Que ce soit dans la rue, dans des clips, ou parfois même dans certains stades de Ligue 1, le survêtement du Borussia Dortmund a fait son trou dans le monde du streetwear français. Au milieu de ceux d’autres géants nationaux (PSG, OM) ou européens (Bayern, Chelsea, Barça, Milan...), le jogging jaune et noir du club de la Rhur est à son tour dans la lumière.

Par Andrea Chazy

Si vous vous baladez près du quartier Allezard, à Créteil dans le Val-de-Marne, rien ne sert de prendre un air étonné au moment de croiser des jeunes vêtus de trainings et maillots du Borussia Dortmund. Normal : Allezard, c’est le fief de Dan-Axel Zagadou, 20 ans, qui défend les couleurs du club allemand depuis bientôt trois ans. « Quand Dan revient à Créteil, son survêt’, tu peux le retrouver partout autour du lac, se marre Christophe Raymond, son ancien coach à Créteil. Je sais que son quartier est coloré de maillots parce qu’il revient avec des cartons de maillots de Dortmund. Je peux te dire qu’au quartier, il y en a pas mal qui portent les survêtements de son club. » En France, depuis quelques années maintenant, les voisins de palier de Zagadou sont loin d’être les seuls à se balader avec des vestes à l’effigie du Borussia sur eux.

Jul et les Frenchies

Depuis que Puma s’est associé au club de la Ruhr en 2012, pas mal de joueurs français ou francophones sont passés dans les rangs des Borussen : Ousmane Dembélé, Abdou Diallo, Pierre-Emerick Aubameyang, Raphaël Guerreiro… Pas étonnant, dès lors, que la marque au félin propose à son public français une gamme de produits digne d’un club de Ligue 1. Puma nous le concède : « Au-delà du supporter, Puma a identifié un consommateur plus « Sportstyle » sur le marché français : l’utilisation des produits à l’effigie du BvB ne répondait plus uniquement à un besoin « terrain », mais à un style vestimentaire créé par les consommateurs eux-mêmes et leurs influences (musique et culture urbaine). » Pour Frédéric Godart, sociologue de la mode, la stratégie de Puma avec Dortmund n’est qu’une des conséquences de l’implantation de plus en plus importante du sportswear en France depuis plusieurs années : 

La popularisation du survêtement de Dortmund en France n’est pas seulement le résultat des têtes pensantes de Puma. Elle s’est aussi faite via la culture foot, et le parcours jusqu’en finale de la Ligue des champions en 2012-2013 du BvB a son importance. Même si, ironiquement, le fait de ne pas être considéré comme un ténor historique du football mondial joue également en faveur du club allemand. Frédéric Godart : « Il y a aussi un élément de distinction. L’AC Milan, le Bayern ou le Barça, ce sont des clubs que tout le monde connaît et ce serait donc plutôt une marque de revendication, de fierté de porter les vêtements du club. Pour Dortmund, j’ai envie de dire que c’est plus « pointu », que ça peut afficher une certaine culture foot. » Mais qu’on se le dise : l’expansion du vêtement passe avant tout via la culture musicale et donc urbaine. Avec, dans le cas présent, une figure de proue issue de l’Hexagone qui a grandement participé à lui donner de la visibilité : Jul. « Je suis un gros fan de Jul et dans un son (Maria Maria avec Ghetto Phénomène, sorti en 2016, N.D.L.R.),il dit : « J’ai mon survêt du Dortmund. J’ai fait l’pain j’ai pas mis du Gucci » » , explique Cordon, un musicien qui s’est fait connaître sur Twitter en portant une veste du BvB. Il faut dire que le rappeur n’y est pas allé par quatre chemins pour donner de la visibilité au club de la Ruhr, qui n’en demandait certainement pas tant sur le plan marketing. S’il apparaît avec un maillot d’entraînement dans le clip de Maria Maria, qui comptabilise plus de 100 millions de vues à ce jour, le Marseillais n’a pas hésité non plus à appeler l’un de ses titres « Borussia » la même année. Forcément, ça aide.

Le Diable s’habille en Borussia

Comme certains détenteurs du survêtement jaune et noir, Cordon ne connaît pas du tout l’histoire du Borussia Dortmund. Il ne s’improvise d’ailleurs ni supporter ni connaisseur. « Je ne comptais pas l’acheter à la base, car je suis le plus gros footix du monde. Et puis, un jour, ma grand-mère m’a offert l’ensemble complet du Borussia Dortmund : la veste et le bas de survêtement, mais aussi le maillot floqué « Cordon 92i » , les chaussettes, les gants, la veste polaire… Je pense que ma mère a dû lui souffler le mot. » Un cadeau en or, puisqu’il lui permet aujourd’hui d’être identifié comme étant le guitariste au combo « lunettes de soleil + survêt de Dortmund » . L’intéressé abonde : « J’ai trouvé le cadeau marrant, et sur Twitter, à la base, je voulais sortir de l’image du guitariste un peu chiant en chemise avec les cheveux gras qui n’aime que le rock. Ça changeait de me montrer avec une veste du Borussia. »

Le style, pour finir. Comme pour tout vêtement qui se respecte, il prend une place importante au moment d’enfiler la bête, même si celle-ci n’a pas besoin d’être repassée avant d’être enfilée. Le mariage jaune-noir qu’elle offre est-il le garant d’un style absolu ? Pas forcément pour tout le monde. « Globalement, ce n’est pas d’une immense élégance, confie Marc Beaugé, rédacteur en chef du magazine de mode masculine L’Étiquette. Matière synthétique, coupe près du corps… C’est très risqué. Comment bien le porter ? C’est évident qu’il ira mieux aux garçons qui ont un corps de sportif. Pour le reste, je sèche un peu. Je conseillerais simplement d’éviter les extravagances. Par exemple, porter la veste de Dortmund avec un bas du Bayern serait une mauvaise idée. Avec un bas du PSG, aussi, en ce moment. En vrai, mon conseil serait le suivant : portez le survêtement du Borussia Dortmund uniquement si vous supportez vraiment le Borussia. Ou si vous êtes joueur là-bas. » Comme quoi, ce n’est pas si facile d’exister dans un bastion du luxe et de la haute-couture.

Par Andrea Chazy

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