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Vis ma vie de stagiaire au PSG
Être supporter du PSG tient du masochisme. Être joueur au PSG est un chemin de croix. Et être stagiaire au PSG est loin d’être une sinécure. Voici la tranche de vie (imaginaire) d’un précaire dans un club qui pèse 300 millions d’euros. Ou presque.
« Hamad ben Khalifa Al Thani ! L’émir du Qatar est Hamad ben Khalifa Al Thani. » La directrice des ressources humaines se renversa sur son siège et me dit : « Parfait ! On vous prend. » Je me félicitais d’avoir potassé l’histoire du Qatar. Dans le bureau voisin, une convention de stage tout juste imprimée m’attendait. Je la parcourais rapidement. Je serais chargé de seconder le directeur marketing, Michel Mimran, durant six mois à raison de 35 heures par semaine contre une rémunération de 436 euros et 5 cents, sans ticket resto, ni remboursement de titre de transport. « Ça vous va ? » , s’enquit la RH. J’opinais du chef en me disant qu’il devait faire bon vivre à Tirana avec ce salaire. En couchant ma signature au bas de la convention, je repensais à mes quatre entretiens, à la cohorte de candidats qu’il avait fallu vaincre, à mon test de personnalité, mon thème astral, l’étude de ma posture et mon bilan sanguin qui s’était révélé parfait hormis un peu de mauvais cholestérol. Tout cela m’avait conduit au sommet. J’entrais dans la grande famille du PSG. Par la petite porte certes, mais j’y entrais tout de même.
Ma mission était simple : j’étais chargé de la campagne d’e-mailing des matchs au Parc des Princes. Avoir une adresse mail à mon nom se terminant par @psg.fr me remplissait de fierté. Puisque personne ne m’avait accueilli depuis lundi, je décidais d’aller à la rencontre de mon supérieur. « N’y va pas. Il y a des tempêtes et des naufrages » , m’avait conseillé Simon, un stagiaire visiblement fan de Goldman. « J’irai au bout de mes rêves » , lui répondis-je. En plus, il était hors de question qu’un pantalon à pince me moule l’entrejambe pour rien. Au seuil du bureau, je toquais à la porte, entendis un grommèlement en forme de laissez-passer et entrais. « Je suis Michel Mimran. Qui êtes-vous ? » , lâcha-t-il sans décoller son regard de l’écran. Je déclinais mon état civil et ma nouvelle fonction tout en admirant sa chevelure poivre et sel et sa barbe argent. « OK. Écoute, j’ai pas trop le temps là, je dois rendre sexy Chantôme. Je bosse surtout par mail, donc perds pas ton temps à marcher jusqu’à moi. Sinon, sache que le PSG est une marque. Grosso merdo, je veux que tu convertisses notre base de sympathisants en acheteurs de ticket. Fais le job ! » Je le saluais et m’attelais à la tâche. Arrive l’heure de la pause clope. « Ça fait longtemps que j’ai pas goûté une Marlboro, je peux t’en taxer une ? » , me demanda Simon, fébrile. Il était stagiaire depuis quatre mois et lui aussi se pliait à la mode transalpine à l’instar de Verratti et Sirigu. « Depuis que je suis là, je bouffe que des pâtes. Bon, je sais les accommoder de plusieurs façons. »
J’ai pondu mon premier mail : « ZLATAN VOUS ATTEND » . Je n’étais pas peu fier de l’effet du titre. Toujours aucune réponse de Mimran à ma proposition. Les deux roulées grillées en bas de l’immeuble ne calmèrent pas mon stress, alors, d’un pas résolu, je me rendais à son bureau. « Je suis Michel Mimran. Qui êtes-vous ? » , demanda-t-il tout en tapant sur son clavier. Je déclinais identité et fonction ainsi que l’objet de ma visite. « Faut pas me déranger pour ça. Ton mail doit être dans mes spams entre une pub pour du viagra et une offre d’allongement de pénis. Je checke tout ça et je te tiens au jus ASAP. » Le soir-même, j’allais à une pendaison de crémaillère où je tâchais de reprendre les kilos perdus au buffet. C’était avec un air blasé feint que je disais bosser au PSG. On me bombarda de questions : « T’as des places gratos ? » , « Quand est-ce que Ancelotti baisse son sourcil ? » , « Tu peux m’avoir un maillot ? » , « Il est vraiment méchant, Zlatan ? » , « Il y a moyen qu’ils te filent un CDI ? »
Simon a résilié son stage. Il a accepté un CDD chez Mc Do. Un nouveau tournant dans sa carrière puisqu’il sera équipier. « Au moins, je pourrais bouffer des frites et de la viande. Et même du poisson ! » , salivait-il d’avance. Je l’enviais presque. Le 7 du mois, j’étais déjà raide, à découvert. Heureusement que je pouvais compter sur la thune de ma grand-mère, ses courriers étaient mes Western Union.
Aujourd’hui, j’ai croisé Mimran. Il ne m’a pas vu, bien que le couloir fasse moins d’un mètre de large. C’est vrai je ne suis pas épais et il devait être perdu dans ses pensées d’homme décisionnel. Un petit nouveau – visage poupin et dents longues – bardé de diplômé est arrivé. Ce remplaçant de Simon, fort de son précédent stage chez Nespresso, a cru bon d’aller apporter du café à notre directeur marketing. Quelques minutes plus tard, on a reçu un mail : « Afin de ne pas perturber ma concentration qui atteint déjà 130% de sa capacité à 8 heures du matin, flirtant avec des sommets que jamais vous n’atteindrez, je vous prierais de vous abstenir dorénavant de venir me serrer la main à votre arrivée au bureau, très tardive j’ai noté. Sous peine de devoir immédiatement organiser votre pot de départ. » Le nouveau a transféré le mail au Parisien en disant : « Tu vas voir, ça va faire le buzz ! » J’aurais pu le tuer rien que pour l’emploi du mot buzz et j’étais maintenant certain que cet imbécile avait dit à la RH que travailler au PSG ne serait « que du bonheur » . Loin de l’ambiance électrique, je me constituais une clope à base de tabac récupéré sur quatre mégots différents. Le service marketing connaissait aussi la crise de novembre. Ce club a vraiment une culture profondément ancrée. Pour ma part, je fumais ma cibiche en lisant Le capital. Encore trois mois à tenir…
NB : Ce texte n’est qu’une fiction, tout coïncidence avec des faits réels ne serait que pur hasard.
Par Adrien Ares