conclu du pied droit. Deux de ses 21 buts (!) face au rival madrilène.

Maudite Argentine


Alors évidemment, en Argentine, on lui en voulut un peu de tout ce numéro. Un 10 argentin qui ne brille ni avec Boca ni avec la sélection ne mérite pas d'être retenu dans les mémoires au-delà d'une ou deux décennies. Ils réclamaient beaucoup plus que quelques buts ou quelques passes décisives en éliminatoires pour donner leur amour. Eux aussi voulaient perdre la raison et devenir fous. Ils n'attendaient que ça. Pourtant, Léo dut patienter sept ans avant de briser la glace, avant de finir de prouver qu'il était toujours le gamin qui avait quitté Rosario quelques années plus tôt. La fêlure se produisit lors d'un match amical en 2012. En marquant un hat-trick contre le Brésil, il avait battu à lui tout seul l'ennemi héréditaire. Après 70 matchs à douter de lui et de ses motivations, les hinchas argentins entérinèrent l'exploit et entamèrent enfin le long processus d'adoption du gamin de Barcelone. La Coupe du monde au Brésil finit de payer la dette que Leo avait contracté avec les cœurs de son pays le jour où il avait osé devenir le meilleur du monde beaucoup trop loin de chez eux. En portant son équipe jusqu'en finale du Mondial, Leo Messi était enfin digne d'amour. « Nous avons redonné à l'Argentine la place qu'elle mérite » , dit-il après le match. Léo rentrait au pays. Mais pour combien de temps ?


« Nous avons redonné à l'Argentine la place qu'elle mérite »


Leo Messi

Barça - B. Munich (0-3)

1er mai 2013
½ finale retour de Ligue des champions



Le déclin de ce Barça flamboyant, Lionel Messi en sera le témoin privilégié puisqu'il va le vivre avec l'œil du spectateur, depuis le banc de touche. Légèrement blessé, l'Argentin n'entrera même pas en jeu tant les Bavarois ne laisseront jamais les Catalans espérer un quelconque exploit, après la gifle infligée en Allemagne au match aller (4-0). Ribéry, Robben, Muller et compagnie sont sans pitié et cruels et infligent au futur champion d'Espagne un cinglant 7-0 sur les deux rencontres.

Les enfants de Léo


Combien de matchs devront passer avant qu'il ne disparaisse à nouveau ? Dans dix ans, quand on nous montrera les résumés du week-end et qu'on ne verra plus ce minuscule ailier droit débouler devant les défenses et claquer des grands coups de fouet dans les lucarnes opposées, Leo Messi nous manquera-t-il ? Regretterons-nous tous ses buts et tous ses records ? À Rosario, sans doute, ils se souviendront de ses crochets et de ses accélérations sur le terrain vert. Ils parleront encore de ce 2-6 ou de cette finale contre l'Allemagne, mais dans un soupir, ils regretteront toujours qu'il ne leur eût jamais offert un Mondial. Tous ces buts et tous ces exploits étaient beaux. Ils les avaient impressionnés, ils l'admettront. Mais, au fond, leur étaient-ils destinés ? Ils auraient aimé le voir souffrir au moins une fois juste pour pouvoir lui ressembler un peu et ainsi percer le mystère inhabituel de ce génie silencieux. Ils diront, pour s'excuser de tant d'ingratitude, que c'est à cause des dirigeants argentins et puis de toute cette pression que le petit Messi ne put jamais jouer libéré avec l'Albiceleste. Ils s'en voudront même peut-être d'avoir autant exigé d'un gamin de 25 ans. Il n'y pouvait rien, il était comme ça. Et puis, sur cette conclusion réaliste, ils s'installeront devant leur écran, l'oublieront un peu et en voudront cette fois-ci aux autres jeunes qui s'en iront. Dans les jardins, les gosses feront rebondir à leur tour le ballon contre le même mur de briques. Au moment de marquer leurs buts imaginaires, se prendront-ils pour Léo Messi ? Non. Dans les jardins où nous avons été enfants, tous les gamins s'appellent toujours Diego.

Par Thibaud Leplat
Visiblement, Thiago a confondu le mollet de son p�re avec Hollywood Boulevard.

Messi par... Manel Expósito

Ancien coéquipier de Messi au Barça B


Manel (2e en partant de la gauche) sur le banc avec Messi

Manel Expósito, ancien coéquipier de Messi au Barça B, a débuté en même temps que Leo en équipe première lors de l'inauguration du stade de Dragão, à Porto, en 2003. Voici son témoignage.

C'était la star de la Masia, mais l'évolution qu'il a connue n'est pas normale. C'est très diffèrent de marquer des buts contre des cadets et contre des pros. Beaucoup ne passent jamais le cap, lui au contraire a tout explosé.

Lui, moi et d'autres partenaires avons débuté le même jour avec l'équipe première, lors d'un amical contre Porto. On restait entre nous, on se parlait, on était timides et impressionnés à la fois. Messi, lui, restait stoïque. Parler avec lui était compliqué. Entendre le son de sa voix à l'époque, c'était comme voir le yéti. Ça n'arrivait quasiment jamais. Un jour, j'allais à l'entraînement avec un autre type. On était en voiture. Puis j'aperçois Messi assis devant le perron de la porte de chez lui. Il avait des baskets aux mains, et ses cheveux recouvraient tout son visage. Là, je lui dis : « Leo, monte, on t'emmène. » Lui me répond avec une voix basse : « Non j'attends mon père, c'est lui qui m'emmène. » J'ai insisté et insisté, mais il n'a rien voulu savoir. C'est un mec très timide et très famille.

La Pulga, c'est Dani Fernandez et moi qui lui avons donné ce surnom à Barcelone. Un jour, il s'était bagarré après voir perdu une mini opposition à l'entraînement. Il n'aimait pas perdre, ça le foutait de mauvaise humeur. En revenant au vestiaire, on avait écrit sur le tableau Velleda « la pulga de Rosario » , un peu dans le style de l'étalon italien du film Rocky. C'est resté.

Quand on faisait des fêtes ou des soirées, il ne venait jamais. Il est très famille, très casanier. Ce n'était pas quelqu'un qui se faisait engrener facilement.

À l'entraînement et en match, il avait tendance à porter la balle plus qu'aujourd'hui. Son style n'est pas vraiment « barça » , parce que son style est unique. Il a su s'adapter à la philosophie du club, même si beaucoup lui reprochait d'être parfois perso. Tu voyais qu'il y avait certains types qui attendaient qu'il rate un dribble pour lui crier dessus. Le truc, c'est qu'il ne perdait jamais la balle. S'il se permettait de dribbler 5 mecs, c'est justement parce qu'il pouvait se le permettre.

Messi parle avec ses pieds. C'est son moyen d'expression, sa manière d'être heureux et de se procurer de l'adrénaline. Il n'est jamais aussi vivant que lorsqu'il est sur un terrain de foot. En dehors, c'est un moine. Beaucoup aurait craqué avec la pression qu'il subit tous les jours dans un club comme le Barça. À Barcelone, tout le monde te connaît si tu joues au Barça. Je suis bien placé pour le dire, j'ai vu des mecs perdre la tête à cause de la célébrité. Lui ne flambe pas, ne succombe pas aux tentations de la ville, de ses bars, de ses plages, de ses filles... Messi est incorruptible. Il a donné sa vie au foot, au détriment de sa vie perso. C'est comme ça qu'il est heureux et qu'il est le meilleur.

Ronaldinho avait tout gagné, c'était une star, mais il s'était fatigué du foot et a préféré profiter de la vie plutôt que de s'entraîner. Messi ne fera jamais ça. Il est trop sérieux, trop encadré et aime trop le ballon pour que ça le fatigue. Le foot, c'est sa religion.

Au final, je ne sais pas si j'aimerais avoir sa vie. J'aimerais comme beaucoup de gamins être le meilleur joueur de foot du monde, mais c'est une vie de sacrifices et de pressions, une vie très difficile à gérer. Leo, c'est sa routine et il le vit comme tel. Mentalement, il faut être très fort et c'est pour cela qu'il est le meilleur.

propos recuillis par Javier Prieto-Santos

« Ce qu'il y a de génial avec Leo, c'est qu'il joue aujourd'hui comme il jouait à l'âge de 12 ans. »


Carles Rexach, l'homme qui a recruté Messi en 2000

À lire sur SOFOOT.com

Tu sais que tu es fan de Lionel Messi quand...

Ton Lionel Messi, tu l'aimes d'amour. D'ailleurs, tu adores quand Christian Jeanpierre commente le Barça. Comme lui, tu n'en finis plus de t'émerveiller sur ton « Léo ». D'ailleurs, Lionel et ...

SO FOOT - #105 - LIONEL MESSI

COUVERTURE 32 - LIONEL MESSI Mais qu'y a-t-il donc derrière les buts, les records, les Ballons d'or et les sourires Unicef? C'est la question que tout le monde se pose. De Rosario à ...

Tu sais que tu détestes Messi quand...

Bon. Bah toi c'est simple. T'aimes pas qu'on en fasse des quintaux sur le Barça. Du coup, le mec que t'aimes pas, c'est le petit 10 là...

Rédaction

Thibaud Leplat, Marc Hervez, Javier Prieto Santos et Pierre Boisson


Édition

Simon Capelli-Welter, Pierre Maturana et Gilles François


Design et coordination technique

Gilles François


Secrétariat de rédaction

Julie Canterranne


Crédits photo


Réactions (24)

Poster un message
par MaxMaga il y a 7 ans
Mise en page complètement repompée sur les nouveaux formats de reportages numériques du Monde.fr
Tant mieux! On en veut d'autres comme ça
par Johnny Equerre il y a 7 ans
J'étais au Camp Nou en 2007 le jour ou le petit Lionel a marqué son slalom de malade contre Getafe, derrière le but, un peu en hauteur. Toute la tribune a senti sur sa première prise de balle qu'il allait se passer un truc. Alors j'ai dégainé l'appareil photo numérique qui était déjà en fonction "vidéo", et j'ai filmé, tout, les dribbles, le but, la pañolada, les "Meeeeessi" qui descendaient des gradins. Meilleur souvenir dans un stade, évidemment. Si tu me lis (et je sais que tu es un fidèle de sofoot.com) : continue champion.
par Prospère Mulenga il y a 7 ans
ce mec aura marqué la génération des enfants nés comme moi dans les années 90 !

Quel joueur,quel touché de balle !
par Gilou il y a 7 ans
Je ne sais pas de quand datent ces pages du Monde.fr dont tu parles, je ne les ai même jamais vues. Mais ce format existe sur SOFOOT.com depuis Mai. Content que ça plaise en tout cas !
par Scholes453 il y a 7 ans
Je t'aime Lionel putain.
par samotraki il y a 7 ans
C'est qui?
par The Truth il y a 7 ans
Ah bon, c'est pas Ronaldo le meilleur joueur..... :D....
par Frenchies il y a 7 ans
C'est absolument FAUX, que de croire que les gosses depuis 4/5 ans >>et à l'avenir<<, s'identifieront toujours à Diego (comme notre génération de trentenaire l'avons fait) et pas à Messi. Du moins ceux qui ne sont pas d'argentine.

Messi c'est Youtube, c'est Adidas, c'est ce putin de duel avec CR7 qui fait TANT parler à travers le monde ... c'est 4 ballons d'or.

Maradona, c'est une coupe du monde parmi d'autres au fond.
sur notre continent il n'a pas mis tant de buts que ça (150), d'ailleurs je viens d'halluciner de voir qu'enfaite la pulga l'a bien doublé en stats y compris en sélection (même nombre de matchs "à 27 ans" mais 10 buts de plus !!!) ...
alors NON quand t'es pas argentin, t'as beau entendre et lire partout qu'il est une vraie légende pour son pays (et à Naples) t'as au fond, pas tant de "référence" au jeu qu'il avait.

La coupe du monde que diego gagne, c'était il me semble pas contre un adversaire tel que l'était l'allemagne championne cet été ... (un rock).

Messi est enfant "footballistiquement" de catalogne et le rival historique "de l'autoproclamé plus grand club du monde" bénéficiera pour toujours d'une plus grande visibilité dans 10/20 ans simplement parce que c'est un club qui côtoie nos clubs de chez nous (anglais/italiens/allemands) plusieurs fois par an.

Messi de part sa similitude en terme de "style" a belle et bien écrasé Diego dans l'imaginaire.
bon puis au passage, 400 buts et 200 assist en 500 matchs (en gros) en 10 ans de carrière, y aura contribué aussi quoi ...

Maradona a quand même cette image de "gros" >drogué< ...
Messi lui ressemble plus aux gosses que personne d'autre ... l'identification est quand même est plus propice.
par el peruano loco il y a 7 ans
Grandiose, un léger frisson m'a parcouru l'échine rien qu'à la lecture de cet article (déjà dans mes favoris). 10 ans avec Messi putain ! Le temps passe vite. Alors que Messi a déjà 27 piges et 7 ou 8 ans encore sous la semelle, les Ronnie, Eto'o et Henry semblent avoir joué hier. Raul est déjà un dinosaure de la Liga et tous les souvenirs de jeunesse (Bebeto se cachant au moment où Djukic refile le titre au Barca en loupant son péno, la Dream Team, la Quinta del Butre) prennent encore plus la poussière. Pourtant j'arrive vers la 40aine ! Bordel de merde !
par MerenGone il y a 7 ans
Est-ce que vous allez aussi nous faire une belle présentation comme celle-ci pour les 10 ans des débuts d'Arbeloa au Real ? C'est aujourd'hui. Merci.

Bah quoi ?
par derIngenieur il y a 7 ans
Magnifique article Mr. LePlat.

Cela, c'est du journalisme sportif comme on l'aime, avec du récit, des stats, des témoignages, du romantisem ! super !

Et jolie chute (photo).
par Scholes453 il y a 7 ans
Arbebola ne mérite pas un article aussi long. Une brève sur twitter lui suffit vu qu'il aime twitter
par Le FC K il y a 7 ans
MerenGone déconne quand il parle d'Arbeloa.
par Heiseinberg il y a 7 ans
Greatest All Of Time
par God Riquelme il y a 7 ans
Comme tout les plus grands de ce sport Van Basten, Maradona , Zidane etc... il en fait partie surtout parce que dans des années on se rappellera encore de ces plus beaux but (le but à la diego vs Getafe , le sombrero vs arsenal, le slalom vs Madrid en C1 ) bref des trucs ou sur le direct tu te dis : "mais non c'est pas possible il va pas le faire" et pourtant si.

Même si personnellement ça me rend dingue que les gens le jugent quasi uniquement sur ces stats alors que pour moi c'est avant tout un créatif qui marque des buts et non l'inverse. Le bon contrôle , la bonne passe dans le bon timing bref jouer juste au contraire d'un CR7 qui va te bouffer la ballon la plupart du temps.
par Lmkt il y a 7 ans
Gilles François tu pourrais donner les liens des autres articles de ce format ? Merci d'avance
par Gilou il y a 7 ans
Bien sûr :

http://www.sofoot.com/et-a-la-fin-les-a … 85269.html

http://www.sofoot.com/a-l-ombre-des-heros-186879.html

http://www.sofoot.com/tu-sais-que-tu-es … 89086.html

D'autres sont en cours d'élaboration, et nous allons aussi travailler à leur mise en avant sur le site
par Momopt il y a 7 ans
C'est vraiment super beau ce format. L'équipe aussi le fait je crois. Bravo à So foot.
par GrahamHill il y a 7 ans
Super travail et très beau format. Bravo les gars !
par Aldosivimiamor il y a 7 ans
Bravo les gars ! j'ai pris mon pied à lire l'article. Merci.
par theyak il y a 7 ans
Est-ce que le putain est vraiment obligatoire?

Et putain vous saouler avec cet article.
par Youli il y a 7 ans
Même si le mélange texte-photos est joli, je trouve que l'interlettrage est si grand que ça rend l'article presque illisible. En tout cas j'ai vite scrollé perso.
par snappy il y a 7 ans
J'ai bien lu "attardé"? Non mais pardon vous êtes médecin ou journaliste? Vous vous prenez pour qui? Parce qu'on est timide et introverti on est attardé. Eh bien je dirai que dans ce cas je n'ose pas imaginer le QI des autres footballeurs puisque celui-là est le meilleur. 'Putain' effectivement! Étroitesse d'esprit SoFoot(ou attardé).
Important de finir par une bonne chute.