« Je suis Kylian, pas Hazard »
Jouer, c’était pourtant ce qui l’attendait malgré son caprice d’ado et sa grimpette imitation Tarzan. Il faut dire que la baraque familiale de Braine-le-Comte, à une heure de la frontière française, jouxtait le stade communal du Sans Fond. Mais avant de se révéler, Kylian a gambergé. Énormément douté. En 2013-2014, il pataugeait grave en Proximus League (D2 belge) au Royal White Star Bruxelles managé par John Bico, alias l’agent d’Eden et de Thorgan, et se demandait s’il devait arrêter les frais. « Mon frère [Eden, ndlr] a été élu meilleur joueur du foot français à 17 ans. Moi, on me regarde et on me dit : "Tu fais quoi à 19 ans ?" On pourrait peut-être me laisser le temps. Moi, je ne suis pas un génie comme lui et je l’assume pleinement. Après une saison pareille, si je ne m’appelle pas Hazard, je crois que j’arrête le foot. Si je m’appelais euh... "Jean Dujardin", ce serait pas la même chose. » Pression patronymique qu’il partage avec son copain Jonathan Benteke, éclipsé par Christian chez les Reds.
Heureusement pour Kylian, Újpest lui laisse carte blanche. Trois ans de contrat. Seize titularisations sur 19 matchs de championnat au pointage du 24 décembre. Deux buts pré-trêve (reprise le 13 février, car on se les gèle sévère) dont une demi-volée du droit crucifiant le gardien du Honvéd lors de la 11e journée (21/11). Plus un cadeau bonus avant Noël : le scalp du « Fradi » , ennemi héréditaire des « Lilák » et leader du classement, défait 1-0 dans son ultramoderne Groupama Aréna. Pour le petit Hazard, Budapest est le tremplin qu’il espérait. Un joli pied de nez à ceux qui l’accusent de capitaliser sur son prestigieux état civil sans forcer. Une façon d’exister au-delà des ombres envahissantes de ses frangins. Des états d’âme de Thorgan en Allemagne. Du moral en berne d’Eden à Chelsea. Ou des rumeurs persistantes annonçant l’aîné au Real de Zizou d’ici la clôture du mercato. Le Magyar d’adoption opine : « En Hongrie, je peux jouer incognito. Là, je suis Kylian et pas Hazard. »
Chouchou de Duchâtelet
Bon, certes, le Nemzeti Bajnokság I (D1 locale) n’a rien de la Bundesliga ou de la Premier League. Les meilleures teams du coin, du genre « Fradi » , franchissent rarement les tours préliminaires d’Europa. Le dernier exploit notable remonte à 1985 : finale d’UEFA perdue 2-1 par le Videoton face aux Merengues. De son côté, Kylian a un quart de Coupe de Hongrie à préparer contre le Tiszaújvárosi FC (17 février), une deuxième place à protéger et un rang à tenir. Pas si naze pour un mec de vingt piges. Un mec qui aimerait revoir les siens plus souvent, mais qui ne regrette pas son expatriation. Au grand dam de maman, prof de sport dans un collège. Un mec convaincu par les ambitions des Violets de Duchâtelet (revivre l’âge d’or des 70’s, rien que ça) et qui séduit le taulier du banc, Nebojša Vignjević. Le technicien serbe lui adresse régulièrement des louanges sur le refrain du « il y a quelque chose en lui » . Kylian sait qu’il est épié, guetté au tournant, et se décarcasse sous la tunique mauve. Maître Roderick apprécie son job et croit à un avenir radieux pour le jeune padawan : « A Újpest, Kylian obtient les moyens de progresser. Il peut évoluer dans de bonnes conditions et devrait désormais se concentrer sur son jeu. Quand on regarde ses performances, ça se voit qu’il est en excellente forme, même s’il se montre irrégulier par moments. Si son niveau s’équilibre et si sa condition ne faiblit pas, il aurait de quoi partir d’ici à la vitesse de l’éclair, car son talent est évident. » Aujourd’hui, Kylian s’éclate en Hongrie, où les hivers et la langue sont rudes. Quitte à peiner Carine.
Par Joël Le Pavous
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