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Wilfried Oheneba : « En étant éducateur, j’ai l’impression de servir à quelque chose »

Propos recueillis par Maxime Renaudet
6 minutes
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Entraîneur adjoint des U14 du Havre, Wilfried Oheneba (27 ans) est aussi assistant d’éducation dans un collège, arbitre officiel, président d'un club de futsal, rappeur et bientôt sapeur-pompier volontaire. Entretien avec un touche-à-tout qui n'a pas attendu ses 30 ans pour remplir son emploi du temps.

Qu’est-ce qui t’a poussé à devenir entraîneur à seulement dix-sept ans ?En gros, j’ai commencé le foot assez tard, en benjamin. Disons que j’ai l’avantage de connaître mes points forts et mes points faibles : par rapport aux objectifs que je m’étais fixés quand j’étais plus jeune, j’ai préféré arrêter et commencer à entraîner.

C’étaient quoi, tes objectifs ? Rejoindre un centre de formation ?Oui, voilà, c’était l’idée. Dans l’aspect mental et athlétique, je répondais présent. Mais techniquement et tactiquement, j’avais de grosses difficultés. Ce n’est pas tellement gênant, quand tu joues en DHR ou en DH. Mais dès que tu commences à monter en National, ça se complique. Donc à seize ans, je jouais et j’entraînais un petit peu aussi. J’ai commencé à y prendre goût, l’US Tréfileries m’a laissé une équipe, et petit à petit, j’ai commencé à aller au HAC. Au départ, j’étais dirigeant. Je me suis formé, j’ai passé des diplômes, et on m’a proposé de devenir adjoint des U14 il y a maintenant trois ans.

Comme je le dis aux joueurs, je les vois plus que mes propres enfants.

Qu’est-ce qui te plaît dans le métier d’éducateur ?J’ai l’impression de servir à quelque chose. On a tous eu des jobs d’été où tu as l’impression d’être exploité, et où il n’y a pas de reconnaissance. Alors qu’être entraîneur, c’est gratifiant, car tu es là pour former des joueurs qui aiment le foot. Tu essayes aussi de véhiculer la meilleure image possible de la ville. Aujourd’hui, beaucoup de gens le savent, mais c’est quand même important de rappeler que le point fort du HAC, c’est son centre de formation. Le HAC vit de ça comme Paris peut vivre de sa Ligue des champions, de ses ventes de places ou de ses maillots.

Tu te considères comme entraîneur ou éducateur ?L’intitulé de mon contrat, c’est entraîneur en préformation. Mais moi, je me considère comme éducateur sportif. Paul Le Guen est entraîneur, comme le coach des U17 et des U19. Malgré le fait qu’ils fassent aussi le travail qu’on fait chez les petits, il y a à un moment le côté pragmatique du terrain. Nous, ce côté-là, on l’a aussi, mais on développe beaucoup le côté social. C’est important pour faire grandir les joueurs. Comme je leur dis, je les vois plus que mes propres enfants. C’est-à-dire qu’après l’école, je les vois. Le week-end, on est ensemble. Quand ça ne va pas, il y a des joueurs qui peuvent m’appeler tard le soir ou le matin. Quand il y a des problèmes à l’école, on est là. C’est ça, que j’aime bien : rendre service à la personne.

Quand mes anciens formateurs me diront que je suis prêt à être entraîneur, je pourrai dire que je suis entraîneur.

Quelle est ton ambition dans ce métier ?Je sais que je ne suis pas prêt et que j’ai encore du travail, je dois encore me former. Quand mes anciens formateurs me diront que je suis prêt à être entraîneur, là, je pourrai dire que je suis entraîneur. Après, quand je dis entraîneur, c’est un travail à plein temps. Quand le match se termine le samedi, le lendemain, il faut être déjà sur le prochain match. Il faut gérer les joueurs blessés, observer les catégories du dessous et du dessus. Sans oublier les programmations de séance la semaine. Au HAC, un entraîneur ne dort pas.

Mais quand on a 27 ans et qu’on est entraîneur adjoint des U14 du HAC, on rêve forcément d’être un jour sur le banc d’un club pro…Oui. Après, je n’oublie pas d’où je viens et les personnes au club qui m’ont fait confiance depuis le début. Celles qui m’ont formé, aidé et mis des charges quand il fallait ou félicité quand c’était bien. Aujourd’hui, si le club estime que j’ai encore besoin de travailler, je travaille encore. S’il estime demain que je suis prêt à prendre une équipe, ça voudra dire que je suis prêt. J’écoute mes anciens formateurs, mais ça ne doit pas m’empêcher d’aller charbonner et de continuer à vivre. Je ne peux pas vivre du foot, parce que j’ai encore du travail. Ça, je le comprends. Mais il faut que je puisse vivre, car je suis père de famille. Aujourd’hui, avec mon statut d’entraîneur adjoint, je ne suis pas à plein temps au club. À côté, j’ai d’autres activités.

On aime bien dire « Que des numéros 10 dans ma team« . Moi, je suis plus numéro 6.

Lesquelles ?Je suis assistant d’éducation dans un collège et arbitre officiel. Même si tout est stoppé avec le virus, j’ai aussi monté un club de futsal et un studio de musique, parce que je fais de la musique aussi. Et puis en ce moment, je suis en train de me former pour être sapeur-pompier volontaire.

Tu fais du rap sous le nom Léonart. Tu as sorti le 29 janvier dernier ton premier album sur lequel deux titres parlent de foot, notamment ton son « Killian ». C’est un jeune que tu as connu ?
Oui, c’est un joueur que j’apprécie beaucoup. Après, pour rester pro, je n’ai pas mis son vrai prénom. C’est un petit qui m’a beaucoup marqué dans son état d’esprit, son travail, les charges qu’on a pu lui mettre… Même d’où il vient, ça m’a marqué. C’est un jeune qui bosse beaucoup, je me reconnais en lui. Lui a eu la chance d’avoir des qualités techniques et tactiques lui permettant d’être aujourd’hui sur la bonne voie, il n’est pas encore professionnel, mais il est toujours au HAC. Son histoire m’a beaucoup inspiré pour écrire cette musique.


Tu as aussi écrit un morceau sur Paul Pogba et le poste de numéro 6, pourquoi ?Aujourd’hui, on aime bien dire « Que des numéros 10 dans ma team ». Moi, je suis plus numéro 6. Le récupérateur, celui qui prépare le jeu et qui est toujours disponible quand il y a besoin. C’est le cerveau ! Aujourd’hui, Pogba, dans le jeu, quand il est au top de sa forme, c’est l’exemple à prendre. À côté de ça, on est de la même génération. J’ai même joué contre lui, quand j’évoluais à l’US Tréfileries.

J’ai fait des tafs à la chaîne, j’ai été cariste et je n’ai pas fait le fainéant.

Comment le rap est-il entré dans ta vie ?C’était une passion. Je viens d’un quartier, « Chicago », où on écoute beaucoup de musique, j’avais des grands frères qui chantaient… Donc on tombe vite dedans. Avant, je sortais un truc tous les six mois. Mais avec le confinement, j’ai pris le temps de retravailler des morceaux. Cet album, c’est vraiment une carte de visite. La musique reste un plaisir, mais je veux que ce soit bien fait.

Tout ce que tu entreprends, ce sont des trucs qui te font kiffer ?Exactement, c’est l’objectif que je me suis toujours fixé. J’ai fait des tafs à la chaîne, j’ai été cariste et je n’ai pas fait le fainéant. Je me suis rendu compte que l’argent, c’est bien, mais à un moment donné, il faut aussi rentrer chez soi avec le sourire et pas en ayant mal au dos ou en ayant passé une journée de merde après s’être levé à 5h. Je respecte les gens qui le font et je ne crache pas dessus, mais j’ai envie de faire d’autres choses.

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