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Torres, divorce à l’amiable

Par Maxime Brigand
5 minutes
Torres, divorce à l’amiable

Revenu en janvier 2015 à l'Atlético avec le rêve d'y finir sa carrière, Fernando Torres s'apprête à quitter le club en fin de saison. Sale histoire du temps qui passe.

Au bout d’une question en trois temps, Diego Simeone et ses cernes d’homme en plein réveil avaient prévenu dès le 21 février dernier. « Non. » Sur le moment, le barreur de l’Atlético de Madrid n’a pas vraiment fusillé du regard son interlocuteur : c’était autre chose, c’était le retour à l’essence du foot, ce que Juan Villoro a un jour décrit comme un « état d’âme » . D’où le chagrin, sentiment que le supporter de foot se voit dépoussiérer à fréquences régulières. C’est la bougie qu’on éteint, l’horloge du temps qu’on casse en deux, le fil de l’histoire qu’on coupe : Simeone a beau sortir les pagaies pour tenter de remettre à l’équilibre une conférence de presse organisée quelques heures avant la réception du FC Copenhague, en Ligue Europa, le coup fatal a déjà été tiré. Torres et l’Atlético, ça va se terminer. Et c’est un autre acte qui s’ouvre sous nos yeux : la question n’est plus de savoir si ça va continuer, mais plutôt de voir comment ça va s’arrêter, ce que ces gens vont ressentir. Qui ? Ceux qui attendent encore chaque jour, à la sortie de Cerro del Espino, pour une photo, un signe du Niño.

Diego Simeone ne s’en est jamais caché : après chaque entraînement, c’est encore aujourd’hui près d’une centaine supporters de l’Atlético qui ne viennent que pour ça. Pourquoi ? Fernando Torres ne peut se cacher : « Je suis arrivé alors que le club était en D2, à un moment où l’Atlético avait besoin d’une lueur d’espoir. De quelque chose de différent… D’une certaine manière, j’incarnais ce renouveau. Je venais de fêter mes 17 ans. Combien de joueurs se seraient cassé les dents à ma place ? Un paquet. » C’était le début des années 2000. Aujourd’hui, Torres a 34 ans et c’est le temps qui passe, ce que Raúl a été au Real. Et c’est un homme transformé en malle à souvenirs qu’on s’apprête à sortir des planches : « J’avais dans l’idée de raccrocher mes crampons ici. Je me sens en forme et je veux continuer à jouer quelques années, deux, trois, cinq, je ne sais pas… Et je chercherai cela ailleurs. »

La toupie et le banc

Alors, on pose le métronome et on attend que la toupie s’arrête de tourner. Le contrat de Fernando Torres prendra fin le 30 juin prochain et ce sera la fin. Parce qu’à choisir, Diego Simeone préfère « se dépouiller pour qu’Antoine Griezmann reste » à l’Atlético. Rien d’illogique : cette saison, le Français a déjà planté vingt-cinq buts toutes compétitions confondues et a même encore claqué entre les cuisses du Real au Bernabéu dimanche dernier (1-1). En janvier 2015, c’est face au même Real que Torres avait repris l’écriture de son roman avec un club dont il est devenu fan en écoutant les histoires d’un grand-père qui refusait de regarder les rencontres des Colchoneros à la télévision sous prétexte qu’il ne pouvait « infliger ça à ses nerfs » . On imaginait alors celui qui a glissé l’Euro 2008 dans le bec de l’Espagne finir sa carrière chez lui. Pourquoi s’accrocher ? Depuis le mois d’août dernier, Torres n’a été titularisé qu’à trois reprises en Liga et n’a inscrit que sept petits buts toutes compétitions confondues pour l’Atlético. Et on a retrouvé sa version de Chelsea, celle d’un joueur qui découvrait alors la vie d’un remplaçant. C’est-à-dire ? « Être titulaire et se battre pour être titulaire, ce n’est pas pareil. Il faut lutter contre beaucoup de choses pour sortir du banc, parfois même contre soi-même, expliquait-il alors il y a quelques années. Le joueur que j’étais, celui qui démarrait tous les matchs en tant que titulaire, me manque beaucoup parfois. »

Le sentiment Atlético

Voilà pourquoi Torres était revenu à l’Atlético au début de l’année 2015, accueilli par plus de 45 000 personnes : pour rebrancher le contact. Car de son propre aveu, le joueur de foot « n’a pas le droit de baisser les bras. Et le plaisir est beaucoup plus important quand tu t’es battu, sans relâche pour quelque chose qui paraissait, au début, inaccessible. L’Atlético, c’est ça. C’est comme la vie. » C’est la vie, car supporter l’Atlético, c’est savoir chuter et se relever, c’est « un sentiment » comme lui disait son grand-père. Pour lui, c’était aussi Jesus Gil, Luis Aragonés – le même Aragonés qui, à quelques minutes du début de la finale de l’Euro 2008, a plaqué Torres contre un mur et lui a dit : « Vous allez marquer deux buts, Fernando, et vous allez montrer à tout le monde que vous êtes le meilleur » –, mais aussi Manuel Briñas, homme qui a un jour découvert l’ancien joueur de Liverpool. Le même que Fernando Torres avait invité pour célébrer son centième but inscrit avec l’Atlético le 6 février 2016, contre Eibar. Le même qui lui avait dit qu’il pouvait devenir l’élu du peuple dans une forme de seul-contre-tous qui correspond parfaitement à ce club. Il y aura une vie à l’Atlético après Torres et lui ne s’accrochera pas à son poste. Par respect, par amour du jeu. Alors, le 20 mai prochain, tout s’arrêtera, sur un clin d’œil face à Eibar. Quatre jours plus tôt, le Niño aura peut-être remporté la troisième Coupe d’Europe de sa carrière après une C1 en 2012 et une C3 grattée l’année suivante. Après, ce sera, qui sait, la Chine ou la MLS. Restera les souvenirs et la mémoire. Celui d’un fils devenu roi.

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Par Maxime Brigand

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