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Victor Zvunka : « Je n’ai jamais revu cette finale face au PSG »

Propos recueillis par Maxime Brigand
10 minutes
Victor Zvunka : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je n&rsquo;ai jamais revu cette finale face au PSG<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Aujourd'hui installé au Bénin, où il est, à 71 ans, le manager du Coton Sport FC, Victor Zvunka sera devant sa télé, vendredi soir, pour voir son ancienne Berrichonne défier le PSG en 32es de finale de la Coupe de France. Forcément particulier pour celui qui était sur le banc castelroussin lors de la finale de l'épreuve perdue en 2004 face au club parisien. Entretien nostalgie.

Si vous aviez la possibilité de ressortir un moment du 29 mai 2004, lequel ce serait ? Un moment simple, mais qui est encore gravé dans ma mémoire. Je suis assis par terre, le dos contre l’un des poteaux du Stade de France, abattu par la déception. Un peu moins de vingt ans plus tard, je n’ai toujours pas revu cette finale. Je refuse de le faire parce que je suis encore persuadé que ce match-là, on doit le gagner. Sur le moment, ça m’a miné parce que j’ai gagné une Coupe de France avec l’OM, en 1976. Je sais donc ce que représente une victoire dans cette compétition, la joie que ça peut apporter aux supporters qui ont fait le déplacement jusqu’à Paris…

Comment l’aviez-vous préparé ? On était partis deux jours avant, en mise au vert, à Chantilly. Avec le recul, je pense que c’était peut-être un peu trop tôt. On s’est mis une pression supplémentaire, qui a sans doute été un peu lourde à supporter. On a voulu sortir un peu du cadre, on a été voir des écuries, on a été se promener, et je pense que tout le monde s’est un peu dispersé. Malgré ça, le groupe a bien préparé ce match, même si on a dû faire face à plusieurs petits événements. Entre la demi-finale contre Dijon et cette finale face au PSG, on a eu cinq journées de championnat, dont une à Istres, où Sébastien Roudet se claque, et une à à Saint-Étienne, où Marc Giraudon, mon arrière gauche titulaire, se pète le tendon. Marc-Éric Gueï a aussi eu un accident de voiture sur la route entre Châteauroux et le centre d’entraînement. Physiquement, le groupe n’est donc pas arrivé à Paris dans ses meilleures conditions, et je n’ai pas pu aligner mon équipe type. C’est comme ça, ça fait aussi partie du foot, comme la découverte d’un événement aussi marquant émotionnellement. Dans le onze de départ, seuls Teddy Bertin et Jimmy Algerino avaient déjà connu une finale.

L’occasion de jouer une finale de Coupe de France quand tu es la Berrichonne de Châteauroux, elle ne passe pas cinquante fois.

Quel impact ça a concrètement eu selon vous ? Durant la finale, le groupe n’a jamais vraiment été inhibé. Non, mais sur plusieurs séquences, on a perdu notre sens du collectif. J’ai trouvé les garçons plus gourmands sur certains gestes, qu’on a parfois cherché à se mettre davantage en évidence individuellement que collectivement. C’est pourtant notre unité qui nous a aidés à éliminer Monaco en quarts de finale, puis Dijon derrière… Et je le redis : c’est d’autant plus frustrant qu’on a eu des occasions pour marquer lors de cette finale.

Tout n’a pas été si fluide dans le parcours. Il y a notamment un match à Valence, où…… où c’est un petit miracle. (Rires.) On a été menés deux fois, on a été jusqu’à la séance de tirs au but et c’est Roméo Calenda, un ancien de la Berri, qui rate le tir au but qui nous qualifie pour les huitièmes. Il y a des saisons comme ça où les événements tournent de ton côté. Lors des huitièmes, on joue Créteil, qui aligne une équipe B. Derrière, on joue l’AS Monaco, et même si c’est un exploit, elle avait surtout la tête à son parcours en Ligue des champions. Puis pour la demi-finale, on a quand même de la chance au tirage au sort parce que dans le saladier, il y a le PSG, Nantes et Dijon. Je me souviens avoir écouté le tirage à la radio et je me revois entendre Nantes, prier pour ne pas entendre notre nom parce que je ne voulais pas aller à l’extérieur… C’est finalement le PSG qui tombe et derrière, c’est nous. Parfait, on reçoit Dijon, qui est à l’époque en National, et je saute de joie.

Et derrière ?Derrière, c’est le match de l’année. Pour le club, la ville, c’est presque le rendez-vous d’une vie. On ne peut pas se planter. L’occasion de jouer une finale de Coupe de France quand tu es la Berrichonne de Châteauroux, elle ne passe pas cinquante fois. Tu ne peux vraiment pas t’imaginer comme j’ai préparé ce match… Je n’ai jamais préparé un match comme ça. J’ai été voir Dijon cinq fois, au stade, j’ai noté toutes les combinaisons de jeu, tout, tout, tout. Ce match-là s’est joué trois ans après une élimination avec Lausanne face à Yverdon en demi-finales de la Coupe de Suisse. Je ne voulais pas revivre ça. Je ne l’avais pas assez bien préparé et pour Dijon, j’y suis allé à fond la caisse. Résultat, on l’a plié en une mi-temps avec un Roudet en feu, dans un Gaston-Petit blindé… Magique. C’est aussi pour ça que j’ai ce regret pour la finale de ne pas avoir pu avoir Roudet à 100%, mais ça m’a servi pour la suite. Pour le parcours avec Guingamp en 2009, j’ai beaucoup plus géré les joueurs.

Vous parlez beaucoup d’un enchaînement d’événements heureux, mais ce groupe a toujours dégagé un esprit fort, aussi. Oui, parce que son histoire est forte. Il ne faut pas oublier que la Berrichonne n’est pas passée loin du dépôt de bilan au début des années 2000. On est revenu me chercher en 2003, j’ai accepté parce que j’avais des attaches, un lien avec ce club, cette première belle expérience… On a formé un groupe là-dessus, avec nos moyens, quelques anciens comme Jimmy Algerino, des locaux. On a bricolé quelque chose et ça a bien pris, même si à la base, on voulait juste faire une saison correcte. D’ailleurs, on a fait cette finale en 2004, mais la saison d’après, on ne passe pas si loin de monter en Ligue 1, avec une encore plus grosse équipe.

Aujourd’hui, dès que j’ai un moment de liberté, je vais à Châteauroux.

Vous comprenez aujourd’hui le lien que vous avez réussi à créer avec Châteauroux, une ville où vous n’aviez aucune attache ? C’est étrange, c’est vrai, mais je me suis tout de suite bien senti avec tout le monde. À un moment, je jouais avec quelques anciens dans une équipe de vétérans, on mangeait tous ensemble… Au total, j’ai quand même coaché le club plus de 150 matchs. Il y a eu des hauts, des bas, des engueulades, des joies, et aujourd’hui, dès que j’ai un moment de liberté, je vais à Châteauroux. Je me promène dans la ville, tout le monde me connaît, alors que la première fois que je suis venu, je ne connaissais rien. J’étais juste venu jouer deux fois quand j’étais joueur au Matra Racing : une fois en Coupe d’été, une autre quand on est montés en D1, en 1984. Notre dernier match s’est joué à Châteauroux. On gagne 4-0, on rentre aux vestiaires, on croit qu’on termine champions de notre poule, mais entre-temps, Tours égalise contre Dunkerque, et on doit faire les barrages. On a quand même réussi à monter, mais c’était mon premier lien avec la Berrichonne. Quand j’étais à Laval, il m’arrivait aussi de passer en voiture par Châteauroux. Je dormais souvent à la sortie de la ville lorsque je retournais sur Marseille.

Que reste-t-il aujourd’hui de la fierté d’avoir fait monter toute la ville à Paris ? Une grande joie, mais il y a aussi une petite déception, que je n’arrive toujours pas à m’expliquer. On a fait cette finale de Coupe de France, mais j’ai eu la sensation que la mairie n’a pas pleinement pris la mesure de cet événement, de ce qu’on a pu apporter à toute une ville, toute une région. Le lendemain de la finale, on est arrivé à Gaston-Petit, 50 supporters nous attendaient sur le parking, mais aucune réception. Rien. Au revoir, à l’année prochaine. Ça m’est resté en travers de la gorge. Quand on sait ce qu’il a pu se passer dans d’autres villes comme Calais, Quevilly… Il y a eu la fête malgré la défaite. Chez nous, il n’y a rien eu. Tout s’est arrêté très brutalement, très froidement. Finalement, la vraie fête, ça aura été l’après demi-finale : on s’est promené dans Châteauroux très tard, on a été en boîte de nuit…


Avez-vous revu ou relu des choses sur cette aventure ces derniers jours ? J’ai vu que le club avait fait une petite série avec des anciens, notamment Armindo Ferreira. C’est la première fois que je revois des images de la finale. J’ai donc repensé aux occasions dont on parlait tout à l’heure. Par exemple, j’ai revu la frappe d’Algerino en fin de match que Letizi sort bien. J’ai aussi revu le tournant du match, le fait que le corner qui amène au but de Pauleta vienne à la suite d’une erreur d’appréciation de Wissam El Bekri. Puis, je me suis refait le fil. La veille du match, les gars étaient dans le vestiaire et prenaient des photos. Ils se disaient : « En 1998, il y avait tel mec à cette place… » Je me souviens aussi que notre médecin avait été tirer des penaltys sur la pelouse. On était dans notre petit rêve, quoi. (Rires.) Une scène m’est également revenue à l’esprit : à la mi-temps de la finale, je sors du vestiaire, je veux aller aux toilettes et au niveau de la douche, je vois El Bekri se remettre du gel. Derrière, il nous fait cette erreur fatale. Je lui ai mis une avoinée. (Rires.) Des petits flashs sont revenus ces derniers jours, des petits détails, des petites scènes. Je me suis, par exemple, aussi revu demander à l’arbitre de mettre un carton à Ljuboja parce que j’avais repéré qu’il portait un petit collier… Mais bon, il n’avait rien à faire de Zvunka et de la Berrichonne.

Vous vous êtes sentis petits ? Oui, naturellement, mais c’est logique. En face de nous, c’était le PSG. Nous, ça dérangeait un peu qu’on soit là. Je reste encore convaincu qu’ils étaient au bout du rouleau, ils s’étaient arrachés pour terminer deuxièmes du championnat, on avait un cadeau à ouvrir… Mais bon, on peut refaire l’histoire des heures : on a perdu. On a été touchés sur le moment, mais la déception n’est, quelques jours plus tard, pas la même que lorsque tu perds contre une équipe de ton niveau. Ça nous a quand même soudés à vie et on a encore connu de beaux moments ensemble : deux matchs de Coupe de l’UEFA contre Bruges, le 5-5 à Troyes… Finalement, j’ai presque tout connu avec ce club.

Tout, même. C’est vrai. La D1, la D2, le National, l’Europe, une épopée, des saisons extraordinaires, avec des joueurs extraordinaires : Lachuer, Mayélé, Dufresne, Adam… La saison du titre de champion de deuxième division, en 1996-1997, a été la plus belle. Parfois, on avait la sensation que les mecs jouaient ensemble depuis des années, que c’était télépathique. Je pense même que cette équipe était plus forte que celle qui a joué en D1 la saison suivante.

Quel est aujourd’hui votre rapport au club ?Je continue de suivre la Berrichonne de près, ici, au Bénin. J’ai toujours régulièrement mes amis du coin au téléphone. Je continue de lire les journaux locaux. Je suis très déçu de voir le club où il est aujourd’hui. Châteauroux, c’est la deuxième division. Là, ce qui est aussi triste, c’est que la base de supporters s’est un peu éteinte. Je crois plus globalement qu’on ne reverra plus jamais ce qu’on a vu. On a quand même vu passer Algerino, Fernandez, Bertin, Mboma, Roudet, Mansouri… Châteauroux n’attirera plus ce genre de phénomènes. Le foot a changé, les joueurs préfèrent partir à l’étranger, ne veulent plus forcément être prêtés. Le dernier talent à part que le club a vu passer, c’est Saïd Benrahma. Ce match face au PSG nous ramène un peu de nostalgie, celui d’un club qu’on aime, qu’on a envie de voir revenir au premier plan, même si ça sera compliqué. Je vais quand même essayer de le trouver à la télé ici, même si le PSG ne m’a jamais porté chance : cette finale, une autre défaite avec Gueugnon au Parc en 2007 alors qu’on domine, qu’Hoarau a des occasions pour nous qualifier… Ce n’était pas pour moi. (Rires.)

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