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Yann Lachuer : « Si je jouais aujourd’hui, je serais en équipe de France »

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Yann Lachuer : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Si je jouais aujourd&rsquo;hui, je serais en équipe de France<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

À l'occasion du numéro anniversaire des 10 ans, So Foot est allé sur les routes de France, à la rencontre des « numéros 10 de province ». Ces footballeurs français chargés d'éclaircir le jeu des équipes de D1 dans les années 80-90. Carnot, Delamontagne, Moreau, Dedebant et... Yann Lachuer. Dont voici quelques extraits de l'interview, non publiés dans le magazine. Au menu de cette 1re partie, entre autres : Guy Roux, Paris et le bruit des crampons.

C’était dur, Auxerre, quand tu y es arrivé ? C’était dur, ouais, mais quelque part, j’avais pas fait de centre de formation et je l’ai fini là-bas. Ils repéraient beaucoup en Ligue 2 à l’époque. Je jouais à Créteil, j’avais 18 ans. Je suis arrivé quand l’équipe commençait à gagner, après la demi-finale contre Dortmund où Stéphane Mahé loupe le pénalty. J’ai attendu trois ans car, s’il n’y a pas de blessés, si l’équipe tourne bien, Guy Roux ne fait pas de turn-over. Cette année-là, ils m’avaient pris moi, (Christian, ndlr) Henna et Violeau de Ligue 2.

Tu pensais sincèrement pouvoir faire carrière à l’époque ? Moi oui, mais mes éducateurs, jamais. On parle de quotas, mais ça serait maintenant, jamais je passerais pro. J’étais pas grand, pas costaud. J’ai développé la technique. Guy Roux, la première fois que je l’ai vu, c’était dans le rond central de l’Abbé-Deschamps. Il aimait bien voir les parents. S’ils étaient un peu forts, il savait plus ou moins si le joueur allait être grand ou pas. Surtout pour les défenseurs ou les gardiens de but. Il avait raison.

Ça se passait bien, d’ailleurs, avec Guy Roux ? Guy Roux, il faut avoir du répondant. Il veut toujours avoir raison, il préfère bien s’engueuler et il passe à autre chose. Si tu t’effaces, il t’écrase. L’avantage d’Auxerre, bon maintenant, le foot a changé, mais c’était un club qui était tranquille, géré par deux personnes. Bourgoin s’occupait des transferts et au niveau sportif, il n’y avait qu’un référent, c’était Guy Roux. Il n’y avait pas de directeur sportif, pas de chef de presse, de je sais pas quoi. Quand t’arrivais à l’entraînement, bah t’arrivais à l’entraînement. Tu entrais sur le terrain et voilà. Si tu voulais prendre une photo avec un joueur, tu prenais une photo. C’était très simple et très sain. Tant qu’il y avait Guy Roux, c’était tenu. Quand Santini est arrivé, il a organisé des points presse. Les journalistes de là-bas, ça leur a fait bizarre. Les joueurs aussi.

La relation avec la PQR, ça se passait comment ? J’étais pas dans l’actualité. Au début, t’arrives de L2, tu joues pas vraiment. Après, si le journaliste de l’Yvonne Républicaine voulait m’interviewer, il demandait à Guy Roux. Quand t’es jeune, il te prend à part. Il te dit : « Écoute, quand t’es face à un journaliste, imagine-toi que t’es face à 200 000 personnes au stade de France et que tu fais un speech de 20 minutes. Parce qu’au-delà, tu racontes des conneries, tu dis des choses que tu voulais pas dire. » Maintenant, je sais pas comment il ferait avec les tweets… Les joueurs d’aujourd’hui, ils sont au courant de tout, du pipi caca de Beckham, mais ils savent pas qui ils rencontrent. Ça te surprend. En plus maintenant, ils parient sur les matchs. Même s’ils n’ont pas le droit…

Alors que toi, tu as vu l’arrivée des téléphones portables... À l’époque, quand tu avais un téléphone portable, tu te la pétais. Mon beau-père était agent Renault et à l’époque, quand t’achetais une bagnole, t’avais un téléphone. Donc avec les promos, j’en ai eu un gros, là, avec l’antenne. Mais t’avais des petits salaires par rapport à maintenant. À Auxerre, quand je suis arrivé, le plus gros salaire, c’était 100 000 francs-150 000 francs, maximum.

Ça t’aurait saoulé de ne pas réussir dans le foot et d’avoir une vie plus classique ? Pas saoulé, mais déçu. J’avais qu’une idée, être pro. À Créteil, en sports-études, j’ai eu un BEP CAP vente. Ça ne me plaisait pas. Je me suis laissé deux ans pour percer. Si ça marchait pas, je refaisais un bac pro et je me serais lancé dans la filière. Du moment que je jouais au foot, ça me suffisait. Le plus important, c’est de jouer avec les potes. L’huile camphrée, le bruit des crampons, les rituels… Je sais pas si vous vous rappelez du stade Pershing. Plein de terrains en enfilade. Les vestiaires, c’était des cages à lapin. Les équipes de corpo venaient là tous les 15 jours, ils venaient avec leurs sacs qu’ils posaient au bord du terrain. Moi, j’ai été bercé de ça. C’est pour ça aussi que j’ai bien aimé Auxerre.

Tu parlais de Bourgoin tout à l’heure. Un personnage lui aussi. Bourgoin, c’était un fou. Il nous emmenait en avion. Parfois, il n’avait pas encore le plan de vol qu’il décollait. On n’était pas encore attachés qu’il avait déjà décollé. On se déplaçait à deux petits avions. J’ai vécu l’aventure de la débrouille. Guy Roux en jouait : « Ils nous traitent de paysans, mais pendant ce temps-là, on est champions de France. » Il cultivait ce côté bordel organisé. Par contre, il était précis sur la diététique, on était un par chambre, etc. Pour les déplacements, y avait pas mieux que lui. Avec le code vigipirate, c’était moins facile, mais avant, on déposait le bus sur le tarmac avec les bagages. Aucun club ne faisait ça. Le match finissait à 10h30 et, à minuit, on était chez nous.

On est en pleine phase de reprise en ce moment. À Auxerre, c’était dur, cette période ? Avec du recul, je pensais cravacher, mais non. Par contre, on courait toutes les semaines. Avec Guy Roux, les séances étaient toutes les mêmes. Tu savais d’une semaine à l’autre ce que tu allais faire. D’ailleurs, c’était chiant. Quand tu lui disais de changer, il répondait : « Demande à Manaudou si elle change ses entraînements ! Elle fait des longueurs toute la journée ! »

« Boumsong, il aurait tué sa mère pour aller en équipe de France »

Pendant ton séjour auxerrois, t’es prêté à Châteauroux. Pourquoi ? J’avais fait 3 matchs et demi en pro et l’année d’après, ils font le doublé. Je dis : « Moi coach, je suis arrivé de Ligue 2, ça fait deux ans que je suis en CFA, prêtez-moi ! » « Non, non, non, non, l’année prochaine, on fait la Ligue des champions, je vais avoir besoin de toi, nanani, nanana. » J’étais dans un appartement et avec ma femme, on décide donc d’acheter une maison et un chien au mois de juillet. Au mois d’août, il m’appelle pas et à la rentrée : « Bon bah, tu peux partir. » « Comment ça je peux partir ? » « Ouais ouais, j’ai vu, il y a Châteauroux et Amiens qui te veulent, je te prête, tu peux partir. » « Vous vous foutez de ma gueule ? Il y a un mois, je vous ai demandé. Je déménage et tout… » Donc je suis resté 15 jours dans la maison, je suis reparti. J’ai été prêté à Châteauroux et on est montés. En guise de cadeau, on a eu une montre. À l’époque, je ne connaissais pas, c’était une Chopard. Bon c’était sympa, avec ton nom et tout ça, mais il y avait pas d’argent. C’est pour ça, c’était un autre monde par rapport à maintenant.

Tu t’es senti bien dans ton époque ou tu aurais aimé jouer à une autre période ? Si je jouais 10 maintenant, bon bah je serais plus riche et je serais en équipe de France, sûrement. Grenier, par exemple, j’étais à son niveau. Valbuena, Cabaye aussi… Pour moi, c’est une question de génération. On fait des stars de joueurs moyens. Ils ont pas la carrure, la personnalité pour assumer ça. Benzema, c’est pas une star. Ben Arfa, c’est pas une star. Nasri non plus. Pour moi, star, c’est Ibrahimović. Il est provocateur, mais il assume. Derrière, s’il se fait taper dessus, il passe au-dessus. Ils ont pas le niveau technique et mental pour gérer les attentes des spectateurs et de la presse… Bref, je signe à Paris un peu pour jouer la Coupe du monde. J’avais Parme, mais avant de partir à l’étranger, j’ai préféré passer une étape dans un grand club en France. Je suis dans les 30, mais pas retenu finalement. Et puis, en fait, Paris, c’est une année merdique.

Pourquoi Paris plus que Marseille ? Car je suis parisien, déjà. Je suis né à Champigny. Deuxièmement, quand j’étais à Châteauroux, Mister Denisot me suivait déjà. L’OM, il y avait Courbis qui m’appelait tous les jours, dès le mois de novembre : « T’es mon choix numéro 1. Si tu me plantes au mois d’avril, comment je fais pour mon choix numéro 2. Il faut que je sache. » « Bon Rolland, si tu veux une réponse maintenant, c’est non. » Il pensait déjà à sa saison d’après. De toute façon, j’avais un feeling avec Denisot. Je vais chez Canal, on se met d’accord et il me dit : « Ton contrat, je le mets là. » Au mois de mars, il m’appelle et me dit : « Je m’en vais de Paris. Si tu veux ton contrat, je le déchire. » C’était sympa. Donc j’arrive avec Mister Biétry. Charles, il m’aimait bien, mais il me met Okocha dans les pattes. Si Denisot restait, c’était Le Guen qui devait reprendre, et Le Guen est parti à Rennes. Donc voilà, tout avait changé.

À l’époque, le coach, c’est Giresse. Ça se passait comment ? Ça passait bien, mais il avait pas la carrure. Pour lui, comme pour sa génération, quand tu avais des bons joueurs, ça suffisait. On n’était pas complémentaires. Et surtout, Roche, Guérin, Fournier, Gava partaient… Il aurait fallu faire une transition entre les anciens et ceux qui arrivaient comme moi.

Tu le sens dès les premiers jours, qu’il y a une couille ? Dès le premier entraînement, j’ai une tendinite et je la traîne presque toute la saison. Donc je joue un peu diminué. Giresse se fait virer en septembre après une défaite contre Haïfa. Giresse nous présente l’équipe et il nous parle d’un petit joueur, 17 ans à l’époque. Il s’appelle Benayoun. Il dit : « Ouais, c’est un bon, mais honnêtement, ils dépasseront pas la moitié de terrain. » Je sais plus si c’est vrai ou pas, mais je crois qu’on lui a donné des infos sur l’autre équipe d’Haïfa. Donc tu vois déjà le truc…

C’était quoi, le problème de cette équipe ? Car sur le papier…Le problème, c’est qu’il y avait pas de cadre. Le seul, c’était Simone. Et pour la petite histoire, la veille de l’entraînement, il se met pas d’accord avec Biétry sur une revalorisation salariale. Il sèche la reprise. Moi, j’arrive d’Auxerre, je me dis : « C’est quoi ce bordel ? » T’as Okocha qui arrive. Biétry, lui, son rêve, c’était de faire le FC Nantes à Paris. Donc il prend plein du Nantais. Entre les anciens et les Nantais, ça se passait pas forcément bien. Ouédec, Loko, Carotti et compagnie. Donc l’équipe, ça part en vrille. Y a des joueurs qui t’ont impressionné là-bas ? Okocha ? Okocha, c’était fort, mais c’était pas efficace. C’était un joueur pour Paris, car il faisait lever le stade. Mais niveau efficacité, c’est zéro. T’as Simone qui était vraiment au-dessus. Quand il avait envie de jouer, il faisait la différence… Après, à Paris, il y a pas vraiment de joueurs qui m’ont impressionné, c’est plus à Auxerre. Mexès m’a impressionné quand il était jeune. Pour moi, c’était le plus talentueux de sa promo. Il avait tout. C’était le gamin qui sortait le premier du vestiaire quand il y avait le ballon, mais ça lui pétait les couilles d’aller courir en forêt. Mentalement, il va s’énerver vite. Dès qu’il est en situation d’échec, il va péter les plombs. C’est là qu’il a plafonné. Mexès, c’est marrant car, jeune, il avait pas envie d’aller en équipe de France. Des fois, il trouvait des excuses pour pas y aller, comme des blessures, alors que Boumsong, il aurait tué sa mère pour aller en équipe de France.

[…la suite demain avec la 2e partie…]

Propos recueillis par Maxime Marchon, Stéphane Régy et Michaël Simsolo, à Orléans

Les meilleurs extraits de l’interview sont à lire dans le reportage consacré à ces 10 de proximité dans le So Foot anniversaire.

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