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Timber Joey, un sacre à la tronçonneuse
Il est le supporter le plus fameux de la Major League Soccer nord-américaine : Timber Joey, de son vrai nom Joey Webber, est un inconditionnel de Providence Park à Portland, l’antre des champions d’Amérique en titre. A chaque but marqué par son équipe, il découpe un rondin de bois à la tronçonneuse face à la tribune des ultras. Tout l’art de l’entertainment à la sauce US.
C’est plus fort qu’eux : les Américains ne peuvent pas s’empêcher de faire différemment du reste du monde. Le football, ils appellent ça le soccer. Leur championnat, c’est une ligue fermée. Leurs clubs, ce sont des franchises. Et ce sport, comme tous les autres, il importe plus que tout de l’enrober de grand spectacle. Du strass, des paillettes et… une tronçonneuse. Oui, parfaitement, une tronçonneuse dans l’enceinte d’un stade, tenue par le plus fou des supporters de MLS : Joey Webber, aka Timber Joey. Un drôle d’hurluberlu, à mi-chemin entre le fan ultra et la mascotte. Un personnage qui est le deuxième de la famille « Timber » . Car avant Timber Joey, il y a eu Timber Jim, Jim Serrill de son vrai nom, qui est le véritable instigateur de cette tradition du supportérisme dans l’Oregon.
« Une tronçonneuse au stade ? Tu es cinglé »
Timber Jim est né à la fin des années 70, à l’époque de l’ancien championnat pro de soccer, la NASL. Serrill découvre le foot européen et s’y prend de passion. Employé au sein du principal sponsor du club à l’époque, la Louisiana Company, une scierie spécialisée dans les panneaux à particules, il décide un beau jour de se ramener au stade avec sa tronçonneuse de boulot. Au début bien sûr, il se fait gentiment envoyer balader. « Non Jim, tu ne peux pas amener une tronçonneuse, t’es cinglé », lui répond le manager général Keith Williams. Mais face à l’insistance du plus fidèle des supporters des Timbers (« bois de construction », en V.O), les dirigeants finissent par accepter, sentant qu’il y a là matière à faire parler du club. Car Serrill a une idée bien précise en tête : avec sa tronçonneuse, il compte découper un rondin de bois à chaque fois qu’un joueur local inscrit un but. Timber Jim est né, il survivra à la fin de la NASL au début des années 80 et renaîtra de ses cendres au début des années 2000 lorsque les Portland Timbers se reforme avec l’objectif d’intégrer la MLS.
Ex-rugbyman et pro de rodéo
« J’ai commencé à supporter les Timbers en 2001 et j’ai tout de suite été marqué par ce rituel de mon prédécesseur Timber Jim », se rappelle Joey Webber, ancien international junior de rugby qui a connu un peu le circuit professionnel de rodéo. Avec ses gros muscles et sa barbe hirsute, il n’a pas seulement l’allure du bucheron, il en a aussi la formation en ayant suivi des cours dans une école forestière. Au fil des années à fréquenter Providence Park, Joey se lie d’amitié avec Timber Jim et c’est tout naturellement que lorsque ce dernier décide d’annoncer sa « retraite » en 2008, il demande à Joey de reprendre le flambeau. Timber Jim est mort, vive Timber Joey ! Et c’est peu dire que ce dernier prend son rôle de supporter numéro 1 au sérieux. « On a l’un des meilleurs publics du monde, tous sports confondus, vante-t-il très sérieusement.La Timbers Army (principal groupe de supporters à Providence Park, ndlr) fait des tifos complètement dingues et sa passion est sans limite. Et puis, ils sont très impliqués au niveau caritatif avec des actions en faveur des enfants, des démunis et de l’environnement. »
Quatre rondelles pour un quadruplé de Piquionne
Fièrement, Timber Joey fait donc face à cette redoutable Timbers Army lors de chaque match à domicile. Casque de chantier old school vissé sur le crane, lunettes de protection, gants et pantalon renforcé, il est prêt à s’attaquer au tronc habillé d’écharpes aux couleurs du club et à tronçonner des galettes de bois de quelques centimètres d’épaisseur pour chaque but marqué par l’équipe locale. Un travail effectué sous les encouragements du public, avant d’aller dans les travées permettre au public de toucher le précieux rondin qui sera ensuite remis au buteur au coup de sifflet final. « C’est un Français à qui j’en ai remis le plus en un seul match, se rappelle d’ailleurs Timber Joey. En 2013, Frédéric Piquionne avait réussi un quadruplé lors d’une victoire 5-1 en Coupe. » Mi-fan, mi-mascotte, Joey Webber a en tout cas porté chance à son club de cœur, qui a conquis à l’automne dernier le premier titre national de son histoire, dominant en finale de la saison de MLS la formation de Columbus Crew (2-1). « Je ne sais pas si je porte bonheur à l’équipe mais l’important pour moi est de rendre les gens heureux et qu’on parle en bien des Timbers », assure Joey, en écho avec l’expression favorite de son ainée Timber Jim, devenu depuis l’un des principaux cris de ralliement de la Timber Army « Spread the love » , traduisible en « répands de l’amour ». Des romantiques, ces supporters américains…
Par Régis Delanoë, à Rennes