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  • Foot & racisme

Thuram : des maux pour le dire ?

Par Nicolas Kssis-Martov
Thuram : des maux pour le dire ?

Cible des critiques depuis sa réaction aux cris de singes reçus par Romelu Lukaku à Cagliari, Lilian Thuram est de retour au centre des débats. Il se voit même affublé du qualificatif de raciste anti-blanc. En dehors de sa maladresse ou de ce que l'on peut penser du propos, la polémique et son ampleur en disent de fait plus sur le foot et la société française que les déclarations qui l'ont provoqué.

« Il faut prendre conscience que le monde du foot n’est pas raciste, mais qu’il y a du racisme dans la culture italienne, française, européenne et plus généralement dans la culture blanche. Il est nécessaire d’avoir le courage de dire que les Blancs pensent être supérieurs et qu’ils croient l’être. » Ces quelques mots extraits du Corriere dello Sport ont projeté d’un coup Lilian Thuram en tendance sur tous les réseaux sociaux, provoquant une mini-polémique dont la France possède le secret. Depuis, l’ancien défenseur des Bleus s’est expliqué longuement, rappelant qu’il s’exprimait d’abord sur ce qui venait de se passer en Italie. « On me fait dire : « Les Blancs se pensent supérieurs et croient l’être. » Mais ce n’est pas mon propos. Dans cette phrase, je parle des supporters racistes. Pourquoi ces gens se permettent-ils de faire des bruits de singe ? Parce qu’ils ont un complexe de supériorité. Et ce complexe est issu d’une culture raciste dans laquelle ils ont grandi. » Et de compléter sur RTL : « Cette phrase est sortie de son contexte.(…)On me posait une question sur les supporters italiens qui étaient racistes. Je disais en fait que pour comprendre pourquoi ces personnes font le bruit du singe, c’est tout simplement parce qu’ils ont un complexe de supériorité car ils sont blancs. » Pour qui prend la peine d’aller à la source et d’utiliser Google Traduction, la défense tient la route, même s’il est toujours possible de gloser sur les tournures et les raccourcis historiques. Il n’est pas non plus inutile de rappeler le communiqué surréaliste des supporters de l’Inter qui prenaient la défense de leurs confrères de Caligari, auteurs des fameux cris de singe envers l’international belge. Souvenez-vous : « Nous sommes désolés que vous pensiez que ce qui s’est passé à Cagliari était du racisme, est-il écrit dans cette lettre ouverte. Vous devez comprendre que l’Italie n’est pas comme beaucoup d’autres pays européens où le racisme est un VRAI problème. Nous comprenons que c’est peut-être ce qui vous a semblé, mais ce n’est pas le cas. En Italie, nous utilisons certains « moyens » uniquement pour « aider » l’équipe et d’essayer de rendre les adversaires nerveux non pas par racisme, mais par déstabilisation. »

Jamais le bon moment pour en parler

Tout le monde l’a saisi : l’enjeu ne se situe pas dans ce qu’a pu exprimer Lilian Thuram, ou le fond de sa pensée. La multiplication des réactions, des plateaux télé ou radio autour de « l’affaire » ne peut simplement provenir d’une incompréhension autour de l’argumentaire de l’ancien joueur de la Juve et de Parme. La LICRA, par exemple, l’a renvoyé dos à dos avec ce que Thuram affirme dénoncer : « Cette assignation, qui crée un monde avec les « Blancs » d’un côté et les « Noirs » de l’autre, n’est pas acceptable si on prétend, comme souhaite le faire Lilian Thuram, combattre le racisme. » De leur côté, tous les politiques, notamment ceux ou celles en manque de visibilité qui devinent l’écho d’un bon tweet en ces périodes de charivaris médiatiques, se sont rués sur l’occasion. Florian Philippot en est l’exemple le plus emblématique : « On est ici pile poil dans la définition du racisme : attribuer à un groupe de personnes une caractéristique uniquement déterminée par leur couleur de peau… Il faudra revoir votre copie avant de donner des leçons d’anti-racisme. »

De fait, de façon hallucinante, face à ce problème qui gangrène le foot et la société, le plus grave semble être qu’une personne concernée au premier chef ait osé en chercher et en exposer les causes. Si tout le monde reconnaît que le racisme sévit dans le foot, étrangement ce n’est jamais le bon moment apparemment pour en parler et en trouver la raison. La levée de boucliers, notamment des institutions et des chroniqueurs, semble toujours la même : « Il n’y avait pas de racisme dans les quotas de l’équipe de France. » ; « Willy Sagnol n’a rien dit de raciste. » ; « La blackface de Griezmann n’est que maladresse. » ; « Benzema délire quand il dit que son traitement est dû à ses origines. » …

« Il y a une culture raciste »

Bref, qu’un homme noir ose dénoncer (on peut discuter de la forme) un racisme structurel est bien plus grave que le racisme lui-même. « Historiquement, il y a une culture raciste, comme il y a une culture homophobe ou sexiste. Je trouve très malhonnête qu’aujourd’hui l’on puisse faire des débats sur des choses qui ne sont pas expliquées » , a ainsi complété Lilian Thuram. « On commente davantage les propos de Lilian Thuram que le fait que des personnes adultes en 2019 traitent des hommes noirs de singes, c’est regrettable » , expliquait de son côté Rokhaya Diallo dans l’émission On refait le monde sur RTL. En effet, on ne se souvient pas d’une telle mobilisation des consciences, et du temps d’antenne, lorsque Mario Balotelli fut confronté à une telle situation dans notre charmante Ligue 1.

Enfin, surtout, l’ampleur du raz-de-marée « d’indignation » face au « racisme anti-blanc » prêté à Lilian Thuram tient aussi au fait qu’il est sorti de son rôle. Du seul qu’on autorise à un joueur de sa couleur de peau : affronter dignement la discrimination et les injures, si possible en silence. Dès que dans les débats sur le racisme, le sexisme et l’homophobie, ceux et celles qui y sont exposé-e-s proposent une analyse au lieu de se plaindre, la ligne de défense surgit immédiatement : laisse l’antiracisme aux « blancs hérétos mâles » . Lilian Thuram a peut-être mal choisi ses mots, mais il a dénoncé de vrais maux.

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