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Worakls : « Le jeu du Barça, ce n’est pas du spectacle »

Propos recueillis par Matthieu Rostac
10 minutes
Worakls :  « Le jeu du Barça, ce n’est pas du spectacle »

Derrière le pseudo Worakls se cache Kévin Rodrigues, un jeune DJ parisien qui porte dans son cœur le FC Porto, l'équipe du Portugal circa 2006, l'animal Pepe et donc, le football avec des cojones. À défaut d'apprécier les tisseurs du Barça ou les Qataris du PSG.

Tu supportes une équipe en particulier ?

Mon équipe, c’est le FC Porto parce que j’ai des origines portugaises. Même si je suis né à Paris, c’est un club que je respecte beaucoup, qui est un peu à part. C’est un club très respectable quand il s’agit de vendre et surtout, de recruter ses joueurs. Des joueurs qu’on achète une poignée et qui finissent parmi les meilleurs joueurs du marché. Tous les ans, on est un peu le fournisseur officiel des grands clubs européens. C’est pas un gros club, ils ont juste 100 millions de budget comme une équipe lyonnaise ou marseillaise, mais ils sont toujours là sur la scène européenne et pas pour faire de la figuration. C’est toujours une belle équipe, c’est toujours dangereux de jouer le FC Porto. Ça m’a pris à la dernière époque du grand Porto, autrement dit quand Mourinho a gagné la Ligue des champions en 2004. Bien évidemment, je me suis passionné pour le foot à partir de 98, comme tous les gens de ma génération, mais l’idée d’être supporter d’un club me passait un peu au-dessus de la tête. Ça me dérangeait pas plus que ça de voir un match de Porto comme un match de Paris pour voir Ronaldinho ou Pauleta faire leurs conneries. La fibre du supporter, je l’avais à l’époque pour les équipes nationales : le Portugal et la France.

Donc pas de PSG pour toi, même si tu viens de Paris ?

Un club, c’est quelque chose qui doit avoir une vraie âme et je ne me suis jamais retrouvé dans le club du PSG. Aujourd’hui encore moins. Ils ont une belle équipe, ils jouent bien, c’est vrai. Mais je ne suis pas fan d’une équipe qui va s’acheter un championnat à coups de millions. Ce n’est pas ce qui me fait rêver. Alors que le FC Porto me fait rêver pour l’ingéniosité dont ils font preuve vis-à-vis de leur manque de moyens. Des clubs comme Saint-Étienne, comme Lens, comme Marseille qui ont une vraie importance en France m’intéressent déjà plus que Paris. Après, j’aime les trophées, j’aime la réussite. Par exemple, j’aime beaucoup le Real Madrid. Déjà parce qu’il y a beaucoup de Portugais au club. Il y avait encore Mourinho il n’y a pas si longtemps. Il y a Cristiano que tu es obligé d’aimer, Pepe que j’adore et aussi Coentrão. En fait, toute l’équipe me fait rêver. Contrairement au Barça que je n’aime pas beaucoup. Je n’aime pas leur style de jeu. Le Real Madrid a des contre-attaques fulgurantes et j’aime le jeu qui va vers l’avant, qui va vite. Les actions bien construites, c’est joli aussi, mais faut pas que ça soit pendant des heures. Le jeu barcelonais de ces dernières années, ce n’est plus de la construction, c’est endormir l’adversaire. Et si je regarde du football, c’est avant tout en tant que spectateur. Donc je veux voir du spectacle, et le jeu du Barça, ce n’est pas du spectacle. C’est une stratégie qui est bonne, qui a fait ses preuves, mais qui ne me fait pas rêver. Je serai toujours plus fasciné par un Neymar qui va en faire neuf fois trop pour finalement faire un dribble de malade la dixième fois plutôt que voir quarante passes entre deux défenseurs centraux.

Tu es donc l’une des rares personnes à aimer Pepe…

Tout à fait. Je pense que Pepe est sous-évalué. Le problème, c’est qu’il a fait deux, trois conneries – pour ne pas dire trois, quatre – et on s’est attardé dessus, donc on garde cette image de Pepe. Mais si je ne dis pas de conneries, il passe en ce moment d’un statut de guerrier à celui de Monsieur Propre. Sa stat actuelle, c’est un carton toutes les 170 minutes, quelque chose comme ça. Ce qui est très loin de sa réputation. On peut dire ce qu’on veut, mais Pepe, c’est un des meilleurs centraux du Real Madrid et, par conséquent, du monde.

C’est quand même une saloperie, Pepe. Il est vicieux, non ?

Je pense pas qu’il soit si vicieux que ça. Tu as des joueurs comme Müller qui sont bien plus vicieux que lui, par exemple. Pepe, en revanche, il a des couilles. Des cojones. Il n’est pas du genre à se faire marcher dessus, mais de là à dire qu’il est vicieux… Tous les défenseurs sont un peu vicieux, au final. Si tu peux mettre un petit coup de coude pendant que tu sautes à la tête ou une petite poussette sans que l’arbitre le voit, qui ne va pas le faire ? Moi, ça ne me choque pas plus que ça. Effectivement, on le voit dans une vidéo marcher sur un joueur et c’est un pétage de câble inexcusable, mais on a trop souvent tendance à garder ça en tête. C’est comme si on avait donné une mauvaise réputation à Zidane parce qu’il avait mis un coup de tête en finale en 2006. Oui, c’était pas bien, mais on ne l’a pas fait passer pour un vicieux, un taré, etc. Zidane aussi a marché sur un joueur en 98 contre l’Arabie saoudite. Bon, il avait pris un rouge, mais on n’en a pas fait tout un plat. Je vais faire un parallèle avec Cristiano. On a envie de lui donner une image qui ne reflète pas forcément la réalité. Cristiano, il est un peu mal aimé. J’entends : « Oui, il est orgueilleux ! » Et alors, ce qui compte, c’est ce qu’il fait sur un terrain, non ? C’est pas comment il va être avec sa meuf ou son chien chez lui. C’est quand même l’un des deux meilleurs joueurs du monde, voire le meilleur selon le point de vue. S’il est aussi bon, c’est aussi parce qu’il croit fort en lui, je pense.

C’est peut-être symptomatique de l’équipe du Portugal plus généralement. Une équipe qu’on n’a pas forcément envie d’aimer. Non ?

Le problème des Portugais, voire de l’Europe, c’est qu’ils ont tendance à en demander trop à cette équipe du Portugal. Il ne faut pas oublier que c’est un pays de dix millions d’habitants. C’est un petit pays, mais dans la tête des gens, le Portugal, c’est toujours une grosse équipe. Au même titre que les Pays-Bas, d’ailleurs. Et une fois sur deux, ça plante. Ça dépend de l’interprétation qu’on en fait. On va te dire que cette année, Cristiano n’a rien fait, que la Coupe du monde des Portugais, c’était une catastrophe. Je suis d’accord : c’était pas brillant. Mais d’une part, le groupe n’était pas facile et d’autre part, si on remonte quatre ans en arrière, qui n’était pas brillant ? En 2010, on arrive en huitièmes. La France, elle, n’a rien fait. En ce moment, je pense qu’on est en pleine reconstruction avec des joueurs qui se refont, à l’image de Nani. On a ENFIN un sélectionneur qui a lâché le 4-3-3 en sachant qu’on n’avait pas d’attaquant au niveau pour jouer dans ce système. Le match contre la France a été très bon. On devait perdre, mais pas de beaucoup. Après, il ne faut pas croire, on peut parler de désamour pour cette équipe, mais avant chaque compétition internationale, il y a toujours un drapeau devant la fenêtre de chaque Portugais, tout le monde devant la télé ou au stade. Ça reste un peuple fervent. Bon, c’est vrai qu’on a un peu tendance à en faire trop pour notre pays. Mais en même temps, on est un peu ignorés de l’Europe. Sans parler de foot obligatoirement. On est bloqués dans un coin où il n’y a pas grand-chose et il y a l’Espagne entre nous et le reste de l’Europe. Mettre des drapeaux, les revendiquer, tuner les voitures aux couleurs du pays, ça fait partie du folklore.

L’Euro 2016, il est pour vous, du coup ?

Je m’attends à un bel Euro, ça c’est sûr. Mais honnêtement, je pense que ce sera pour la France. Je ne serais pas vraiment étonné de voir une finale France-Portugal au même titre qu’une finale France-Allemagne. Cristiano sera toujours en état de faire de belles choses. À voir le travail qui va être accompli sur les deux prochaines années. Et surtout, il y a beaucoup de Portugais en France, donc on ne sera pas complètement à l’extérieur. On sera un peu chez nous aussi !

Du coup, si la France gagne contre le Portugal, ce sera une nouvelle souffrance pour vous après 2000 et 2006, non ?

Eh oui ! La bête noire du Portugal, c’est la France, hein ! La main d’Abel Xavier m’avait mis hors de moi, mais la défaite la plus douloureuse reste celle de 2006 parce qu’on avait la meilleure équipe de la Coupe du monde. Face à la France, le Portugal était meilleur. On avait du Figo, du Deco, on avait un sélectionneur pas dégueulasse, à savoir Luiz Felipe Scolari. Pour moi, on devait passer. En même temps, c’est toujours difficile le match France-Portugal pour moi. Je ne suis pas à 100% et uniquement supporter du Portugal, je supporte aussi la France. Donc quoi qu’il arrive, je serai très content et très déçu à la fois.

Enfin, après la boucherie contre les Pays-Bas en huitièmes, vous méritiez pas de gagner en 2006…

Je ne sais plus combien de cartons il y avait eu, mais c’était n’importe quoi. Le match s’est emballé. On s’est retrouvés avec deux équipes qui voulaient passer en quarts et qui en avaient les moyens. Personne ne voulait lâcher. C’était la guerre. C’étaient plus des joueurs, les acteurs de ce match… C’était horrible. Mais en même temps, est-ce que ça n’est pas sur ce match que Maniche met un magnifique but ? Donc même si c’était une boucherie, c’était une belle façon de faire taire les Hollandais !

Quel joueur, ce Maniche !

Fabuleux. On en garde d’autant plus un bon souvenir aujourd’hui parce que c’était pas un joueur mainstream. Pas le mec qu’on attendait forcément, pas celui au centre de tout. Un mec très bon, mais pas une star internationale. Si on peut l’avoir aujourd’hui à la place de Meireles en équipe du Portugal, franchement, je signe ! Meireles, il n’a plus le niveau. Pendant la Coupe du monde, il n’y était pas… Et avec son look à la con, s’il fait une connerie, tu te rabats dessus. Tu tacles le physique direct ! Ceci dit, il m’a beaucoup fait rire – de manière un peu stupide, d’ailleurs – pendant la Coupe du monde : il s’amusait à faire des doigts à l’arbitre pendant qu’il avait le dos tourné. Là, je me régalais. Le côté grande gueule du Portos qui n’en a rien à foutre. En revanche, pour compter sur lui pour faire la dernière passe à Cristiano, là, il n’y a plus personne…

Revenons à cette fameuse meilleure équipe portugaise. L’Euro 2004, il doit être pour vous, non ?

Le plus grave, c’est que dans cette histoire, la Grèce nous bat deux fois. En poule, puis en finale. J’étais en famille pour la finale. On était tous dans le sous-sol d’un de mes oncles. On devait être, je sais pas, cinquante à être comme des malades avec les maillots, les écharpes, etc. On s’était mis bien avec de la bouffe portugaise… Et puis putain, non ! On perd chez nous le seul titre qui était vraiment à notre portée depuis toujours. On n’a eu aucun titre avec la sélection A de notre histoire, donc là… Après, la Grèce élimine la France aussi. Comme quoi, les Grecs ont un peu été sous-estimés par tout le monde et finalement, ils ont fait le taf.

On parle beaucoup de mauvais souvenirs, mais quel serait ton meilleur souvenir de foot ?

Ah bah je pense que c’est la victoire de la France en 98. J’en ai d’autres, des souvenirs, comme la victoire de Porto en Champions League. Mais cette victoire de la France, c’était de la folie ! On ne parlait plus que de ça : à la télé, dans les journaux, entre nous… À chaque match, tu avais une histoire incroyable qui ressortait : les deux buts de Thuram face à la Croatie, la demi-volée de Blanc contre le Paraguay dans les arrêts de jeu. Chaque match, c’était ric-rac. Une pression incroyable. On aurait voulu écrire un scénario plein de suspense et de rebondissements, on n’aurait pas mieux fait que la Coupe du monde 98, je crois. Et à la fin, on se retrouve en finale contre le Brésil. Avec un Ronaldo qu’on croit en pleine bourre, on craint Roberto Carlos. On ne pouvait pas rêver d’une finale au plus haut niveau. Et on les bat 3-0, putain !

Worakls sera en concert ce soir, le 31 octobre, au Docks des Suds de Marseille pour le festival We Are Together Le Facebook de Worakls

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Propos recueillis par Matthieu Rostac

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