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« Un jour ou l’autre, le 10 à l’ancienne reviendra à la mode »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix, à Vigo
11 minutes
« Un jour ou l’autre, le 10 à l’ancienne reviendra à la mode »

Double buteur dimanche contre la Bosnie, Nolito, auteur de 39 buts en trois saisons de Liga avec le Celta Vigo, pourrait bien être le vrai invité surprise de l'Espagne à l'Euro. Entretien avec un esthète au rire à la Jamel Debbouze.

« C’est votre première fois à Vigo ? Bienvenue ! » Quand le chauffeur de taxi enregistre la direction à suivre pour se rendre au centre d’entraînement de la Madroa, la route se transforme rapidement en une succession de montées et descentes. La ville a beau être en bord de mer, le chemin est vallonné, et cela se ressent. Arrivé au sommet d’une grande colline, le chauffeur indique le portail d’entrée du centre d’entraînement du Celta Vigo. Bleu ciel, évidemment. En levant la tête, le vrai ciel est à l’image du béton : gris. Une fois rentré dans le complexe, le panorama offre une vue imprenable sur les terres de la Galice verdoyante. Pas le temps d’assister à l’entraînement, il vient tout juste de se terminer. Après un petit moment d’attente à la cafeteria du club, Nolito arrive douché, deux sacoches dans les mains et gel dans les cheveux, histoire de bien fixer sa coupe aérodynamique. Le sourire facile, le milieu offensif lance la conversation d’un « Bonjour ! » teinté de l’accent espagnol. L’interview va se faire là, entre trois chaises et une table rouge, sponsorisées Coca-Cola.

Tu t’appelles Manuel, mais on te connaît plus avec ton surnom, « Nolito » . Ça vient d’où ? Petit, on m’appelait déjà « Manolito » (le petit Manuel, ndlr), puis ensuite « Lolo » et enfin « Nolito » . Dans ma famille on fonctionne beaucoup avec les surnoms, c’est affectif. C’est resté, même si aujourd’hui les médias me surnomment parfois « Noligol » , quand je suis en forme !

Tu es né près de Cadiz, en Andalousie. Comment c’était là-bas ?J’ai grandi à Sanlúcar de Barrameda. Mes parents sont tous les deux andalous, même si mon grand-père a dû quitter la région pour trouver du travail. Il s’est retrouvé à bosser sur des chantiers navals en Allemagne, c’était à la fois un ouvrier, un marin, un cuisinier…

J’avais des frères et sœurs, mais c’était particulier. Vu que mes parents s’étaient séparés, j’ai grandi avec mes grands-parents.

Il prenait le travail qu’on lui offrait, quoi. Mais cela n’a duré qu’un temps. Au final, il est retourné en Andalousie… Je vivais dans un quartier humble, travailleur. J’avais des frères et sœurs, mais c’était particulier. Vu que mes parents s’étaient séparés, j’ai grandi avec mes grands-parents. J’ai aussi bien connu mes oncles, je les voyais comme des frères. J’avais aussi deux frères et trois sœurs du côté de ma mère, mais je me sentais plus proche de mes oncles, sûrement parce que j’étais l’aîné. On était 7 ou 8 à vivre dans un petit appartement. Ce n’était pas le grand luxe, mais nous étions heureux.

Tu as arrêté l’école à 15 ans, alors que tu n’étais même pas sûr de passer pro à l’époque. Une fois que j’ai laissé les cours, j’ai dû commencer à travailler. Du coup pendant six mois, j’ai travaillé comme charcutier, je tranchais la viande ! (rires) Il fallait bien aider la famille… Je bossais six heures par jour, puis je me laissais du temps pour aller m’entraîner l’après-midi. Je gagnais trente euros par semaine, c’était de l’exploitation pure et dure, tout ça pour des « flamenquines » ! (recette traditionnelle cordouane, ndlr) Très franchement à cette époque-là, le football était juste un hobby. Je jouais en niveau amateur, je ne gagnais pas d’argent… J’étais à mille lieux de penser que j’allais gagner ma vie avec ça. À l’Atlético Sanluqueño, ou j’ai débuté, il y avait aussi Jurado (ancien de l’Atlético de Madrid, aujourd’hui à Watford, ndlr) Nous étions assez proches sur le terrain. On ne se prenait pas la tête, on s’amusait avant tout. Quand il pleuvait, on plongeait dans les flaques d’eau, on s’en foutait.

Pour toi, tout bascule lors d’un match de Coupe du Roi, lorsque l’Ecija Balompié, affronte le Real Madrid (1-1) de Beckham, Ronaldo ou Van Nistelrooy. Marquer contre les Galacticos à ce moment-là, cela a changé ta vie ? J’avais joué 20 ou 25 minutes dans ce match.

J’avais 19 ans, je jouais en D3, et je marque contre le Real Madrid ! Il n’y avait que des stars au Real, putain !

Toute la famille était là. Moi j’avais 19 ans, j’étais un joueur de troisième division, je ne jouais pas beaucoup, alors marquer contre le Real Madrid, c’était tout simplement hallucinant. Il n’y avait que des stars au Real, putain ! (rires) Ce but m’a donné confiance. La saison suivante, j’ai plus joué, j’étais meilleur, et la réserve du Barça est venue pour me faire signer.

Pourquoi avoir choisi le Barça B ? C’était le premier gros club à s’intéresser à moi. Cela me permettait de franchir une nouvelle étape dans mon parcours de footballeur professionnel, et dans un coin de ma tête, je me disais que si je devenais performant, j’aurais la possibilité de jouer pour l’équipe première. Ce choix, c’était l’un des plus importants de ma carrière. J’ai beaucoup appris et je ne le regrette pas du tout. C’était difficile, parce qu’il fallait s’adapter à un nouveau système de jeu dans lequel je n’avais jamais joué. Cela a pris un certain temps, mais j’ai fini par trouver ma place et devenir important au sein de la réserve.

À cette époque, le coach, c’est Pep Guardiola. Quels souvenirs tu en gardes ? C’était une source d’inspiration pour moi, un joueur que j’admirais quand je regardais les matchs du FC Barcelone.

Guardiola, Luis Enrique… Ces personnes me permettaient de progresser chaque jour.

L’avoir face à moi, c’était impressionnant, ça me touchait. Mais avec le temps, j’ai commencé à travailler avec davantage de tranquillité. Je jouais avec lui, j’apprenais avec lui. Je prenais de plus en plus de plaisir. Guardiola, Luis Enrique… Ces personnes me permettaient de progresser chaque jour. Luis Enrique m’a plus enseigné, parce que Guardiola est vite parti. J’étais beaucoup plus proche de Luis Enrique, même si globalement, tous mes entraîneurs dans ma carrière m’ont apporté quelque chose. Passer par la case Barça m’a appris énormément de choses sur le football. Sans ce club, je n’en serai sûrement pas là aujourd’hui.

Finalement tu fais vraiment tes débuts dans l’élite avec Benfica.J’avais 24 ans, et je voulais goûter au plus haut niveau, même si au départ, Jorge Jesus ne comptait pas sur moi.

Malgré tout, tu as battu un record détenu par Eusébio himself, en marquant un but lors des cinq premiers matchs de la saison. Comment tu expliques que les choses se soient compliquées par la suite ? J’ai bien commencé, c’est vrai, mais ensuite, je ne sais pas ce qu’il s’est passé… Vraiment, je ne sais pas. Ce que j’ai ressenti, c’est que le club ne m’accordait pas beaucoup d’importance, que je n’allais plus jouer comme je l’espérais. Au bout d’un an et demi je me suis donc fait prêter.
Tu rejoins Grenade ou évolue notamment Yacine Brahimi. En France, aucune équipe n’est arrivée à exploiter son potentiel… Qu’est-ce qu’il manque à la Ligue 1 pour se rapprocher du niveau de la Liga d’après toi ? Le championnat espagnol, c’est le meilleur championnat du monde. C’est mon opinion, hein. Nous possédons le vainqueur de la Ligue des champions, le vainqueur de la Ligue Europa…

Le championnat espagnol, c’est le meilleur championnat du monde. C’est mon opinion, hein. Nous possédons le vainqueur de la Ligue des champions, le vainqueur de la Ligue Europa…

Cela signifie beaucoup. Mais ne pas profiter d’un talent, cela arrive dans tous les championnats, pas seulement en France. Personne n’est prophète en son pays. Parfois, il est possible de percer à l’étranger parce que les conditions te conviennent mieux. Le football reste un sport avec un ballon, quel que soit le lieu où tu le pratiques. Certains mettent l’accent sur la technique, d’autres sur l’impact physique, mais les deux ne sont pas incompatibles : regarde Silva ou Mata en Angleterre, ce ne sont pas des monstres physiques, mais ils sont bien intégrés en Premier League… Pour ma part, j’aurais pu signer à Everton (à l’intersaison 2014-2015, ndlr), mais j’ai préféré prolonger avec le Celta Vigo, c’était la meilleure solution.

Selon toi, pourquoi la technique prime sur le physique en Liga ? Parce que la technique, demande beaucoup de gestuelle. Les gens aiment l’art, ils sont attirés par cela. C’est comme quand tu regardes une corrida, tu vois ? (Il mime le geste du torero.) Les gens aiment les petits ponts, les dribbles, les choses douces. Quand un joueur est pris en sandwich, c’est tout de suite moins glamour. C’est un sentiment universel. Les gens viennent au stade et paient leur entrée pour voir jouer les beaux joueurs, et non l’impact physique.

Pourtant, il y a de moins en moins de n°10…La tactique évolue, et un jour où l’autre, le 10 à l’ancienne reviendra à la mode, j’en suis convaincu. La vérité, c’est que j’aimerais pouvoir jouer en 10 tout le temps ! (rires) Toi t’es français, t’aimais bien voir jouer Zidane, non ? Il t’apportait beaucoup de bonheur j’imagine… Voilà un grand maître de l’art.

Tu peux jouer sur le côté, en pointe, voire carrément en numéro 10. Quel est ton vrai poste ? Depuis tout petit, j’ai toujours joué au poste de meneur de jeu. La défense, ce n’était pas mon truc. Mais à mon arrivée au Barça, j’ai changé de position, car ce club ne joue pas avec un vrai 10. Je suis devenu un faux 9.

Petit, j’aimais être celui qui frappait au but ou contre le mur. On organisait des cinq contre cinq dans mon quartier, en deux buts gagnants. On était une trentaine de gamins, il fallait batailler pour rester sur le terrain !

Ensuite, Luis Enrique a décidé de me placer sur le flanc gauche de l’attaque. À Vigo, j’ai la capacité de jouer des deux façons. Parfois, le coach choisit de jouer avec deux 10 et il me place à ce poste avec Fabián (Orellana, ndlr). D’autres fois, le coach me place sur l’aile gauche, où je suis habitué à jouer. Après, si l’on me demande quel est le poste que je préfère, je dis meneur de jeu. Quand on se retrouve entre amis en vacances au bord de plage, je peux me retrouver en défense, pour déconner… Mais là où je me sens le mieux, ou je peux vraiment m’exprimer, c’est sur le front de l’attaque. Petit, j’aimais être celui qui frappait au but ou contre le mur. On organisait des cinq contre cinq dans mon quartier, en deux buts gagnants. On était une trentaine de gamins, il fallait batailler pour rester sur le terrain ! De mes amis d’enfance, je dirais même que certains étaient plus talentueux que moi. Mais ils n’ont pas percé pour différentes raisons : la flemme de l’effort physique, le goût de la fête… Ce sont ces mêmes potes qui m’ont poussé à devenir footballeur, d’une certaine façon.

Vigo, c’est le club qui t’a permis de connaître ta première sélection avec l’équipe d’Espagne l’année passée. Tu es maintenant appelé régulièrement. Qu’est-ce que tu ressens ? La première fois que le sélectionneur m’a appelé, j’ai appris ça à la radio et par des amis. J’étais choqué. Tu as toujours l’espoir d’être appelé, mais quand tu entends ton nom, c’est là que tu réalises vraiment. C’est une immense joie, à chaque fois. Représenter l’Espagne, mon pays, c’est la meilleure chose qu’il me soit arrivé dans ma vie. C’est le fruit d’un travail de plusieurs années, de sacrifices aussi. Tu te souviens des moments difficiles, des personnes qui t’ont aidé à faire tout ce chemin…

Tu imagines quel Euro pour l’Espagne ? On ne se privera pas pour aller au bout ! Si on rencontre la France en finale, on ne vous laissera aucun trophée… Ah si, le trophée en bois ! (rires)

En dehors du football, qu’est-ce que tu aimes faire ? J’adore le flamenco.

Je suis fou de cette musique, j’en suis presque malade ! Depuis tout petit, je mets la radio à fond quand du flamenco passe sur les ondes.

Franchement, je suis fou de cette musique, j’en suis presque malade ! Depuis tout petit, je mets la radio à fond quand du flamenco passe sur les ondes. Je profite aussi de mon temps libre pour aller voir des spectacles de flamenco au théâtre. Beaucoup de mes amis le pratiquent et jouent de la guitare merveilleusement bien… Le flamenco en Espagne, c’est une institution. Ça fait partie de notre patrimoine. Ici, les jeunes le dansent toujours, sa notoriété est encore très grande.

Tu sais le danser, toi ? Quand ça se met à danser, disons que je préfère observer. En revanche, je chante. Quand on célèbre un anniversaire, dans une réunion familiale ou en petit comité, je me lâche. Mais certains de mes amis sont bien meilleurs que moi à ce niveau… Ma femme aime bien aussi, ça aide pour le chanter à la maison.

Depuis plusieurs mois, la rumeur t’annonce au Barça. C’est là-bas qu’on va te retrouver après l’Euro ?Je ne sais pas. C’est clair que le Barça, ça reste le Barça. J’ai reçu un excellent traitement de leur part quand j’étais là-bas, même si j’ai connu des moments compliqués parfois. Mais pour l’instant, je suis à Vigo. Ce qu’il se dit sur moi, je n’y fais pas attention. Si le Barça souhaite me recruter, qu’il parle avec mon propriétaire, le Celta Vigo.

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Propos recueillis par Antoine Donnarieix, à Vigo

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