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Un nouveau Totonero ?
La nouvelle fait l'effet d'une bombe : Beppe Signori a été arrêté ce matin. L'ancien buteur en série du Calcio serait au centre d'une organisation de paris clandestins. Des rencontres de Serie B et C auraient été conditionnées pour permettre aux parieurs de miser de grosses sommes d'argent. Ça sent mauvais.
Un fantôme vieux de trente ans terrorise depuis ce matin le football italien. L’information est tombée dès les premières heures comme un couperet : Beppe Signori, l’ancien attaquant de la Lazio Rome et de Bologne, a été arrêté par la police. Non, le joueur n’a ni tenté de violer une femme de chambre, ni de masser les pieds de sa secrétaire. « Beppegol » serait au centre d’un réseau de paris clandestins. Il n’en faut pas plus pour qu’un mot né un soir de mars 1980 ressorte des almanachs : Totonero. Les faits. Signori, grand amateur de paris devant l’éternel, n’est pas seul. Sept personnes sont déjà en prison, et neuf, dont l’ancien buteur, sont assignés à domicile. En tout, ce sont 28 personnes (douze sont encore libres, ndlr), parmi lesquelles d’actuels dirigeants et joueurs de catégories inférieures, qui sont mises en cause. Chacune aurait joué un rôle dans cette « organisation criminelle » , dont l’objectif était de manipuler des matches (accords verbaux et pots-de-vin, ndlr) pour pouvoir miser de grosses sommes sur le résultat final. Quelques heures après l’arrestation de Signori, d’autres noms tombent. Mauro Bressan. Vincenzo Sommese. Stefano Bettarini. Et par dessus tous, celui de Cristiano Doni, le capitaine de l’Atalanta, qui aurait eu une place prépondérante dans cette affaire. Trois matches de l’Atalanta, tout juste promue en Serie A, auraient d’ailleurs été conditionnés. « Le football n’avait vraiment pas besoin de ça en ce moment. Néanmoins, il faut rester prudent et prendre toutes les informations avec des pincettes tant qu’elles ne sont que supposées » commente Demetrio Albertini, vice-président de la Federcalcio. La peur d’un inéluctable effet domino ?
Évidemment, ces accusations ne sont pas sorties de nulle part. La police de la ville de Cremona débute son enquête il y a six mois, très exactement le 14 novembre 2010, à la fin d’un match de Serie C entre la Cremonese et la Paganese. Au terme de cette rencontre, cinq joueurs de la Cremonese sont victimes de légers malaises. Les analyses effectuées à la Polyclinique mettent en évidence la présence de benzodiazépine dans les urines, un calmant généralement prescrit dans le traitement de l’anxiété et des troubles du sommeil. La police se met sur le coup et découvre que cette histoire est bien en rapport avec une affaire de paris, avec au centre, l’ancien gardien de la Cremonese, Paoloni. Les joueurs auraient été drogués pour influencer le score final. En remontant le réseau, la police finit par atterrir sur des groupes organisés de parieurs milanais, bolognais, slaves et tsiganes. Puis, le 19 mars, un match entre l’Atalanta et Piacenza attire tout particulièrement leur attention. Les carabiniers pistent Cristiano Doni, de l’Atalanta, et Carlo Gervasoni, de Piacenza, tous deux désignés comme de potentiels cerveaux des parieurs. L’Atalanta s’impose 3-0, le deuxième but étant inscrit sur penalty, suite à une faute grossière de Gervasoni sur Doni. Coïncidence, Beppe Signori avait misé 60.000 euros sur cette victoire. À peine grillé.
« Je viens chez toi, tu comprends? »
L’affaire fait immédiatement tache d’huile. Outre les matches de l’Atalanta, certaines parties de Siena sont également incriminées. Le juge en charge de l’enquête, Guido Salvini, lance d’ailleurs une première bombe dans la matinée. « Cette organisation risque d’avoir fausser le résultat des divers championnats. Il suffit de penser que l’Atalanta et Siena ont été récemment promues, et qu’il s’agit de deux des équipes impliquées » affirme-t-il. Des accusations qui rendent dingue le coach de l’Atalanta, Stefano Colantuono. « Mettre en discussion notre championnat et celui de Siena est une blague, il n’y a pas d’autres mots. Je vous invite tous à revoir les matches incriminés pour vous en rendre compte. Quant à Doni, il ne ferait jamais du tort à l’Atalanta. Je répète : c’est une blague, une blague et basta » , affirme-t-il à TuttoMercatoWeb. En même temps, on l’imagine mal affirmer : « Oui, c’est vrai, on est de gros tricheurs et on vous emmerde » . Même si ce serait bien plus drôle.
Dans un premier temps, donc, seules des rencontres de Serie B et de Serie C (Lega Pro) sont mises en cause. Puis boum. Une deuxième bombe. Le juge Salvini dévoile que Signori aurait placé un tout petit billet de 150 000 euros sur l’issue du match entre l’Inter et Lecce, le 20 mars dernier. Le fameux Paoloni aurait fait croire aux parieurs qu’il allait convaincre les joueurs des Pouilles de se laisser battre par trois buts d’écart. Au final, le match se termine sur le score final de 1-0, alors que le 3-0 avait fait exploser les cotes. Paolini aurait clairement été menacé pour ses mauvaises prophéties. « Tu me payes 13.000 euros, sinon ce soir, je viens chez toi, tu comprends ? Je viens chez toi ! » peut-on entendre sur l’un des coups de fil anonymes laissés au portier. Quant à Signori, huitième meilleur buteur de l’histoire de la Serie A, il a été interrogé ce matin pendant deux heures. Un interrogatoire sur lequel il n’a pas souhaité faire de commentaires. « Ayez pitié, je ne peux rien dire. Je vais voir mon avocat et il parlera pour moi » , a-t-il uniquement lâché à l’ANSA. Confirmation par le silence que l’heure est grave. Signori sait sûrement que lors du tristement célèbre Totonero, en 1980, les équipes inculpées (Milan AC et Lazio Rome, ndlr) avaient été reléguées en Serie B. Ce n’est donc, peut-être, que le début d’un nouveau cataclysme.
Par Eric Maggiori
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